Voulant quitter la Syrie, la direction du parti palestinien pourrait s'établir en Jordanie ou en Egypte, où les Frères musulmans ont remporté les élections.
Le chef du bureau politique du Hamas, le parti islamiste palestinien, Khaled Mechaal, « a joué un grand rôle » pour convaincre Damas d'accepter la mission des observateurs en Syrie. Ce sont les paroles il y a quelques jours du secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi. Elles confirment l'aspiration à une reconnaissance internationale du Hamas, qui se sent renforcé par les succès des Frères musulmans, dont il est issu. Elles symbolisent aussi la volonté du bureau politique de trouver un chemin vers la sortie d'un pays qui l'abrite depuis près de quinze ans.
Depuis le début du soulèvement en Syrie, le Hamas se trouve dans une position délicate. Difficile de critiquer trop fermement la répression d'un régime qui a accordé soutien et protection sans faille au mouvement palestinien depuis son expulsion par la Jordanie, en 1999. Mais difficile aussi de nier que parmi les opposants à Bachar al-Assad se trouvent leurs acolytes, les Frères musulmans.
Saddam Hussein. « Nous ne voulons pas nous tromper de nouveau en misant sur le mauvais cheval comme nos frères l'ont fait pour l'Irak ou au Liban », commente un membre du Hamas. Pendant la première guerre du Golfe, les Palestiniens avaient pris le parti de Saddam Hussein et leur engagement dans la guerre civile libanaise a conduit à leur expulsion du pays. Par ailleurs, 800 000 Palestiniens vivent dans des camps de réfugiés à travers la Syrie, une population que Al-Assad pourrait prendre pour cible en cas de faux pas du Hamas.
Pour les protéger de l'insécurité qui prévaut aujourd'hui en Syrie, les membres du bureau politique du parti islamiste palestinien ont déjà évacué toutes leurs familles de Damas, notamment en direction d'Amman, en Jordanie, des pays du Golfe, certains sont même rentrés à Gaza. Il ne resterait aujourd'hui que 20% des membres du Hamas en poste à Damas et leur départ définitif ne serait qu'une question de semaines.
Du coup, les conjectures vont bon train sur le lieu de leur nouvelle installation. Cette semaine, le chef du gouvernement du Hamas, basé à Gaza, Ismaïl Haniyeh, était en Tunisie, à l'invitation des nouvelles autorités islamistes du pays. Une visite lors de laquelle il a pu mesurer la popularité de son mouvement parmi les partisans du parti Ennahda (lire pages 6 et 7), grand vainqueur des élections tunisiennes. Selon Youssef Rezka, conseiller politique d'Ismaïl Haniyeh, la question de l'ouverture du bureau du Hamas à Tunis aurait été « étudiée » entre Palestiniens et autorités tunisiennes, sans apporter davantage de précisions. Le petit pays maghrébin a une histoire ancienne avec les mouvements palestiniens : c'est lui qui a accueilli l'OLP de Yasser Arafat après son expulsion du Liban, en 1982. C'est suite à la signature des accords d'Oslo qu'Arafat quitte Tunis pour retourner à Gaza en 1994.
Mais la Tunisie est loin de la Palestine. On prête aux membres du Hamas l'envie d'installer leur direction politique en Egypte ou en Jordanie. Poser ses valises à Amman constituerait pour son chef, Khaled Mechaal, un retour en terrain connu. C'est là qu'il résidait quand, en 1997, le Mossad israélien lui envoie ses agents pour l'empoisonner. Une tentative d'assassinat qui échoue et se solde par l'arrestation des Israéliens impliqués. Le roi Hussein, furieux de l'intervention des services secrets sur son territoire, menace l'Etat hébreu de geler l'accord de paix fraîchement signé et exige qu'un antidote soit remis à Mechaal et que le fondateur du Hamas, le cheikh Ahmed Yassine, soit libéré. Mais deux ans plus tard, lorsque Abdallah succède à son père, la politique jordanienne se durcit envers les islamistes palestiniens, le bureau du parti est fermé, Khaled Mechaal expulsé trouve refuge en Syrie. Aujourd'hui, la même prudence du roi de Jordanie prévaut à l'égard du Hamas. Son retour pourrait attiser la contestation contre son pouvoir en donnant un coup de fouet aux islamistes jordaniens.
Popularité. Mais des bruits courent que le Qatar, qui a largement mis les mains dans toutes les révolutions arabes et soutenu les mouvements islamistes, ferait pression sur Amman pour qu'il accueille le Hamas. Les tenants des négociations ? L'entrée de la Jordanie dans le Conseil de coopération du Golfe, dont le but est l'unification du système économique de ses Etats membres et un accord de sécurité intérieure. L'Arabie Saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Qatar en font partie. La Jordanie et le Maroc frappent à la porte de l'organisation depuis peu. Outre les inquiétudes du roi, l'arrivée de l'aile politique du Hamas à Amman déplaît fortement au voisin israélien qui craint que la proximité de Mechaal et ses compagnons attise la popularité du mouvement en Cisjordanie.
C'est sans doute vers Le Caire que va la préférence du mouvement islamiste, émanation directe des Frères musulmans égyptiens. L'arrivée au pouvoir de ces derniers au Caire leur permet de nager dans des eaux familières. D'ailleurs, dans le cadre des discussions sur la réconciliation palestinienne avec le président Mahmoud Abbas, Khaled Mechaal et ses collaborateurs se rendent de plus en plus souvent dans la capitale égyptienne. Ils pourraient finir par ne plus en repartir.
Publié par Libération.