Pour les commentateurs du monde arabe, la pleine reconnaissance d'un Etat de Palestine souverain ne peut désormais plus se faire sans une réconcilation des camps palestiniens, entre le Fatah de Mahmoud Abbas d'un côté et le Hamas de Ismaïl Haniyeh de l'autre.
Dans le monde arabe, depuis jeudi 29 novembre, l'on célèbre le "milad daoula Palestine" : la naissance de l'Etat de Palestine. "La Palestine est le 194e Etat aux Nations unies en qualité d'observateur", titre en une, vendredi, le quotidien panarabe Al-Sharq Al-Awsat. La décision de 138 pays de voter en faveur de la résolution qui donne à la Palestine le statut d'Etat observateur non-membre auprès des Nations unies "est décrite comme historique et relevant du rêve", poursuit Al-Sharq Al-Awsat. Un rêve qui anime la population palestinienne depuis 65 ans et la résolution 181 adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU qui a entériné le plan de partage de la Palestine mandataire, prévoyant l'établissement d'un Etat juif et d'un Etat arabe. Et que ne viendra pas entacher le "non" de "pays ayant la taille de villages", semble railler le quotidien palestinien Al-Quds. Dans les rues de Cisjordanie comme de Gaza, des dizaines de milliers de Palestiniens ont organisé des manifestations de soutien au président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas (Abou Mazen), et appeléà l'unité, indique Sharq Al-Awsat. Brandissant des portraits d'Abou Mazen, de Yasser Arafat et des pancartes disant "Palestine 194", ils ont fêté l'événement à sa mesure. La population de la bande de Gaza a tenu à montrer à Mahmoud Abbas qu'elle était derrière lui et qu'il restait populaire, même après la récente guerre de Gaza, entre le 14 et le 21 novembre, où le Hamas a été sur le devant de la scène, indique Al-Sharq Al-Awsat.
ABBAS, LE"PÈREDE L'ÉTAT"
Car, jeudi soir, "après des décennies de lutte, armée et politique, de victoires et de défaites, de déceptions qui n'ont pas tué l'espoir", Abou Mazen ("le père de Mazen" en arabe) est devenu Abou Al-Daoula ("le père de l'Etat"), a salué dans un portrait le quotidien panarabe Al-Sharq Al-Awsat. Né en 1935à Safed, ville aujourd'hui située en Israël, l'homme a été de tous les combats depuis 44 ans, aux côtés de Yasser Arafat, notamment, et fut l'architecte des accords d'Oslo en 1993, rappelle le quotidien. "Il ne fait aucun doute qu'Abou Mazen a voulu clore sa carrière politique sur une victoire, en rentrant dans l'histoire, comme tous les dirigeants, après avoir été l'homme des différents chocs entre le peuple palestinien, des divisions et des appels de l'opposition à ce qu'il abandonne", dit Sharq Al-Awsat qui souligne "l'audace" tout autant que les "gaffes" du leader palestinien. Des "gaffes" et des choix qui lui ont souvent été reprochés par le quotidien panarabe Al-Quds Al-Arabi. "On ne peut que saluer, reconnaît toutefois le journal, la façon avec laquelle le président Abbas a résisté aux pressions américaine et israélienne. (…) Nous n'hésitons pas à féliciter l'Autorité palestinienne d'avoir réalisé cet exploit à l'ONU et nous nous réjouissons qu'il soit un prélude à d'autres réalisations diplomatiques dans un proche avenir, y compris à poursuivre les criminels de guerre israéliens (…)."
Mahmoud Abbas a déja annoncé qu'il ne se représenterait pas à la prochaine élection présidentielle. Ménera-t-il toutefois le nouveau round de négociations de paix qu'il a promis d'entamer après la victoire à l'ONU, pour donner à l'Etat de Palestine une pleine souveraineté, s'interroge Sharq Al-Awsat. "Abou Mazen croit fermement en une solution politique et il a répété que, tant qu'il sera en vie, il ne permettra pas que survienne une troisième intifada", à la différence du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, analyse le quotidien panarabe.
LANÉCESSAIRERÉCONCILIATION
Pour les commentateurs du monde arabe, la pleine reconnaissance d'un Etat de Palestine souverain ne peut désormais plus se faire sans une réconcilation des camps palestiniens, entre le Fatah de Mahmoud Abbas d'un côté et le Hamas de Ismaïl Haniyeh de l'autre. Pour Al Quds Al-Arabi, "la bénédiction donnée par le mouvement de résistance islamique Hamas à la démarche auprès de l'ONU doit constituer un motif pour réaliser la réconciliation nationale palestinienne et l'application de tous les protocoles, y compris la reconstruction de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) sur de nouvelles bases afin d'obtenir une représentation fidèle de l'ensemble ou de la plupart des fils de ce peuple à la maison et au sein de la diaspora".
Ismaïl Haniyeh, le leader du Hamas, et Mamoud Abbas, le président palestinien, en mars 2007.
L'heure semble être revenue de l'unité entre les rivaux palestiniens du Fatah et du Hamas, mais pour combien de temps, se demandent les observateurs ? Jibril Rajoub, un membre du comité central du Fatah, a appeléà mettre en œuvre "dès demain (…) notre programme de réconciliation. Nous sommes un peuple plus proche de l'unité que de la dispersion et de la division. Nous, au Fatah, disons que toutes les options sont ouvertes dès aujourd'hui, mais ce devra être le fruit d'un débat pour obtenir un consensus national", a-t-il appelé, rapporte Al-Sharq Al-Awsat. Mahmoud Abbas et le Fatah ont salué le Hamas et le Djihad islamique pour la victoire obtenue dans la dernière guerre de Gaza.
En retour, Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, a salué le vote à l'ONU comme "une victoire diplomatique et politique considérable, mais pour traduire cette résolution dans les faits et en un Etat sur le terrain, nous devons poursuivre la résistance et le djihad et nous consacrer à l'unité palestinienne sur une stratégie de résistance", rapporte Al-Quds. "Ce qui s'est passéà l'Assemblée générale de l'ONU est le couronnement de la persévérance, des luttes et des sacrifices du peuple palestinien et confirme la victoire remportée à Gaza", a déclaré M. Haniyeh. Le chef du mouvement du Jihad islamique, Saïd Nakhle, a également appelé, indique Al-Sharq Al-Awsat, tout Palestinien "à rendre au peuple palestinien ses pleins droits dans n'importe quel forum et lieu. Notre peuple ne s'opposera à la direction insufflée par son leadership, mais nous devons tenir compte de lui et ne pas l'abandonner, quels que soient les sacrifices."
Hélène Sallon Le Monde.fr | 30.11.2012