Quantcast
Channel: Association France Palestine Solidarité
Viewing all articles
Browse latest Browse all 26648

Encore une guerre superflue

$
0
0

Comment a-​​t-​​elle com­mencé ? Question stupide. Les confla­gra­tions le long de la bande de Gaza ne com­mencent pas. Elles consti­tuent sim­plement une chaîne continue d'événements, chacun d'eux pré­tendant être en “repré­sailles” du pré­cédent. L'action est suivie de réaction, qui est suivie de repré­sailles, qui sont suivies de…

Cet événement par­ti­culier est “parti” du tir depuis Gaza d'une arme anti-​​char contre une jeep par­tiel­lement blindée se trouvant du côté israélien de la bar­rière fron­ta­lière. Ce tir fut pré­senté comme lancé en repré­sailles de la mort d'un garçon au cours d'une attaque aérienne quelques jours plus tôt. Mais il est pro­bable que le moment de l'action a été fortuit – l'occasion s'est juste présentée.

Le succès a suscité des mani­fes­ta­tions de joie et de fiertéà Gaza. Une nou­velle fois les Pales­ti­niens avaient montré leur capacité de frapper l'ennemi honni.

POURTANT, LES Pales­ti­niens étaient tombés dans un piège préparé avec grand soin. Que l'ordre ait été donné par le Hamas ou par une orga­ni­sation extré­miste plus modeste – ce n'était pas une chose intel­li­gente à faire.

Tirer à travers la clôture sur un véhicule de l'armée, c'était franchir une ligne rouge. (Le Moyen Orient est plein de lignes rouges.) Il était sûr qu'une réaction israé­lienne majeure s'ensuivrait.

C'était plutôt de la routine. Des chars israé­liens ont tiré des obus sur la bande de Gaza. Le Hamas a lancé des roquettes sur des villes et des vil­lages israé­liens. Des cen­taines de mil­liers d'Israéliens se sont pré­ci­pités dans leurs abris. Des écoles ont fermé.

Comme d'habitude, des média­teurs égyp­tiens et autres sont inter­venus. Dans les cou­lisses, une nou­velle trève a été conclue. Cela sem­blait terminé. Juste un autre round.

La partie israé­lienne a tout fait pour revenir à la nor­malité. Du moins en appa­rence. Le Premier ministre et le ministre de la Défense ont aban­donné l'affaire (pour s'occuper de la fron­tière syrienne) afin de montrer que Gaza ne faisait plus partie de leurs préoccupations.

À Gaza, tout le monde s'est détendu. Les gens ont quitté leurs abris. Leur com­mandant mili­taire en chef, Ahmad Ja'abari, est monté dans sa voiture pour emprunter la rue principale.

C'est alors que le piège s'est refermé. La voiture où se trouvait le com­mandant en chef a explosé sous le coup d'un missile venu des airs.

UNTEL assas­sinat n'est pas exécuté sous l'impulsion du moment. C'est le point culminant de nom­breux mois de pré­pa­ration, de recueil d'informations, d'attente du moment précis où il pourrait se réa­liser sans tuer de nom­breuses per­sonnes à côté en causant un scandale international.

En réalité, il aurait dû se pro­duire un jour plus tôt, mais il avait été différéà cause du mauvais temps.

Ja'abari était l'homme der­rière toutes les acti­vités mili­taires du gou­ver­nement du Hamas à Gaza, dont la capture de Gilad Shalit et le secret gardé pendant cinq ans sur le lieu de sa détention. Il avait été pho­to­graphié lors de la remise de Shalit aux Égyptiens.

Alors c'était cette fois au tour des Israé­liens de mani­fester leur joie. Tout comme les Amé­ri­cains après l'assassinat d'Ousama Ben-​​Laden.

L'ASSASSINAT de Ja'abari a été le signal pour déclencher l'opération planifiée.

La bande de Gaza est remplie de mis­siles. Cer­tains d'entre eux sont capables d'atteindre Tel Aviv, dis­tante de quelque 40 km. L'armée israé­lienne a pla­nifié depuis long­temps une opé­ration majeure pour en détruire une quantité aussi impor­tante que pos­sible depuis les airs. Les ser­vices de ren­sei­gnement ont ras­semblé patiemment des infor­ma­tions sur leurs empla­ce­ments. C'est l'objectif de l'opération “Colonne de Nuée”. (Et le Sei­gneur les pré­cédait le jour au sein d'une colonne de nuée, pour leur montrer le chemin – Exode 13, 21).

