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La mort d'un Palestinien en prison peut-​​elle déclencher une nouvelle Intifada ?

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La mort en prison d'Arafat Jaradat, 30 ans, met en relief le sort des Pales­ti­niens empri­sonnés en Israël. En par­ti­culier de la détention admi­nis­trative, qui viole le droit inter­na­tional. Explications.

La mort d'Arafat Jaradat

Agé de 30 ans, Arafat Jaradat a été arrêté le 18 février à la suite d'incidents près de la colonie juive de Kiryat Arba, à proximité d'Hébron, dans le sud de la Cis­jor­danie occupée. Il était accusé d'appartenir aux Bri­gades des martyrs d'Al-Aqsa, la branche armée du Fatah. Le groupe a reven­diqué cette appar­te­nance lundi et promis de venger la mort du détenu. Selon Abdel Nasser Ferwana, un res­pon­sable du Ministère des pri­son­niers pales­ti­niens, Arafat Jaradat, père de deux enfants, a été soumis à des inter­ro­ga­toires du 19 au 22 dans le centre de détention de Jalama, puis il a été transféréà la prison de Megiddo. C'est là qu'il a suc­combé, samedi, après le déjeuner.

Les causes de sa mort

Dans un premier temps, la porte-​​parole de l'administration péni­ten­tiaire israé­lienne Sivan Weizman a indiqué qu'il s'agissait pro­ba­blement d'une "crise car­diaque", tandis que les ser­vices secrets israé­liens qui inter­ro­geaient Arafat Jaradat, se sont contentés d'évoquer un "malaise". Les pre­mières consta­ta­tions n'étaient "pas suf­fi­santes" pour déter­miner la cause de la mort a déclaré l'administration israé­lienne après une autopsie pra­tiquée dimanche. En revanche, selon le ministre pales­tinien des Pri­son­niers, Issa Qaraqaë, qui citait le médecin-​​légiste pales­tinien ayant par­ticipéà l'autopsie, le jeune homme est mort de "tortures".

La grève de la faim des prisonniers palestiniens

Arafat Jaradat ne faisait pas partie des pri­son­niers pales­ti­niens en grève de la faim dont le mou­vement a déclenché d'importantes mani­fes­ta­tions de soli­darité ces der­niers jours.

Il y a actuel­lement onze détenus en grève de la faim dont trois sont dans des condi­tions phy­siques dif­fi­ciles. Ils pro­testent contre les mauvais trai­te­ments infligés par l'administration péni­ten­tiaire israé­lienne et la détention admi­nis­trative. Quatre d'entre eux, Samer Issaoui, Aymane Cha­rawneh, Jaafar Ezzeddine et Tariq Qaadane, observent depuis plu­sieurs mois une grève de la faim par inter­mit­tence pour exiger leur libé­ration. Les deux pre­miers, relâchés dans le cadre de l'échange d'un millier de pri­son­niers pales­ti­niens contre le soldat israélien Gilad Shalit en 2011, ont ensuite été de nouveau arrêtés, pour vio­lation des condi­tions de leur libé­ration, selon Israël. Les deux autres, arrêtés en novembre, sont en détention administrative.

Un premier mou­vement de grève de la faim de détenus avait déjà eu lieu au prin­temps dernier. Il avait été sus­pendu après qu'Israël, crai­gnant une flambée de vio­lence en cas de décès de l'un des gré­vistes, eut cédé sur trois des reven­di­ca­tions des pri­son­niers : levée de la détention illi­mitée sans jugement, de l'isolement car­céral et auto­ri­sation des visites pour les pri­son­niers ori­gi­naires de Gaza, en échange d'un enga­gement signéà"s'abstenir de tout acte de ter­ro­risme" ainsi que de toute nou­velle grève de la faim. Mais la grève a repris après qu'une qua­ran­taine de pri­son­niers élargis dans le cadre de l'échange avec Gilad Shalit, ont étéà nouveau arrêtés et remis en prison.

