Le premier ministre israélien et chef du Likoud, Benyamin Nétanyahou, a donné le coup d'envoi de sa campagne pour les législatives du 22 janvier, mardi 25 décembre.
A quatre semaines des élections législatives du 22 janvier, le chef du Likoud (droite) Benyamin Nétanyahou a donné, mardi 25 décembre au soir, le coup d'envoi de sa campagne. En lice pour un troisième mandat à la tête du gouvernement israélien, le premier ministre a initié une campagne très marquée à droite, dans l'espoir d'endiguer l'hémorragie de votes en faveur des petits partis de la droite nationaliste et religieuse, et notamment du parti Habayit Hayehudi de Naftali Bennett qui ne cesse de grimper dans les sondages.
Un positionnement choisi par M. Nétanyahou, il y a deux mois déjà, lorsqu'il s'est alliéà son ancien ministre des affaires étrangères et chef du parti ultra-nationaliste Israël Beïtenou, Avigdor Lieberman. Bien que son avenir politique s'avère incertain, après son inculpation pour fraude et abus de confiance - et de nouveaux interrogatoires policiers mardi - M. Lieberman était présent au côté du chef du gouvernement pour dessiner, devant les militants réunis au Centre de convention international de Jérusalem, les grandes lignes de cette campagne conjointe. Le chef d'Israël Beïtenou n'a d'ailleurs pas exclu, dans un entretien au site d'information en langue russe Cursor, de prendre la tête de la commission de défense et affaires étrangères de la Knesset en cas d'impossibilité d'assumer un poste ministériel, rapporte le quotidien Yedihot Aharonot.
"Pour une soirée, toute discussion sur la solution de deux Etats —israélien et palestinien — , l'inculpation attendue de M. Lieberman pour corruption et les lourdes restrictions prévues au budget de l'année prochaine ont été occultées", commente le journaliste de Haaretz, Jonathan Lis. Placé sous le slogan "Quand Nétanyahou parle, le monde l'écoute", ce premier meeting de campagne a été pour M. Nétanyahou l'occasion d'égrener la liste de ses réalisations passées à la tête du gouvernement : le système de défense anti-missile "Dôme de fer", les sanctions internationales contre l'Iran et la libération du soldat Gilad Shalit. Les questions économiques et sociales, et notamment les mesures d'austérité qui devraient s'imposer lors du vote du prochain budget, ont ainsi été rapidement balayées au profit d'une présentation plus flatteuse de son bilan économique.
Parmi les dossiers prioritaires d'un prochain mandat, Benyamin Nétanyahou a préféré mettre l'accent sur des dossiers plus consensuels en Israël : l'Iran, la lutte contre le terrorisme et la poursuite de la construction dans les colonies. Les annonces faites, à l'approche des élections, par le gouvernement Nétanyahou de construire des milliers de logements pour les colons à Jérusalem-Est annexée et en Cisjordanie occupée, ont d'ailleurs été vues par certains commentateurs israéliens comme une façon d'axer la campagne électorale sur un terrain où il apparaît en position de force.
Doublé sur sa droite par une progression des nationalistes religieux, Benyamin Nétanyahou a ainsi une nouvelle fois promis mardi de "renforcer" les colonies juives. "Avec l'aide de Dieu, nous continuerons à vivre et à bâtir à Jérusalem, qui restera toujours indivisible sous la souveraineté israélienne", a-t-il assuré. L'opposition internationale à ce projet justifie d'ailleurs, a renchéri Avigdor Lieberman, la nécessité"d'un gouvernement fort et unifié qui puisse résister à cette pression".
UNPROGRAMMEDIFFICILEÀDESSINER
A l'occasion de ce meeting, aucun programme commun Likoud-Beitenou n'a toutefois été dévoilé. Certes, notent les commentateurs, le système politique israélien ne se prête pas à la publication de programmes électoraux détaillés. Les gouvernements israéliens étant le fruit de coalitions entre partis, les politiques gouvernementales sont davantage tributaires des accords de coalition négociés après l'élection. Cependant, les partis israéliens publient toujours leur programme, comme l'a fait cette semaine le parti travailliste (Haaretz).
