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Saeed Amireh. Le révolutionnaire aux mains nues

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Saeed Amireh sort à peine de l'adolescence mais il a déjà perdu son inno­cence. Alors que la plupart des jeunes de son âge pensent encore à s'amuser et à pro­fiter de l'insouciance que leur confère leur âge, lui s'engage et lutte tous les jours pour la liberté. Son dis­cours est grave, intense. Il faut dire qu'à21 ans, ce garçon calme et posé a déjà vécu tant d'événements trau­ma­ti­sants. Depuis son plus jeune âge, Ni'lin, le village de Cis­jor­danie dans lequel il vit est occupé par les colons israé­liens. Situéà17 kilo­mètres de Ramallah, la bourgade qui pos­sédait aupa­ravant 5800 hec­tares de terres n'en dispose aujourd'hui plus que de 800. La popu­lation diminue tandis que les construc­tions, elles, se mul­ti­plient. Un mur de ciment a été construit tout autour de la ville et un tunnel que les habi­tants devront emprunter pour entrer et sortir de Ni'lin entre 6 heures et 18 heures sera pro­chai­nement terminé.

Face à cette occu­pation, les habi­tants ont choisi de résister. Mais pas avec les armes. Tous les ven­dredis, ils se réunissent et mani­festent paci­fi­quement. Saeed, lui, aime filmer ces scènes et les mettre sur Internet. « Notre caméra est notre témoin », explique-​​t-​​il à Paris​Match​.com. « Quand je raconte aux gens notre his­toire, que je leur montre mes images, ils sont choqués, poursuit-​​il. Ils n'entendent pas tout ça aux infor­ma­tions. Tou­tefois, notre but lorsqu'on parle n'est pas de faire pleurer les gens mais de les informer pour les encou­rager à agir pour nous. » Et peu importe si les mani­fes­ta­tions sont inter­dites dans le village et si les par­ti­ci­pants peuvent être arrêtés à tout moment. « Il n'y a pas de liberté sans contre­partie », assure le jeune homme.

Emprisonné quatre mois et demi

Saeed sait bien de quoi il parle. A 17 ans, alors qu'il était sur le point de passer son bac, il a été condamnéà quatre mois et demi de prison pour avoir par­ticipéà une mani­fes­tation illégale. « C'était une punition, comme si on voulait détruire mon futur », se souvient-​​il. Mais il ne s'est pas laissé abattre. A sa sortie, il s'est inscrit à l'école des Nations unies à Ramallah où il a étudié la pla­ni­fi­cation et la construction urbaine. Mal­heu­reu­sement pour lui, il a une nou­velle fois dû sus­pendre ses études après l'arrestation de son père, considéré comme l'un des orga­ni­sa­teurs majeurs des mani­fes­ta­tions. « Je devais m'occuper de ma famille, confie-​​t-​​il. Ils pensent qu'en nous arrêtant, cela va détruire notre mou­vement ». Mais la mobi­li­sation ne s'essouffle pas. Le village a souvent reçu le soutien d'Israéliens anti­co­lo­nia­listes, eux aussi arrêtés.

Pour Saeed, rien n'est plus important que de faire connaitre son mou­vement. Pour cela, il a décidé, avec d'autres membres du village, de créer un « centre de médias dans le village avec des caméras, des ordi­na­teurs, du matériel pour filmer et mettre en ligne ce que l'on voit ». Son but ? « Créer un lea­dership pales­tinien » pour mettre la pression aux auto­rités. Afin de récolter des fonds pour mettre en place son projet, il par­court l'Europe et raconte son his­toire. « J'ai par exemple été invité en Suède par le Par­lement », dit-​​il fiè­rement. « Il y a bien sûr des risques quand je reviens sur place mais je ne suis pas le seul à me battre. Il n'est pas question que de moi mais de toute notre géné­ration qui doit se battre peu importe ce qui arrive ».

"Je n'ai pas peur d'être tué"

Saeed l'assure : il n'a pas peur. « Que peuvent-​​ils me faire de plus ? Me tuer ? Je n'ai pas peur d'être tué. » Il faut dire que plus jeune, le militant a vu la mort de près, lorsqu'un petit garçon, accusé d'avoir menacé un soldat, a été tué près de lui. « Ahmed avait dix ans et il a reçu une balle dans la tête. Moi j'avais 16 ans et il était à un mètre de moi. Je l'ai porté pour le conduire à une ambu­lance et il sai­gnait, il mourrait. Son cerveau a com­mencéà sortir de son crane… C'était tel­lement cho­quant pour moi », raconte-​​t-​​il tout en mon­trant la photo du petit garçon allongé au sol.

« Nous sommes prêts à donner notre sang », affirme celui qui puise son ins­pi­ration dans les actions de « Mandela, Luther King, Steve Biko, Gandhi…». « J'aime citer Mandela qui disait : "Notre marche vers la liberté est irré­ver­sible". On ne doit pas laisser nos peurs se dresser sur notre chemin », poursuit-​​il. Saeed et les autres vil­la­geois de Ni'lin n'ont donc pas l'intention de baisser les bras, fidèles à leur devise piquée à Steve Biko : « Il vaut mieux mourir pour une idée qui va vivre, que vivre pour une idée qui va mourir ».


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