La détention administrative, zone de non droit

La détention admi­nis­trative est une dis­po­sition héritée du mandat bri­tan­nique sur la Palestine, qui permet aux tri­bunaux mili­taires israé­liens d'ordonner des déten­tions sans incul­pation pour une période de six mois, renou­ve­lable indé­fi­niment. Selon le droit inter­na­tional, la détention admi­nis­trative ne peut être uti­lisée qu'à titre excep­tionnel. Son usage sys­té­ma­tique par l'administration péni­ten­tiaire israé­lienne viole donc ce droit inter­na­tional sou­ligne l'organisation israé­lienne des droits de l'Homme B'Tselem.

4800 pri­son­niers pales­ti­niens sont actuel­lement détenus en Israël dont 200 en détention admi­nis­trative, selon l'ONG pales­ti­nienne Addameer.

Mauvais traitements

" L'administration péni­ten­tiaire israé­lienne est régu­liè­rement accusée de mauvais trai­te­ments sur les pri­son­niers pales­ti­niens par les orga­ni­sa­tions de défense des droits de l'Homme ", rap­pelle Julien Salingue, qui prépare une thèse sur la question pales­ti­nienne à Paris 8. "700 plaintes ont été déposées pour mauvais trai­te­ments depuis 2003, mais aucune n'a débouché sur des pour­suites", complète-​​t-​​il.

L'association Médecins pour les droits de l'Homme, basée à Tel-​​Aviv, a par ailleurs indiqué la semaine passée dans un com­mu­niqué que les pri­son­niers en grève de la faim ne pou­vaient recevoir aucune visite de médecins indé­pen­dants et étaient menottés quand ils étaient examinés.

Un contexte tendu

Des mil­liers de Pales­ti­niens ont mani­festé la semaine passée en Cis­jor­danie en soli­darité avec leurs com­pa­triotes détenus par Israël, et en par­ti­culier ceux en grève de la faim. Et mardi dernier, des cen­taines de détenus pales­ti­niens ont observé une grève de la faim d'une journée en soli­darité avec les gré­vistes de longue durée.

La mort d'Arafat Jaradat est donc venue attiser ces ten­sions. Environ 3000 Pales­ti­niens détenus en Israël ont à nouveau observé une journée de grève de la faim dimanche pour pro­tester contre sa mort.

Les ser­vices de sécurité israé­liens craignent que ce décès ne pro­voque donc des troubles en Cis­jor­danie, alors que le pro­cessus de paix est au point mort depuis plu­sieurs années et que la colo­ni­sation se poursuit inexo­ra­blement. L'admission de la Palestine à l'ONU n'a rien changé au sort de la popu­lation en Cis­jor­danie. La situation écono­mique et sociale est en outre très dégradée, notamment en raison de la rétention des taxes décidée par Tel Aviv après la démarche pales­ti­nienne aux Nations unies (débloquée in extrémis dimanche). "On ne peut que relever le paradoxe selon lequel Israël, dont la poli­tique -pour­suite de la confis­cation de terres pales­ti­niennes, sanc­tions finan­cières, répression poli­cière et carcérale-​​ est à l'origine de ces ten­sions, demande à l'Autorité pales­ti­nienne, de rétablir le calme en Cis­jor­danie", fait valoir Julien Salingue.

Y a-​​t-​​il un risque de nouvelle intifada ?

Ces événe­ments peuvent constituer un étin­celle qui ali­men­terait de nou­veaux troubles dans la région. Mais pour le moment, "il n'y a pas un degré de mobi­li­sation et de maillage de l'ensemble de la popu­lation" tel qu'on l'a connu en 1987 ni en 2000 lors des pré­cé­dentes Inti­fadas", explique Julien Salingue. "Dis­traite de la résis­tance à l'occupation, la popu­lation est entrée, ces der­niers mois, dans la logique des reven­di­ca­tions sociales à l'encontre de l'Autorité pales­ti­nienne", écrivait Jean-​​François Legrain, cher­cheur à l' Ins­titut de Recherches et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, début février. Il doutait alors de la pos­si­bilité d'un nouveau sou­lè­vement : "Même si leur nombre est en aug­men­tation, les inci­dents vio­lents qui ont éclaté récemment en Cis­jor­danie entre Pales­ti­niens et Israé­liens sont tou­jours restés loca­lisés, réponses ponc­tuelles à des pro­vo­ca­tions de colons ou de soldat". La mort d'Arafat Jaradat invalidera-​​t-​​elle ce pronostic ?

Publié par L'Express


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