L'absence de programme Likoud-Israël Beitenou pourrait davantage tenir à des difficultés d'ajustement sur la question palestinienne entre les deux alliés. Et notamment, à la difficulté pour Benyamin Nétanyahou d'adapter son programme de façon à conforter l'aile droite de son parti, sans se départir de précédents engagements. Des sources internes au parti assurent toutefois qu'il n'en est rien.
Avigdor Lieberman, le chef de file du parti Israël Beïtenou, a démissionné de son poste de ministre des affaires étrangères israélien après avoir été inculpé pour fraude.
A ce titre, le véritable défi de Benyamin Nétanyahou, estime le journaliste Jonathan Lis dans le quotidien Haaretz, est de rédiger un programme pouvant concilier l'idée de "deux Etats pour deux peuples", qu'il a émise pour la première fois dans son discours de Bar Ilan de juin 2009, parlant de l'établissement d'un Etat palestinien démilitarisé aux côtés de l'Etat d'Israël, aux vues de son parti et d'Israël Beïtenou. Le programme du Likoud n'a jamais fait mention de la reconnaissance d'un Etat palestinien, et nombreux sont ses membres qui en rejettent l'idée, tandis qu'Israël Beïtenou rejette catégoriquement la possibilité qu'un Etat palestinien puisse être établi aux côtés d'Israël. Selon le quotidien Haaretz, Benyamin Nétanyahou, "bien qu'il ait fait un pied de nez à la communauté internationale en autorisant de nouvelles constructions en Cisjordanie et à Jérusalem-est, n'est pas prêt à renier ce discours qui fait date."
En déclarant lundi que la création d'un Etat palestinien n'a jamais été inscrite au programme du Likoud, le ministre de l'éducation Gideon Sa'ar a toutefois relancé le débat sur la position même de M. Nétanyahou, indique le quotidien Yedihot Aharonot. Tzipi Livni, la chef du parti HaTnoua (Le mouvement) a estimé mardi que M. Nétanyahou avait enterré la solution de deux Etats et n'avait de toute manière avancé cette idée en 2009 que pour satisfaire aux pressions de la communauté internationale.
Une position que semble partager Haaretz, qui estime dans un éditorial, que "Benyamin Nétanyahou et Naftali Bennett représentent l'extrême-droite, qui ne croit pas à un accord avec les Palestiniens et souhaitent perpétuer l'occupation en construisant encore et encore des colonies, rendant tout accord de paix impossible." Même s'il n'invitait pas M. Bennett à prendre part à sa coalition, poursuit l'éditorial, il y a fort à penser que M. Nétanyahou ne ferait pas davantage pour faire avancer les négociations de paix lors de son prochain mandat qu'il ne l'ait fait lors des deux précédents.
"L'HOMMEDELASITUATION"
Cette campagne, Benyamin Nétanyahou semble ainsi davantage la construire sur sa personnalité et son bilan. Mardi soir, à Jérusalem, le premier ministre a harangué la foule : "Qui est selon eux la meilleure personne pour être leur premier ministre et diriger Israël pour les quatre années à venir ? Qui est le plus à même de gérer la question iranienne et la menace terroriste ? Qui a l'expérience et la responsabilité requise pour gérer le crise financière ?" A raison car, comme le montre un sondage publié mardi par le quotidien Haaretz, M. Nétanyahou reste le dirigeant politique auquel les Israéliens font le plus confiance.
Le bloc Likoud-Israël Beiteinou, crédité de 35 députés sur 120 selon ce sondage, a toutefois perdu du terrain ces dernières semaines face aux partis satellites de l'extrême-droite et religieux ultra-orthodoxes, notamment du parti Habayit Hayehudi de Naftali Bennett. Si Nétanyahou reste grand favori de ces élections, et assuré de pouvoir former une coalition pour diriger le prochain gouvernement, l'enjeu de ce scrutin est pour lui de s'assurer une représentativité confortable pour mener les changements politiques qu'il ambitionne. Ce qui prédit une campagne agressive sur le thème lancé mardi soir : "Citoyens d'Israël, ne gaspillez pas votre vote !".