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Un Etat pour tous ses citoyens et ses deux peuples

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Des dizaines de mil­liers de per­sonnes ont par­ticipé au ras­sem­blement de cette année pour la Journée de la Terre dans la ville pales­ti­nienne de Sakhnine au nord d'Israël (le 30 mars 2013). Notre camarade Gadi Algazi, membre du mou­vement Tarabut-​​Hithabrut et du secré­tariat du Front Démo­cra­tique pour la Paix et l'Egalité, a été invitéà y faire un dis­cours. Voilà ce qu'il a dit :

« Je veux vous remercier pour cette oppor­tunité de par­ti­ciper à ce ras­sem­blement pour la Journée de la Terre et d'y parler. Pour moi, citoyen juif-​​israélien jouissant de pri­vi­lèges dans cet état, même s'il s'y oppose et les combat, cela signifie énor­mément d'être invitéà venir parler de la Journée de la Terre, jour qui com­mémore le combat civil de citoyens pales­ti­niens d'Israël contre les dis­cri­mi­na­tions et le racisme, contre la dépos­session et l'oppression. Je veux vous expliquer pourquoi je suis ici aujourd'hui.

Je suis ici, d'abord, à cause du passé. Parce que nous n'avons pas oublié. J'ai atteint ma maturité poli­tique en 1976, lors de la pre­mière Journée de la Terre. Je me sou­viens que je recevais les nou­velles des martyrs tués à Sakhnine, Arabeh, Kafr Kanna et à Taybeh. Le premier tract poli­tique que j'ai jamais écrit fut sur l'assassinat d'Ahmad Al-​​Masri à Majd Al-​​Krum en novembre 1977. Depuis, la liste s'est beaucoup allongée.

Mais je ne suis pas ici seulement à cause du passé, mais aussi à cause du présent, à cause de ce qui se passe main­tenant. La Journée de la Terre n'est pas seulement une journée de com­mé­mo­ration C'est un jour de combat contre ce qui se passe main­tenant. La guerre de l'Etat d'Israël contre ses rési­dents continue aujourd'hui dans le Néguev. Dans le Néguev, d'énormes forces de police et des bull­dozers sortent régu­liè­rement pour com­mettre une des­truction sys­té­ma­tique. Nous avons fini par nous habituer au fait que, une ou deux fois par semaine, des forces de police lour­dement armées se ras­semblent au croi­sement de Shoket ou de Beit Qama pour pour­suivre la cam­pagne de démo­lition. Nous nous y sommes tel­lement habitués que nous ne nous rendons plus compte qu'il s'agit vraiment d'un constant état de guerre.

Ce pays continue d'être le lieu d'une guerre. Une guerre moderne conduite non seulement avec des tanks, mais avec des bull­dozers. Vous ne com­battez pas seulement avec des bom­bar­diers, mais aussi avec des plans de division en zones. Oui, c'est une guerre menée par l'Etat, et des vraies gens en sont les vic­times : leur santé, leurs espoirs, leur avenir, leur dignité humaine et nationale. C'est vrai : beaucoup d'Etats dans le monde négligent leurs citoyens, et Israël néglige et humilie aussi ses pauvres. Mais peu d'Etats dans le monde s'engagent dans des guerres sans fin contre leurs propres citoyens.

Je suis ici pour vous dire, avec beaucoup d'autres mili­tants de gauche de ce pays, que nous refusons de par­ti­ciper à cette guerre de l'Etat contre ses citoyens pales­ti­niens. Nous ferons tout notre pos­sible pour la saper, à Jaffa, à Accon et en Galilée, mais surtout dans le Néguev.

Un des endroits où cette guerre est menée est le village d'Al-Araqib dans le nord du Néguev. Une délé­gation spé­ciale du Comité Popu­laire d'Al-Araqib vient juste d'arriver ici à Sakhnine pour par­ti­ciper au ras­sem­blement. Les rési­dents d'Al-Araqib ont perdu leurs loge­ments. Beaucoup ont perdu leurs moyens d'existence. L'Etat d'Israël a utilisé des gaz lacry­mo­gènes, des balles en caou­tchouc, des balles de peinture, des arres­ta­tions arbi­traires contre les habi­tants et beaucoup d'entre eux doivent main­tenant subir des procès. Ces trois der­nières années, j'ai vu les petits enfants d'Al-Araqib grandir de démo­lition en démo­lition, se réveillant le matin devant les cars de police et les unités spéciales.

