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Obama en Israël : le rouleau compresseur de la colonisation

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Le pré­sident amé­ricain est en visite en Israël et en Cis­jor­danie les 20 et 21 mars, alors que le nouveau gou­ver­nement Neta­nyahu a réaf­firmé sa volonté de pour­suivre la colo­ni­sation en Cis­jor­danie et à Jérusalem-​​Est, qui met pourtant en danger la solution à deux Etats. Le point sur la question.

Reuters/​Ronen Zvulun Deux jours avant l'arrivée, mer­credi du pré­sident amé­ricain Barack Obama en Israël, le nouveau gou­ver­nement de Benyamin Neta­nyahu a prêté serment. En son sein, les repré­sen­tants du lobby des colons, pré­sents en force, ont clai­rement affiché leur intention de pour­suivre la colo­ni­sation. Celle-​​ci avance inexo­ra­blement, mettant en danger une solution à deux Etats israélien et pales­tinien, comme vient de le rap­peler un rapport de l'Union Euro­péenne. La colo­ni­sation met "en péril les pers­pec­tives phy­siques de création d'un Etat pales­tinien viable" et rend "les com­promis néces­saires à la paix plus dif­fi­ciles à mesure que la popu­lation des colonies aug­mente" relève le document. Elle est "sys­té­ma­tique, déli­bérée et pro­vo­ca­trice", et sape "la confiance entre les parties. En 2011, Israël a en effet pris, selon l'ONG israé­lienne B'Tselem, le contrôle de 50% du ter­ri­toire de la Cis­jor­danie. Cette emprise sur les terres pales­ti­niennes a connu plu­sieurs étapes.

Colonisation par tous les moyens

Quand Israël a occupé la Cis­jor­danie et Jérusalem-​​Est en 1967, l'armée a com­mencé, offi­ciel­lement pour des "raisons sécu­ri­taires", à saisir des ter­res pales­ti­niennes qu'elle a ensuite cédées aux pre­miers colons. "Les tri­bunaux israé­liens ont sys­té­ma­ti­quement approuvé les déci­sions de céder ces terres aux colonies", explique le militant des droits de l'homme Dror Etkes, en dépla­cement à Paris début mars pour un col­loque au Sénat sur la colonisation [1].

En 1979, un arrêt de la Cour suprême israé­lienne a mis fin à cette pra­tique. Les auto­rités ont alors changé de méthode : les ter­rains non enre­gistrés et non cultivés de façon intensive ont été déclarés "terres d'État", puis, là encore, cédés pour la construction de colonies. Paral­lè­lement, des ter­rains étaient, et sont régu­liè­rement confisqués pour les infra­struc­tures telles les route, notamment celles des­tinées à relier les colonies entre elles ou au ter­ri­toire israélien de l'autre côté de la ligne verte.

Une politique discriminatoire

Tous ces zones peu­plées de colons reçoivent de nom­breuses aides publiques, tandis que les villes et vil­lages peuplés de Pales­ti­niens en reçoivent très peu. Ceux-​​ci font en revanche l'objet d'un achar­nement admi­nis­tratif et judi­ciaire dis­cri­mi­na­toire, qui aboutit à un nombre de démo­li­tions très supé­rieur aux démo­li­tions de construc­tions illé­gales par les colonies, comme le sou­ligne Akiva Eldar dans le quo­tidien israélien Haaretz. Dans le même temps, les demandes de permis de construire de la part des Pales­ti­niens sont quasi sys­té­ma­ti­quement refusées (94% de ces demandes déposées ont été rejetées au cours des der­nières années selon l'ONU).

Dror Etkes insiste sur le fait que la colo­ni­sation se poursuit par deux voies paral­lèles : la voie légale (aux yeux de l'Etat israélien, puis qu'elle ne l'est pas au regard de la convention de Genève), et l'occupation illégale de terres par les colons, dont une infime partie est stoppée tandis que la plupart finit par être auto­risée. Selon le militant paci­fiste, l'Etat israélien a de fait encouragé l'accélération de la colo­ni­sation à partir du retrait de Gaza en 2005, même s'il ne l'a pas reven­diqué offi­ciel­lement. "La couleur poli­tique des diri­geants israé­liens a peu influé sur cette poli­tique", relève Dror Etkes : "C'est en 2000 que le plus grand nombre de loge­ments dans les colonies (4700) a été mis en chantier, le gou­ver­nement étant à ce moment là dirigé par Ehud Barak, alors au Parti travailliste.

Jérusalem-​​Est, "la ville d'Israël la plus étendue"

La poli­tique de colo­ni­sation est encore plus sys­té­ma­tique à Jérusalem-​​Est qu'en Cis­jor­danie. Les limites de la partie de Jéru­salem située à l'est de la ligne verte, annexée après la guerre de 1967, ont été pro­gres­si­vement étendues. Aux 6,4 km² de terrain de la Jéru­salem jor­da­nienne ont été ajoutés 64 km² d'autres terres de Cis­jor­danie, ce qui en fait, selon Dror Etkes, la ville d'Israël la plus étendue.

