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Khaled Mechaal, chef du Hamas aux multiples visages

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Khaled Mechaal (gauche) à Gaza, le 7 décembre 2012.

Le chef du bureau poli­tique du Hamas, Khaled Mechaal, est en visite pour 48 heures à Gaza après quarante-​​cinq ans d'exil. Figure incon­tour­nable au Proche-​​Orient, Khaled Mechaal est un per­sonnage à mul­tiples facettes. Après avoir long­temps repré­senté l'aile dure du mou­vement, il prône désormais un rap­pro­chement avec le Fatah et se dit prêt à négocier avec Israël, tout en conti­nuant à refuser de recon­naître offi­ciel­lement l'Etat hébreu.

Il n'avait pas foulé le sol pales­tinien depuis trente-​​sept ans. Alors quand Khaled Mechaal est arrivéà Gaza, ven­dredi 7 décembre, sous un soleil d'hiver, il s'est pros­terné pour embrasser le sol. Le chef du Hamas a ensuite été accueilli par une dizaine d'officiels repré­sentant diverses fac­tions pales­ti­niennes rivales. A Gaza, Khaled Mechaal doit assister à un grand ras­sem­blement popu­laire célé­brant à la fois le 25e anni­ver­saire du mou­vement isla­miste et la récente « vic­toire » contre Israël durant l'opération « Pilier de défense ».

« Aujourd'hui Gaza, demain Ramallah et après cela, Jéru­salem puis Haïfa et Jaffa », avait-​​il lancé un peu plus tôt au ter­minal de Rafah, à la fron­tière avec l'Egypte. Gaza, Ramallah, Jéru­salem, Haïfa, Jaffa, villes sym­boles de la Palestine man­da­taire, qui recou­vrait Israël et les Ter­ri­toires pales­ti­niens avant 1948. La grande Palestine, le combat d'une vie pour Khaled Mechaal.

Khaled Mechaal a onze ans quand la guerre des Six Jours l'arrache avec sa famille de sa Cis­jor­danie natale. Ils se réfu­gient au Koweït, haut lieu du natio­na­lisme pales­tinien. Après une enfance nourrie par les récits de résis­tance de son père contre le mandat bri­tan­nique sur la Palestine, Mechaal rejoint les Frères musulmans. C'est là qu'il par­ticipe en 1987à la création du Hamas, le Mou­vement de la résis­tance isla­mique. En 1990, lorsqu'éclate la guerre du Golfe, Khaled Mechaal quitte le Koweït pour la Jor­danie. Il y établit le bureau poli­tique du Hamas dont il prend la tête en 1996, avant de s'installer à Damas trois ans plus tard. En 2004, il est pro­pulséà la tête du mou­vement, après l'assassinat par Israël de cheikh Ahmed Yassine, puis de son suc­cesseur Abdel Aziz al-​​Rantissi.

Homme à abattre ou interlocuteur privilégié ?

Khaled Mechaal incarne l'aile dure du Hamas. Il prône la « résis­tance armée » pour libérer les ter­ri­toires occupés et refuse tout dia­logue avec l'Etat hébreu dont il ne reconnaît pas l'existence. On l'a long­temps dit proche de la Syrie et de l'Iran qui lui ont apporté un soutien poli­tique et financier. Mais aussi du Hez­bollah libanais, dont le Hamas s'inspire pour établir sa stra­tégie alliant action armée et mobi­li­sation populaire.

Pour Israël, Mechaal est l'homme à abattre. Au len­demain de la capture du caporal israélien Gilad Shalit en juin 2006, il devient une « cible ». L'Etat hébreu le compare même à Oussama ben Laden. Il l'accuse de com­man­diter depuis Damas les attentats anti-​​israéliens commis par le Hamas. Ce n'est pas la pre­mière fois que Khaled Mechaal se trouve dans le viseur israélien. Neuf ans plus tôt, en 1997, cinq agents du Mossad se faisant passer pour des tou­ristes cana­diens essayent de le tuer à Amman en lui injectant du poison. L'opération tourne mal : deux agents sont arrêtés, les trois autres se réfu­gient à l'ambassade d'Israël. Le chef du Hamas, lui, sombre dans le coma.

L'affaire pro­voque la fureur du roi Hussein qui demande au gou­ver­nement israélien de lui fournir l'antidote en échange de la libé­ration des deux agents. Le Premier ministre Benyamin Neta­nyahu pré­sente des excuses publiques et autorise la libé­ration du chef spi­rituel du Hamas, cheikh Ahmed Yassine, et son retour à Gaza.

Khaled Mechaal est l'ennemi public. Mais en cou­lisses, ce brillant orateur s'avère être aussi un acteur incon­tour­nable dans les rela­tions israélo-​​palestiniennes. En 2007, il est ainsi au cœur des négo­cia­tions secrètes menées par le chef des ren­sei­gne­ments égyp­tiens pour la libé­ration du caporal Shalit. Pourrait-​​il acquérir le statut d'interlocuteur dans le cadre d'un éventuel pro­cessus de paix avec Israël ? On en est encore loin, mais Mechaal pèse suf­fi­samment lourd pour y parvenir.

Et s'il se refuse tou­jours à recon­naître offi­ciel­lement l'Etat hébreu, le chef du Hamas est prag­ma­tique. « Israël est une réalité», « il restera un Etat appelé Israël », affirme-​​t-​​il dans une interview à Reuters en 2007. Plus récemment, il s'est dit prêt à« donner une chance » aux négo­cia­tions avec Israël et s'est pro­noncé pour la « résis­tance popu­laire pacifique ».

Un leader contesté

D'apparence plus diplomate dans ses rela­tions avec l'Etat hébreu, Khaled Mechaal l'est aussi en poli­tique inté­rieure, comme en témoigne le rap­pro­chement avec le Fatah du pré­sident pales­tinien Mahmoud Abbas opéré au prin­temps 2011. « Il n'y a pas d'autre voie que de nous entendre, d'autant plus que nous sommes en plein Prin­temps arabe et que les vents du chan­gement soufflent sur la région », affirme-​​t-​​il alors. En même temps, Mechaal prend ses dis­tances avec la Syrie et s'installe à Doha, au Qatar.

Ces revi­re­ments pro­voquent de fortes dis­sen­sions dans ses propres rangs, en par­ti­culier parmi les leaders dans la bande de Gaza. Contesté, Khaled Mechaal assure ne pas avoir l'intention de rester à la tête du Mou­vement de la résis­tance isla­mique. Mais le scrutin interne censé désigner son suc­cesseur est sus­pendu depuis plu­sieurs mois. Aujourd'hui, la récon­ci­liation avec le Fatah reste lettre morte. Mais cela n'a pas empêché le chef du Hamas de sou­tenir en novembre la demande de Mahmoud Abbas pour un statut d'Etat obser­vateur à l'ONU.

A son arrivée à Gaza ven­dredi, Khaled Mechaal s'est rendu sur les lieux touchés par les frappes de l'opération israé­lienne « Pilier de défense », et notamment sur les ruines de la maison de la famille Dalou où douze per­sonnes, dont six femmes et quatre enfants, ont été tuées en novembre. « Nous voulons la Palestine, tout le ter­ri­toire, et le droit au retour des réfugiés », a-​​t-​​il déclaré. « J'espère que Dieu m'accordera le martyre à Gaza », a-​​t-​​il encore dit. S'il semble prêt à quelques conces­sions, le chef du Hamas ne renonce donc pas pour autant au combat.


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