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Euro Espoirs de football en Israël, les droits des Palestiniens piétinés

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Israël accueille du 5 au 18 juin 2013 le cham­pionnat d'Europe de football des moins de 21 ans. De nom­breuses voix s'élèvent contre l'impunité dont jouit le pays sur la scène inter­na­tionale et appellent à boy­cotter l'événement.

« Nous les avons acceptés en Europe et leur avons garanti les condi­tions d'adhésion (1), ils doivent res­pecter le message des lois et régle­men­ta­tions spor­tives inter­na­tio­nales, faute de quoi leur pré­sence en Europe n'aura pas lieu d'être. Je vais peser de tout mon poids pour mettre un terme à la souf­france du joueur pales­tinien, notamment au football. (…) Israël n'a qu'un seul choix : laisser le sport pales­tinien se déve­lopper ou il doit assumer tout seul les consé­quences de son attitude » (2).

Ainsi s'exprimait M. Michel Platini, le pré­sident de l'Union euro­péenne des asso­cia­tions de football (UEFA), au sortir d'un entretien avec M. Jibril Rajoub, son homo­logue de la fédé­ration pales­ti­nienne (PFA), le 22 sep­tembre 2010, au siège de l'UEFA, en Suisse. L'ancien foot­balleur français sem­blait alors résolu à prendre à bras-​​le-​​corps le pro­blème des res­tric­tions sur la liberté de mou­vement imposées par les auto­rités israé­liennes aux joueurs pales­ti­niens et celui du blocage par Tel-​​Aviv des fonds et des équi­pe­ments sportifs offerts à la Palestine par les dona­teurs inter­na­tionaux ou l'UEFA elle-​​même.

Pourtant, moins de six mois plus tard, le 27 janvier 2011, Israël se voyait confier par le bureau exé­cutif — dirigé par le même Platini — de l'instance euro­péenne du ballon rond l'organisation de la phase finale du cham­pionnat d'Europe des moins de 21 ans (Euro Espoirs 2013), qui verra s'affronter huit pays du 5 au 18 juin. A l'été2011, une qua­ran­taine de clubs de football pales­ti­niens signaient une décla­ration commune pour faire part de leur conster­nation de voir Israël « récom­pensé pour son oppression de [leur] peuple, en toute impunité, par le pri­vilège d'accueillir » la com­pé­tition, et deman­daient à M. Platini de revenir sur sa décision. Ils enten­daient lui rap­peler qu'Israël, qui « pra­tique un mélange, unique au monde, d'occupation, de colo­ni­sation et d'apartheid dirigé contre la popu­lation indigène, c'est-à-dire les Pales­ti­niens », n'est pas « un pays comme les autres » (3). L'initiative n'a pas permis de faire fléchir M. Platini.

Le 14 juin 2012, ce fut au tour de Jibril Rajoub de mani­fester son incom­pré­hension dans une lettre ouverte au pré­sident de l'UEFA dif­fusée par les médias et accueillie froi­dement par l'intéressé. Le patron de la PFA y évoquait notamment le sort du jeune foot­balleur gazaoui Mahmoud Sarsak, arrêté par l'armée israé­lienne au cours de l'été2009, torturé et incarcéré sans procès ni jugement (lire « Mahmoud Sarsak, une jeu­nesse brisée »), comme beaucoup des mil­liers de Pales­ti­niens détenus en Israël (4). Quatre jours plus tard, M. Platini confirmait auprès du pré­sident de l'Association israé­lienne de football (IFA), M. Avraham Luzon, le maintien de l'épreuve dans son pays et se disait certain « que ce sera une belle fête du football, qui, une fois de plus, ras­sem­blera les gens ».

Le 29 novembre 2012, au len­demain du tirage au sort de la phase finale de l'Euro (qui détermine les poules), il ren­con­trait le chef de l'Etat israélien, M. Shimon Peres, dans sa rési­dence de Jéru­salem. Trois semaines plus tôt — les 8 et 11 novembre, soit quelques jours avant le début de l'opération mili­taire « Pilier de défense » contre la bande de Gaza (1421 novembre 2012, plus de 180 morts du côté pales­tinien, en grande majorité des civils, dont une cin­quan­taine d'enfants) —, quatre ado­les­cents étaient tués par des bom­bar­de­ments israé­liens alors qu'ils jouaient au ballon rond à Gaza, sans que cela ne suscite aucune réaction de sa part. S'il suit l'actualité, M. Platini aura peut-​​être été inter­pellé par la récente décision de l'astrophysicien Stephen Hawking — qui pro­voque des remous en Israël — de ne plus par­ti­ciper à la confé­rence inter­na­tionale placée sous l'égide de M. Peres, « Faire face à demain 2013», orga­nisée à Jéru­salem du 18 au 20 juin, alors qu'il avait dans un premier temps accepté l'invitation lancée par le pré­sident israélien. Le célèbre scien­ti­fique bri­tan­nique, qui entend par là pro­tester contre la situation des Pales­ti­niens et l'occupation de leurs terres, a également rejoint le boycott uni­ver­si­taire et culturel d'Israël (5).