Les nuits qui ont précédé les démo­li­tions, des cen­taines de volon­taires sont arrivés à Al-​​Araqib pour être auprès des habi­tants. Cer­tains d'entre eux ont été arrêtés, d'autres ont été mis en accu­sation par l'Etat. Je ne nie pas que nous, mili­tants juifs et arabes, avons par­ticipé aux mani­fes­ta­tions à Al-​​Araqib. Je ne nie pas que nous avons essayé de main­tenir le moral des habi­tants. Je ne nie pas que nous avons essayé de nous tenir à leurs côtés quand les forces de des­truction sont arrivées dans le village. C'est notre devoir d'humanité, c'est notre devoir de citoyens qui croient pro­fon­dément en l'égalité des droits. Nous conti­nuerons à nous tenir auprès des gens d'Al-Araqib dans leur combat, même après la 49ème démo­lition de leur village.

Al-​​Araqib n'est pas seul. En 1952, le gou­verneur mili­taire du Néguev racontait [dans un rapport secret [qu'il avait réussi à libérer 70.000 dunams de terre pour les projets colo­niaux du mou­vement sio­niste – via expul­sions, menaces et dépos­session. Aujourd'hui, cette menace continue. Le « Plan Prawer » est une décla­ration de guerre contre des dizaines de mil­liers de rési­dents arabes du Néguev. Le gou­ver­nement Bibi-​​Lapid veut finir ce que les gou­ver­neurs mili­taires des années 1950 ne sont pas arrivés à faire : résoudre, une fois pour toutes, « le pro­blème bédouin du Néguev ». Il n'y a pas de « Pro­blème Bédouin » dans le Néguev. Le pro­blème, c'est un gou­ver­nement raciste et ses projets de spo­liation. Nous devons arrêter le « Plan Prawer » ! C'est là le combat des rési­dents arabes du Néguev, mais nous ne pouvons pas les laisser le régler tout seuls.

Je suis ici non seulement à cause du passé, et non seulement à cause du présent, mais aussi à cause de et pour le futur. Je suis ici pour que nous ayons un futur dans une autre sorte d'Etat.

Quelle sorte d'Etat ? Tout d'abord, un Etat sans occu­pation mili­taire et sans colonies. Un Etat qui cesse de mener des guerres et com­mence à faire la paix – une vraie paix, une paix fondée sur l'égalité et la justice – la paix au-​​delà de ses fron­tières et la paix à l'intérieur. Un Etat qui arrête de mener des guerres contre ses propres citoyens, qui arrête d'envoyer des bull­dozers pour détruire leurs maisons. Un Etat qui se range et cesse de « judaïser » la Galilée et le Néguev. Un Etat qui ne com­batte pas les rési­dents arabes de jaffa, Acre, Lod, Ramle et du Triangle.

Un Etat dans lequel le passé arabe n'est pas effacé, un Etat dont l'avenir appar­tient au peuple qui y vit, à tous ses citoyens, hommes et femmes, et pas à des démo­graphes racistes, occupés à compter les bébés et pour qui la vie des vraies gens ne compte pas. Un Etat sans les héri­tiers de per­sonnes comme Arnon Sofer et Yisrael Koenig, Ben Gourion et Neta­nyahu. Un Etat dont la signature n'est pas un tank et un bulldozer.

Je suis ici parce que je veux un Etat qui n'est pas dominé par Lie­berman, ni avec les gens qui ont mis en place Lie­berman et Bibi. Un Etat qui est le foyer commun de tous et dont le peuple, tout le peuple, Juifs et Arabes, soit le vrai maître – pas les ins­ti­tu­tions du mou­vement sio­niste, ni l'Agence Juive, ni le Fond National Juif, ni les magnats et gens bien en place, ni les riches dona­teurs qui vivent en Aus­tralie ou aux USA. Les gens qui devraient être les maîtres de ce pays sont les gens qui vivent ici, Juifs et Arabes, Israé­liens et Palestiniens.

