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Le mouvement israélien Prix à payer distille sa haine des minorités

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Devant la façade souillée de sa maison, dans le village arabe-​​israélien d'Abu Gosh, à l'ouest de Jéru­salem, Ibrahim Hatem reste incrédule : " C'est incom­pré­hen­sible. Je suis Israélien. J'aime ce pays. Dans la rue, mes voisins sont juifs. " Mardi 18 juin, Ibrahim Hatem constatait, stu­péfait, les der­niers effets de l'épidémie de van­da­lisme, attribuée au mou­vement du Prix à payer et qui n'en finit pas de s'étendre. A Abu Gosh, une tren­taine de voi­tures ont été van­da­lisées dans la nuit. Des tags à la peinture noire crachent la haine sur les murs : " Arabes dehors ", " Racisme ou assimilation ".

Abu Gosh est, pourtant, la localité arabe la plus dévouée à Israël. Il est l'unique village pales­tinien à avoir choisi le camp israélien en 1948. " Si les auteurs - des attaques -comptent faire exploser le pays, ils ne pou­vaient choisir meilleur endroit ", s'inquiète Ibrahim Hatem.

L'attaque, contre ce symbole de la coexis­tence israélo-​​arabe, met le gou­ver­nement israélien dans une position de plus en plus incon­for­table. Le 16 juin, le premier ministre, Benyamin Néta­nyahou, a refusé de qua­lifier de " ter­ro­ristes " les auteurs de ce van­da­lisme à caractère racial. Il a opposé un non caté­go­rique au projet de la ministre de la justice, Tzipi Livni, de sanc­tionner les exac­tions comme des " actes de terreur ".

Depuis un mois, les attaques se mul­ti­plient en Israël et en Cis­jor­danie. Elles sont attri­buées à des extré­mistes juifs liés au mou­vement des Jeunes des col­lines, la seconde géné­ration de colons, par­tisans du Grand Israël (de la Médi­ter­ranée jusqu'au Jourdain). Le modus ope­randi se répète : pneus crevés, voi­tures incen­diées, graf­fitis " Prix à payer ", les­quels men­tionnent souvent le nom d'Eviatar Borovsky, un colon d'Yitzhak poi­gnardé par un Pales­tinien, le 30 avril, au sud de Naplouse en Cisjordanie.

Si les actes de ven­geance entre Pales­ti­niens et colons de Cis­jor­danie ne datent pas d'hier, l'expression " prix à payer " a fait son appa­rition en 2008. Le principe : répondre oeil pour oeil à toute action jugée hostile à la colo­ni­sation. Les attaques répondent à celles sup­posées com­mises par des Pales­ti­niens, et aussi au déman­tè­lement par l'armée israé­lienne d'avant-postes illégaux de colonisation.

Des églises visées

Le concept a été reli­gieu­sement théorisé, en 2009, dans l'ouvrage La Torah du Roi, écrit par des rabbins extré­mistes, et qui tend à jus­tifier, dans la loi juive, le meurtre de non-​​Juifs en temps de guerre. Coïn­ci­dence ? A la suite de la publi­cation de ce livre incen­diaire, le nombre des attaques à l'encontre des Pales­ti­niens a fait un bond de 144 % entre 2009 et 2011.

En marge des agres­sions, c'est surtout la pro­pa­gation du concept du Prix à payer, qui frappe : " Il dépasse aujourd'hui lar­gement le cadre initial de la Cis­jor­danie et la question même de la colo­ni­sation. Il est devenu le mode d'expression de la haine anti­mi­no­rités ", explique Barak Weiss, coor­di­nateur du col­lectif Tag Me'ir, qui lutte contre ce phé­nomène en pleine expansion, y compris à l'intérieur des fron­tières d'Israël. Selon lui, depuis sep­tembre 2011, 25 attaques " labé­lisées " Prix à payer se sont pro­duites à l'intérieur de la Ligne verte, en par­ti­culier dans les loca­lités arabes-​​israéliennes.

Depuis le début de l'année 2012, elles visent de plus en plus les lieux de culte, y compris chré­tiens. Le 31 mai 2013, les murs de l'abbaye béné­dictine de la Dor­mition, construite sur le Mont Sion à Jéru­salem, ont été recou­verts de tags haineux " Les Chré­tiens sont des singes ". Le 13 juin, des sépul­tures ont été van­da­lisées dans le cime­tière chrétien orthodoxe du quartier his­to­rique de Jaffa, à Tel-​​Aviv.

Une évolution qui inquiète les auto­rités chré­tiennes : " Les actes anti­chré­tiens ont tou­jours existé. Ce qui est nouveau, c'est qu'ils s'inscrivent désormais dans une contes­tation poli­tique. Il n'y a pourtant aucun rapport entre la colo­ni­sation en Cis­jor­danie et les églises ", se désole le père David Neuhaus, vicaire patriarcal à Jérusalem.

On assiste, d'autre part, à un glis­sement dans les cri­tères du passage à l'acte. Après les actions de ven­geance impul­sives des débuts, il s'agit aujourd'hui d'une vague d'attaques réflé­chies et pla­ni­fiées. " Aucun événement immédiat ne porte atteinte aux colonies de Cis­jor­danie ", note Barak Weiss. Cette évolution n'a d'ailleurs pas échappéà Benyamin Néta­nyahou. Le 2 juin, il dénonçait des " actes de hoo­li­ga­nisme contre les Pales­ti­niens, sans aucune pro­vo­cation ou justification ".

Au-​​delà de ces pro­tes­ta­tions offi­cielles, l'Etat israélien est loin d'avoir fait la preuve de son effi­cacité pour enrayer le phé­nomène. Dénoncée pour son immo­bi­lisme, la police israé­lienne tente de prouver sa bonne foi par des chiffres. En dix-​​huit mois, elle aurait ainsi ouvert 788 enquêtes, procédéà276 arres­ta­tions débou­chant sur 154 inculpations.

Des données qui laissent scep­tiques les ONG israé­liennes. Selon B'Tselem, les incul­pa­tions de ces der­nières années se limi­te­raient, tout au plus, à une dizaine de cas. Et à ce jour, aucune d'entre elles n'a débouché sur un procès et une condam­nation. - (Intérim.)

Publié par le Monde


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