Ironie du sort, la com­pé­tition se déroulera, entre autres, dans l'enceinte du stade Bloom­field (ex-​​Basa), qui fut autrefois celui du club pales­tinien Shabab Al-​​Arab de Jaffa, expulsé en janvier 1949 au profit du club israélien de l'Hapoël Tel-​​Aviv, et dans celle du stade Teddy de Jéru­salem, situé tout près du village arabe d'Al-Maliha, vidé de ses habi­tants en juillet 1948 par les troupes israé­liennes et presque entiè­rement rasé (6). Le stade Teddy est l'antre du club du Beitar Jéru­salem, proche du Likoud (droite natio­na­liste). Ses sup­porters, ouver­tement racistes et vio­lents — deux de leurs slogans favoris sont « Mort aux Arabes » et « Beitar pur pour tou­jours »—, ont récemment créé la polé­mique en pro­testant contre l'arrivée dans l'équipe de deux joueurs tchét­chènes de confession musulmane, allant jusqu'à mettre le feu au siège admi­nis­tratif du club, le 8 février dernier — les deux nou­velles recrues du Beitar, qui ne comptait jusqu'alors dans ses rangs que des joueurs juifs, sont sys­té­ma­ti­quement huées et insultées lorsqu'elles touchent la balle. Pour autant, le cas du Beitar Jéru­salem est loin d'être isolé. Le football israélien est for­tement touché par le racisme anti-​​arabe, des « raton­nades » se déroulant même régu­liè­rement en marge des matchs de cham­pionnat (7).

Une coa­lition euro­péenne d'organisations de défense des droits humains mul­tiplie les actions pour tenter d'attirer l'attention de l'opinion publique et des diri­geants poli­tiques (8). Elles ont mis sur pied la cam­pagne Carton rouge pour l'apartheid israélien afin d'obtenir l'annulation de l'épreuve, sous peine de « renforce[r] le sen­timent d'impunité» pré­valant en Israël, et ce malgré les vio­la­tions répétées des droits humains et les crimes commis par son armée à Gaza et en Cis­jor­danie, qui lui ôtent « toute légi­timitéà accueillir des événe­ments sportifs inter­na­tionaux ». La cam­pagne est adossée au mou­vement mondial Boycott, dés­in­ves­tis­sement, sanc­tions (BDS), créé en 2005 sur le modèle de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud, qui avait notamment abouti à l'exclusion du pays de toute com­pé­tition sportive. Elle a reçu le soutien de nom­breuses per­son­na­lités, dont l'intellectuel amé­ricain Noam Chomsky, le musicien bri­tan­nique Roger Waters (ex-​​Pink Floyd), l'ancienne star fran­çaise du ballon rond Eric Cantona, ou encore le cinéaste Ken Loach.

De leur côté, des foot­bal­leurs pro­fes­sionnels se sont également mobi­lisés, sous la hou­lette de l'attaquant franco-​​malien Fré­déric Kanouté. Celui-​​ci est à l'origine d'un appel à boy­cotter l'Euro Espoirs, adresséà l'UEFA le 29 novembre dernier et signé par une soixan­taine de joueurs inter­na­tionaux. Ils y témoi­gnaient notamment de « leur soli­darité avec le peuple de Gaza qui vit depuis trop long­temps en état de siège, et dont on refuse les droits humains les plus fon­da­mentaux : la dignité et la liberté. » — cer­tains d'entre eux, parmi les­quels des joueurs de l'équipe de France et l'Ivoirien Didier Drogba, se sont depuis rétractés ou ont démenti faire partie des signa­taires, à la suite, selon M. Kanouté, de pres­sions exercées sur eux et sur leurs clubs res­pectifs (9).

Rares sont les poli­tiques à s'être saisis de la question, à l'exception notable de Mme Marie-​​George Buffet. Il y a peu, la députée com­mu­niste de Seine-​​Saint-​​Denis et ancienne ministre des sports (19972002) a adressé un courrier à M. Platini pour dénoncer la tenue du tournoi dans un pays dont les « pra­tiques » sont « incom­pa­tibles avec les valeurs du sport » (10). A notre connais­sance, elle n'a obtenu aucune réponse officielle.

Le 25 janvier dernier, une délé­gation de mili­tants venus de plu­sieurs pays (France, Royaume-​​Uni, Suisse, etc.) se sont rendus au siège de l'UEFA pour réclamer des expli­ca­tions à M. Platini. Ils se sont vus rétorquer que « le sport ne peut se mêler de poli­tique, c'est pourquoi l'UEFA n'envisage pas de prendre des sanc­tions contre Israël » (11). Michel Platini feint-​​il d'ignorer que l'Afrique du Sud, pendant le régime d'apartheid (avec lequel col­labora Israël, au mépris des sanc­tions inter­na­tio­nales), fut sus­pendue de toutes les com­pé­ti­tions de football dès 1964, puis exclue des Jeux olym­piques à partir de 1970, et n'a pu les réin­tégrer qu'après l'abolition du système ségré­ga­tion­niste ? A l'époque, il est vrai, l'Europe avait pris part au boycott écono­mique, aca­dé­mique et sportif du régime de Pre­toria, tandis qu'elle fait preuve aujourd'hui d'une grande com­plai­sance à l'égard d'Israël, dont les liens avec l'Union euro­péenne n'ont cessé de se ren­forcer ces der­nières années, malgré la pour­suite de l'occupation mili­taire et de la colo­ni­sation en Palestine (12).

Emboîtant le pas de l'Union euro­péenne, l'UEFA se serait-​​elle à son tour rangée au principe du « deux poids, deux mesures » ?


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