66000 Pales­ti­niens, et quelques cen­taines de juifs, vivaient en 1967 dans cette zone, selon un recen­sement des auto­rités israé­liennes. Dès 1993, le nombre de juifs, 155000, y dépasse celui des Arabes, 150000. Or, "pour que la solution à deux Etats se réalise, Jéru­salem doit devenir la future capitale de deux Etats, Israël et la Palestine", rap­pelle le rapport de l'Union européenne.

"L'intention réelle de la puis­sance occu­pante est de s'emparer des lieux en les vidant de ses occu­pants", constatait Elias Sanbar, ambas­sadeur de la Palestine à l'Unesco, lors du col­loque sur la colo­ni­sation au Sénat.

A Jérusalem-​​Est comme en Cis­jor­danie, "les actions publiques pla­ni­fiées se mêlent aux ini­tia­tives privées et vont toutes dans le sens de l'expropriation des habi­tants d'origine, ajoute l'historien. Au quo­tidien, tout est fait pour chasser les Pales­ti­niens et accroître la pré­sence juive" dans cette partie de la ville. Les obs­tacles se mul­ti­plient pour le rem­pla­cement des pas­se­ports ou cartes de séjour des Pales­ti­niens de Jérusalem-​​Est. On leur refuse les permis de construire alors que les achats de pro­priétés et l'installation de colons se mul­ti­plient au coeur des quar­tiers pales­ti­niens -un récent rapport de l'ONU révélait que 70% des démo­li­tions dans la ville sainte concerne des rési­dents pales­ti­niens ; les taxes qu'acquittent les Pales­ti­niens sont très élevées, alors que les ser­vices publics délaissent leurs quar­tiers. Ainsi, "bien que les Pales­ti­niens consti­tuent environ 37% de la popu­lation de Jéru­salem, la muni­ci­palité ne dépense pas plus de 10% de son budget total dans les zones pales­ti­niennes", relève le rapport de l'UE.

La mémoire instrumentalisée

La forte sym­bo­lique de la ville sainte, qui abrite les lieux saints des trois reli­gions mono­théistes, pèse de tout son poids sur la poli­tique d'annexion de Jérusalem-​​Est. Ainsi, les fouilles archéo­lo­giques ont été confiées à une fon­dation liée à une asso­ciation de colons, "dont l'obsession est de légi­timer l'antériorité de la pré­sence juive, explique Elias Sanbar. Au point que quand ces "archéo­logues" tombent sur des strates qui ne sont pas juives, ils les détruisent ou les déplacent, comme ce fut le cas pour des ves­tiges d'églises byzan­tines récemment".

Pendant des siècles, Jéru­salem comme l'ensemble de la Palestine a abrité une société plu­rielle, rap­pelle le diplomate poète. Mais plus le temps passe, plus cette poly­chromie est menacée. "On estime qu'il ne reste pas plus de 1000 chré­tiens à Jéru­salem", s'inquiète Elias Sanbar qui voit un danger dans la rupture de l'équilibre à trois reli­gions qui pré­valait à Jéru­salem. Cette évolution met en danger la solution à deux Etats, la seule pos­sible, s'alarme également Dror Etkes. "Les auto­rités israé­liennes doivent, estime le militant paci­fiste, avant qu'il ne soit trop tard, faire le choix entre la voie vers une "démo­cratie" ou une "eth­no­cratie". Et Barack Obama, qui avait affiché un certain volon­ta­risme sur la question israélo-​​palestinienne au début de son premier mandat, semble avoir capitulé face à cette pour­suite inexo­rable de la colonisation.

La colonisation en chiffres

2,65 millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie selon l'ONU

270000 Palestiniens à Jérusalem-​​Est

On comptait 328423 colons en Cis­jor­danie en 2011 selon les chiffres du bureau des sta­tis­tiques israélien rap­portés la Foun­dation for Middle East Peace, et 198629 colons à Jérusalem-​​Est (2010).

Le taux de crois­sance de la popu­lation des colonies en Cis­jor­danie a été2,5 fois plus élevé que le taux de crois­sance dans la popu­lation générale en Israël en 2010 (4,9% contre 1,9%), relève B'Tselem.

En 2011, Israël a pris, selon B'Tselem, le contrôle de 50% du ter­ri­toire de la Cis­jor­danie dans 124 colonies, une cen­taine de colonies "sau­vages", et les 12 fau­bourgs de Jérusalem-​​Est annexés avec l'aide du gouvernement.


[1] "La colo­ni­sation et ses effets sur la vie des Pales­ti­niens", organisé par l'Association France Palestine soli­darité (AFPS) et présidé par la séna­trice Esther Ben­bassa (EELV).

Publié par L'Express


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