Au moment où j'écris, je ne sais pas encore comment tout cela se ter­minera. Mais on peut déjà tirer quelques conclusions.

TOUT D'ABORD, il ne s'agit pas de Plomb Durci II. Loin de là.

L'armée israé­lienne est plutôt habile à tirer dis­crè­tement les leçons de ses échecs. Plomb Durci a été célébré comme un grand succès, mais cela a été en réalité un désastre.

L'envoi de troupes dans une zone à forte densité de popu­lation conduit à causer de lourdes pertes civiles. Les crimes de guerre sont presque inévi­tables. La réaction mon­diale a été catas­tro­phique. Le dommage poli­tique immense. Le chef d'état-major de l'époque, Gaby Ash­kenazi, a été lar­gement acclamé, mais c'était en réalité un mili­taire de type plutôt pri­mitif. Son suc­cesseur actuel est d'un autre calibre.

De plus, des décla­ra­tions gran­di­lo­quentes sur la des­truction du Hamas et le retour de la Bande sous l'autorité de Ramallah ont été cette fois évitées.

L'objectif israélien, a-​​t-​​il été déclaré, est de causer le maximum de dom­mages au Hamas avec le minimum de vic­times civiles. On espérait que cela pourrait se réa­liser presque entiè­rement par le recours à la force aérienne. Dans la pre­mière phase de l'opération, cela a semblé réussir. La question est de savoir si cela peut être maintenu alors que la guerre se poursuit.

COMMENT cela va-​​t-​​il finir ? Il serait imprudent d'en pré­juger. Les guerres ont leur propre logique. Les choses arrivent, comme disait l'autre.

Ben­jamin Néta­nyahou et Ehoud Barak, les deux hommes qui dirigent tout, espèrent que la guerre prendra fin lorsque les objectifs prin­cipaux auront été atteints. Il n'y aurait ainsi aucune raison d'employer l'armée sur le terrain, d'entrer dans la bande de Gaza, de tuer des gens, de perdre des soldats.

La dis­suasion sera rétablie. Une autre trêve sera mise en œuvre. La popu­lation israé­lienne proche de la Bande pourra dormir tran­quillement la nuit pendant plu­sieurs mois. Le Hamas sera remis à sa place.

Mais l'ensemble de l'exercice va-​​t-​​il modifier fon­da­men­ta­lement la situation ? Il ne semble pas.

Ja'abari sera rem­placé. Israël a assassiné des dizaines de diri­geants poli­tiques et mili­taires arabes. C'est même le champion du monde de ce genre d'assassinats, poliment qua­lifiés de “pré­ven­tions ciblées” ou d'“éliminations”. Si c'était une dis­ci­pline olym­pique, le ministre de la Défense, le Mossad et le Shin Bet seraient cou­verts de médailles d'or.

On a quel­quefois l'impression que les assas­sinats sont un objectif en soi, et les autres opé­ra­tions sim­plement acces­soires. Un artiste est fier de son art.

Quels ont été les résultats ? Glo­ba­lement, rien de positif. Israël a tué le diri­geant du Hez­bollah Abbas al-​​Moussaoui, et obtenu à la place le beaucoup plus intel­ligent Hassan Nas­rallah. Ils ont tué le fon­dateur du Hamas Sheik Ahmad Yassin, et il a été rem­placé par un homme plus habile. Le suc­cesseur de Ja'abari peut être plus ou moins com­pétent. Cela ne fera pas une grande différence.

Cet assas­sinat mettra-​​t-​​il fin à la pro­gression constante du Hamas ? J'en doute. C'est peut-​​être le contraire qui se pro­duira. Le Hamas a déjà réalisé une percée signi­fi­cative lorsque l'Émir du Qatar (pro­prié­taire d'Aljazeera) a fait à Gaza une visite d'État. Il a été le premier chef d'État à le faire. D'autres sont appelés à le suivre. En ce moment même, en plein milieu de l'opération, le Premier ministre égyptien arrive à Gaza.

L'opération “Colonne de Nuée” (« Pillar of Cloud » en anglais) impose à tous les pays arabes de se ras­sembler autour du Hamas ou au moins à y pré­tendre. Cela contredit la décla­ration des orga­ni­sa­tions les plus extré­mistes de Gaza que le Hamas est devenu doux et non­chalant en goûtant aux avan­tages du gou­ver­nement. Dans la bataille pour l'opinion pales­ti­nienne, le Hamas a gagné une nou­velle vic­toire sur Mahmoud Abbas, dont la coopé­ration avec Israël en matière de sécurité va paraître encore plus méprisable.

