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Israël-​​Palestine : vu de France, la désobéissance civile semble la seule option

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Le conflit entre Israël et Palestine ne semble pas trouver d'issue. La création d'un État bina­tional ne peut satis­faire toutes les parties. Comment rétablir la paix quand l'histoire est si lourde et que le com­promis apparaît impos­sible ? La déso­béis­sance civile, non-​​violente et paci­fique est à envi­sager. Expli­ca­tions de Thomas Guénolé, poli­to­logue à Sciences Po.

Le 9 mai dernier, le Conseil européen des rela­tions inter­na­tio­nales (European Council of Foreign Rela­tions – ECFR) a rendu public un rapport d'un de ses cher­cheurs, Nick Witney, sur la situation en Israël-​​Palestine. Ce dernier constate qu'il ne reste que quelques mois avant que l'État d'Israël ait de facto qua­siment annexé la Cis­jor­danie. Une telle évolution ren­drait l'option de deux États non-​​viable sur le terrain.

Le pro­cessus de paix au point mort

Or le pro­cessus de paix israélo-​​palestinien, bien qu'au point mort aujourd'hui, a cette option pour clé de voûte. Par consé­quent, que cette option devienne une fiction, et le pro­cessus de paix lui-​​même en devient une.

Le rapport Witney recom­mande à l'Union euro­péenne d'endiguer cette évolution par des mesures de boycott : sur­taxation des expor­ta­tions israé­liennes en pro­ve­nance des colonies cis­jor­da­niennes, réta­blis­sement des visas pour les colons voulant se rendre en Europe, inter­ruption des coopé­ra­tions euro­péennes avec l'Université israé­lienne d'Ariel, notamment. Il est pour autant extrê­mement peu pro­bable que de telles mesures de rétorsion soient prises par l'Union euro­péenne, qui a his­to­ri­quement d'excellentes rela­tions diplo­ma­tiques, scien­ti­fiques et com­mer­ciales avec Israël.

Il est tout aussi impro­bable qu'une réponse poli­tique à la hauteur de l'enjeu pro­vienne des deux grandes for­ma­tions poli­tiques pales­ti­niennes, le Fatah et le Hamas. Rivales, elles en sont encore au stade des négo­cia­tions pour par­venir à un gou­ver­nement pales­tinien unique, objet de leur pro­chaine réunion au Caire prévue ce 14 mai.

Une ligne commune impos­sible à trouver

De sur­croît, il leur est impos­sible d'exprimer une ligne poli­tique commune. D'un côté, le Fatah a une approche de négo­ciation, il reconnaît Israël, il reven­dique un ter­ri­toire pales­tinien sur les fron­tières de 1967, et il accepte le principe d'échanges de ter­ri­toires sur cette base. De l'autre, le Hamas a une approche de lutte armée, il ne reconnaît pas Israël, et il reven­dique un ter­ri­toire pales­tinien aux dimen­sions de l'intégralité du ter­ri­toire israélo-​​palestinien [1].

Au demeurant, face à la colo­ni­sation israé­lienne de la Cis­jor­danie, dont l'essence même condamne le pro­cessus de paix dans ses termes actuels – deux États –, aussi bien la ligne du Fatah que celle du Hamas est une impasse.

D'un côté, la négo­ciation, approche du Fatah, ne peut faire sens lorsque l'interlocuteur entre­prend une démarche uni­la­térale contraire aux termes mêmes de son objet. De l'autre, la lutte armée, approche du Hamas, est contre-​​productive à triple titre : la dis­pro­portion du rapport de forces rend tout succès mili­taire illu­soire ; les attentats n'ont pas sur l'opinion publique israé­lienne un impact tel qu'il soit sus­cep­tible de créer une pression sur le gou­ver­nement israélien ; l'adversaire prend pré­texte de la lutte armée pour écarter toute négo­ciation.

Il ne reste donc, en défi­nitive, qu'une seule option aux par­tisans pales­ti­niens et israé­liens du pro­cessus de paix : la déso­béis­sance civile.

Une minorité active suffit

Théo­risée au XIXe siècle par Henry David Thoreau [1], notoi­rement pra­tiquée en Inde avec Mohandas Gandhi pour chef de file, elle se résume à un mot d'ordre simple de déso­béis­sance à la loi, non-​​violente et paci­fique.

Ses méthodes les plus effi­caces et les plus connues sont la grève de l'impôt, la grève du travail, le boycott des biens et ser­vices, la des­truction en quan­tités sym­bo­liques de biens et ser­vices, et la résis­tance passive face à l'arrestation. Pour mémoire, une base mili­tante poten­tielle existe en la matière y compris parmi les Israé­liens : en janvier de cette année, 53% d'entre eux sont pour deux Etats et 41% croient cette option pos­sible ; par ailleurs 43% sont contre la colo­ni­sation de la Cis­jor­danie [2].

Il est évident que ni la totalité des par­tisans pales­ti­niens du pro­cessus de paix, ni la totalité de ses par­tisans israé­liens, ne par­ti­ci­pe­raient à un mou­vement de déso­béis­sance civile. Il suffit cependant dans les deux cas qu'une minorité active fasse tache d'huile, pour que le mou­vement atteigne le seuil néces­saire pour être poli­ti­quement efficace.

Un mou­vement à l'image poli­tique positive

En toute logique, un tel mou­vement, avec pour unique exi­gence la déco­lo­ni­sation de la Cis­jor­danie, aurait un impact bien plus lourd sur le gou­ver­nement israélien, en attei­gnant l'économie israé­lienne, que tout autre moyen d'action poli­tique.

Qui plus est, l'image publique d'un tel mou­vement, paci­fique et non-​​violent, serait sans nul doute très positive dans l'espace média­tique, et auprès de l'opinion publique aussi bien pales­ti­nienne qu'israélienne [2].

Enfin, l'Histoire enseigne que de tous les leviers d'action à l'encontre d'une de ses poli­tiques, la déso­béis­sance civile est la seule vis-​​à-​​vis de laquelle tout gou­ver­nement se trouve désemparé.

[Notes [1] Henry David THOREAU, "On the Duty of Civil Diso­be­dience", 1849. Texte intégral mis en ligne par le Project Gutenberg Ebook (en anglais). [2] "Le Matin", "Une majorité d'Israéliens pour un Etat pales­tinien", 4 janvier 2013.]


[1] voir Laurent Zec­chini dans le Monde de juin 2012 :http://​www​.france​-palestine​.org/Le-…

[2] l'auteur oublie que la résis­tance popu­laire non armée est une réalité sur le terrain depuis plu­sieurs années. La résis­tance passive est d'ailleurs une tra­dition de la lutte pales­ti­nienne, qui n'exclut aucune forme de lutte, comme c'est son droit selon le droit international

publié par le Nouvel Obser­vateur

ajout de notes : CL, Afps


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