Un Etat pour tous ses citoyens et ses deux peuples, un Etat qui est à la fois Juif et Arabe, un Etat judéo-​​arabe, avec la plé­nitude de l'égalité des droits pour tous. Pas seulement l'égalité poli­tique mais aussi l'égalité cultu­relle et nationale, l'égalité qui vient cor­riger les injus­tices du passé, rend la terre, autorise le retour des réfugiés et un accès plus équi­table à la richesse et à l'égalité des chances.

Un Etat où les deux langues soient égales, ainsi que tous les dif­fé­rents accents et cultures. Où les gens ne soient pas classés selon leur accent ou leur appa­rence. Un Etat où per­sonne ne doive changer de langue, camoufler son accent, oublier sa culture.

Un Etat qui ne soit pas une for­te­resse, mais qui fasse partie d'un Moyen-​​Orient démo­cra­tique, un Moyen Orient qui appar­tienne à ses peuples, non à ses diri­geants. Un Etat où on ne vive pas enfermé dans des pré­ten­tions euro­péennes ou des fan­tasmes occi­dentaux – un Etat ici, dans le Moyen Orient, où la culture prin­cipale est arabe.

Un Etat où les enfants juifs et pales­ti­niens seront véri­ta­blement égaux. Où leurs chances pour un avenir, une éducation, une vie dans la dignité soient égales. Un Etat où ils pour­raient tous les deux étudier à l'université dans leur propre langue. Où ils pour­raient aller à l'université en Hébreu, ou aller à l'université en Arabe. Un Etat où aucun jeune (garçon ou fille) ne doive aban­donner ses rêves à cause d'une dis­cri­mi­nation basée sur la nationalité.

Dans ce futur Etat, il n'y aura rien de tel qu'un « village non reconnu ». Tous les vil­lages seront reconnus, recon­nais­sance assortie des res­sources néces­saires à son déve­lop­pement. Je parle d'un déve­lop­pement qui sera pro­grammé et décidé par les rési­dents eux-​​mêmes, et non par les auto­rités. Al-​​Araqib sera recons­truit, et les gens vien­dront le voir, ainsi que les dou­zaines de villes et vil­lages bédouins qui jouiront tous de la même recon­nais­sance. Les visi­teurs vien­dront voir les endroits où des gens ont été tués et blessés, pour témoigner de leur respect pour ceux qui se sont battus pour leur terre, qui se sont battus pour eux et, ce faisant, se sont battus pour nous tous, tout comme nous rendons hommage main­tenant à ceux qui se sont battus héroï­quement pour leurs terres de Galilée dans les années 1970.

Dans cet Etat, il y aura l'égalité des droits et per­sonne ne jouira de pri­vi­lèges spé­ciaux. Ce sera un Etat libre, et non un Etat de ser­vi­teurs. Per­sonne n'aura besoin de prouver sa loyauté envers l'Etat – l'Etat devra constamment prouver sa loyauté envers ses citoyens, tous, sans exception. Per­sonne ne sera obligé de servir l'Etat. L'Etat sera obligé de servir ses citoyens. Il n'y aura pas de service national obli­ga­toire [qu'on cherche main­tenant à imposer aux citoyens pales­ti­niens], et pas de service mili­taire obli­ga­toire. Per­sonne dans l'Etat ne sera un ser­viteur. Les gens seront des citoyens libres.

Cet Etat, cet Etat véri­ta­blement démo­cra­tique, avec la plé­nitude de l'égalité des droits, Etat de tous ses citoyens et de ses deux peuples, ne nous sera pas donné comme un cadeau. C'est ce que la Journée de la Terre enseigne à chacun, pas seulement aux citoyens arabes pales­ti­niens, mais aussi aux citoyens juifs. Les droits ne nous sont pas donnés comme un cadeau. Les droits sont conquis par la lutte.

Traduction : Jacqueline Charretier

Publié par Union juive fran­çaise pour la paix

Original publié sur Tarabut


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