À tout prendre, rien de fon­da­mental ne va changer. Ce n'est qu'une guerre superflue de plus.

C'EST, naturellement, un événement éminemment politique.

Comme Plomb Durci, il se produit à la veille d'élections israé­liennes. (À propos, c'était aussi le cas de la guerre du Kippour, mais elle avait été décidée par le camp adverse.)

L'un des spec­tacles les plus lamen­tables de ces der­niers jours a été l'apparition à la télé­vision de Shelly Yachi­movich et de Ya'ir Lapid. Les deux nou­velles étoiles qui brillent au fir­mament poli­tique d'Israël res­sem­blaient à des poli­ti­ciens minables, répétant comme des per­ro­quets la pro­pa­gande de Néta­nyahou, approuvant tout ce qui était fait.

L'un et l'autre avaient accroché leurs wagons à la pro­tes­tation sociale, dans l'espoir que les ques­tions sociales allaient prendre la place des ques­tions comme la guerre, l'occupation et les colonies dans le pro­gramme. Lorsque l'opinion publique s'inquiète du prix du fromage blanc, qui se soucie de la poli­tique nationale ?

J'ai dit à l'époque qu'une petite dose d'action mili­taire rejet­terait toute question écono­mique et sociale comme frivole et déplacée. C'est ce qui vient de se produire.

Néta­nyahou et Barak appa­raissent plu­sieurs fois par jour à l'écran. Ils paraissent res­pon­sables, sérieux, déter­minés, expé­ri­mentés. De vrais mâles, à la tête des troupes, maîtres des événe­ments, sau­veurs de la nation, dictant leur conduite aux ennemis d'Israël et à l'ensemble du peuple juif. Comme l'a affirmé Lapid en direct à la télé­vision : “Le Hamas est une orga­ni­sation ter­ro­riste anti-​​sémite qu'il faut écraser.”

C'est ce que fait Néta­nyahou. Adieu Lapid. Adieu Shelly. Adieu Olmert. Adieu Tzipi. Nous avons été heureux de vous voir.

Y AVAIT-​​IL une alter­native ? Évidemment, la situation aux abords de la bande de Gaza était devenue into­lé­rable. Vous ne pouvez pas envoyer toute une popu­lation aux abris toutes les deux ou trois semaines. Sauf à frapper le Hamas à la tête, que pouvez-​​vous faire ?

Beaucoup.

Tout d'abord, Vous pouvez vous abs­tenir de “réagir”. Sim­plement rompre l'enchaînement.

Ensuite, vous pouvez dia­loguer avec le Hamas en tant que gou­ver­nement de fait à Gaza. Vous l'avez fait, réel­lement, lorsque vous avez négocié la libé­ration de Shalit. Alors, pourquoi ne pas envi­sager un modus vivendi per­manent, avec l'implication de l'Égypte ?

On peut réa­liser une hudna. Dans la culture arabe, une hudna est une trêve qui engage, sanc­tifiée par Allah, et qui peut durer de longues années. Une hudna ne peut être violée. Même les croisés ont conclu des hudnas avec leurs ennemis musulmans.

Le len­demain de l'assassinat, le militant de la paix israélien Gershon Baskin, qui avait été impliqué dans la médiation pour la libé­ration de Shalit, a révélé qu'il avait été en contact avec Ja'abari jusqu'au dernier moment. Ja'abari s'était montré inté­ressé par un cessez-​​le-​​feu durable. Les auto­rités israé­liennes en avaient été informées.

Mais le remède véri­table est la paix. La paix avec le peuple pales­tinien. Le Hamas a déjà déclaré solen­nel­lement qu'il res­pec­terait un accord de paix conclu par l'OLP – c'est-à-dire par Mahmoud Abbas – établissant un État pales­tinien sur les fron­tières de 1967, à condition que cet accord soit confirmé par un réfé­rendum palestinien.

Sans cela, l'effusion de sang va tout sim­plement se pour­suivre, round après round. Sans fin.

La paix est la réponse. Mais lorsque la visi­bilité est voilée par des colonnes de nuée, qui peut voir cela ?

Article écrit en hébreu et en anglais, publié sur le site de Gush Shalom le 17 novembre 2012Traduit de l'anglais "Another Super­fluous War" pour l'AFPS : FL


Viewing all articles
Browse latest Browse all 26648

Trending Articles