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Jean-​​Christophe Cambadélis, la lubie du lobby

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Une élection se gagne aussi à l'étranger. Laurent Fabius est parti mardi dernier en mission pour François Hol­lande, des­ti­nation Israël et les Ter­ri­toires pales­ti­niens. Une autre délé­gation, conduite par Jean-​​Christophe Cam­ba­délis, secré­taire national du Parti socia­liste en charge des rela­tions inter­na­tio­nales, doit également se rendre sur place du 19 au 22 février. Enquête sur un voyage d'étude dont le pro­gramme réserve quelques sur­prises et qui pourrait bien se ter­miner dans un héli­co­ptère de Tsahal.

Une enquête de Pierre Boisson

Jamais deux sans trois. Après avoir échoué en octobre et décembre der­niers, Jean-​​Christophe Cam­ba­délis est remonté en selle une troi­sième fois pour orga­niser un voyage en Israël et dans les Ter­ri­toires pales­ti­niens. Le « premier d'une délé­gation offi­cielle du PS depuis plus de 20 ans », annonce-​​t-​​il fiè­rement dans son invi­tation (cf. ci-​​dessous) transmise à plu­sieurs cadres du Parti socia­liste dont Benoît Hamon, Vincent Peillon, Manuel Valls ou Jean-​​Louis Bianco. Ini­tiative très per­son­nelle déjà pointée du doigt en octobre dernier par Marianne2 pour les ambi­guïtés d'une orga­ni­sation laissant une place impor­tante au lob­bying, le voyage est cette fois prévu entre le 19 et le 22 février. Pas inquiet, Jean-​​Christophe Cam­ba­délis remet donc la main à la pâte, sans changer de recette.

Et chanta le lobby

C'est en effet le Cercle Léon Blum, asso­ciation créée en 2003 à la péri­phérie du Parti socia­liste, qui a de nouveau été chargé de tracer les grandes lignes de l'organisation du voyage. Un Cercle dont la charte consti­tutive définit comme objectifs prin­cipaux la lutte contre la résur­gence d'un nouvel anti­sé­mi­tisme et le « rap­pro­chement entre la Gauche fran­çaise et les femmes et hommes de bonne volonté qui agissent pour la paix au Proche-​​Orient dans les deux camps, en par­ti­culier au sein de la Gauche Israé­lienne et avec ceux qui sou­tiennent un pro­cessus démo­cra­tique au sein de l'Autorité Pales­ti­nienne. » En octobre, quand Marianne2 avait sondé Cam­ba­délis sur l'opportunité de confier le pro­gramme d'une délé­gation offi­cielle du PS en Israël et dans les Ter­ri­toires pales­ti­niens à une structure com­mu­nau­taire, le res­pon­sable socia­liste avait rétorqué par SMS « c'est grave ? ».

Grave peut-​​être pas, mais un texto sar­cas­tique ne suffit pas à écarter la question :pourquoi confier l'organisation du voyage au Cercle Léon Blum plutôt que de gérer ça en interne, en bonne intel­li­gence avec les ser­vices diplo­ma­tiques français, comme c'est le cas pour tous les voyages du parti ? Et comme cela a été le cas pour le dépla­cement actuel de Laurent Fabius, monté par Loïc Hen­ne­kinne, ancien secré­taire général du quai d'Orsay, avec le consulat de Jéru­salem et l'ambassade de Tel Aviv ? D'autant plus que ce choix risqué jette la délé­gation socia­liste dans les bras d'un autre lobby, moins « fré­quen­table » : l'ONG israé­lienne ELNET, qui œuvre pour « le ren­for­cement des rela­tions entre Israël et l'Europe », en concen­trant notamment ses efforts sur « les res­pon­sables euro­péens de haut niveau, consi­dérés comme la cible la plus efficace pour influencer les poli­tiques et les liens stra­té­giques entre Israël et l'Europe ». C'est en effet ELNET qui a concocté le volet israélien de la visite guidée qui attend la délé­gation socia­liste. Des « racontars », selon l'assistante de Jean-​​Christophe Cam­ba­délis, jointe par télé­phone. Pourtant, une source au sein des ser­vices diplo­ma­tiques français confirme que c'est bien un res­pon­sable de la structure ELNET en Israël qui les a contactés, pour leur demander de monter la partie pales­ti­nienne du pro­gramme. Pas un trop gros boulot : dans la pre­mière version du pro­gramme envoyée par Jean-​​Christophe Cam­ba­délis aux invités, la délé­gation devait passer trois heures seulement à Ramallah, sur un voyage de trois jours et demi.

Un pro­gramme "très limite"

Pas étonnant non plus de découvrir un pro­gramme israélien assez peu en phase avec les posi­tions du Parti socia­liste sur le conflit israélo-​​palestinien. « Non, je n'ai pas à répondre à vos ques­tions », s'écrie Laurent Azoulai, pré­sident du cercle Léon Blum, visi­blement agacé au moment d'évoquer au télé­phone les ren­contres prévues sur place. « Vous avez l'air bien informé, vous n'avez pas besoin de mes réponses ». Même pas sur le choix douteux des inter­lo­cu­teurs ? « Au revoir », claque sèchement l'ancien directeur financier du PS avant de raccrocher.

Dommage, car même si le pro­gramme est en cours de fina­li­sation et que Jean-​​Christophe Cam­ba­délis n'a pas non plus sou­haité répondre à nos ques­tions, la pre­mière version du déroulé des trois jours de visite (voir ci-​​dessous) laisse appa­raître quelques rendez-​​vous sur­pre­nants. Déjà, comme s'en étonne un membre du corps diplo­ma­tique français sou­haitant rester anonyme, qui juge le pro­gramme « très limite », le dés­équi­libre entre les acti­vités prévues en Israël et celles dans les Ter­ri­toires pales­ti­niens est frappant. Ensuite, le posi­tion­nement poli­tique des inter­lo­cu­teurs envi­sagés dans cette version du pro­gramme laisse dubi­tatif pour une délé­gation du PS. Outre le pré­sident Shimon Peres et le premier ministre Ben­jamin Neta­nyahu, la liste des per­son­na­lités devant être ren­con­trées par la délé­gation socia­liste menée par le député du 19ème arron­dis­sement de Paris est une sorte de dream team du Likoud, le parti conser­vateur israélien, avec entre autres Reuven Rivlin, pré­sident de la Knesset, Moshe Yaalon, n°2 du gou­ver­nement, Dan Meridor, Vice-​​Premier ministre, ou encore Nir Barkat, maire de Jéru­salem, ancien du Likoud ayant conclu une alliance avec l'extrême-droite aux der­nières élec­tions. Quand on sait que le PS ne s'est pas rendu au dernier conseil de l'International socia­liste (IS) pour ne pas avoir à faire une bise à George Papan­dréou, pré­sident de l'IS qui fait main­tenant partie d'un gou­ver­nement élargi à l'extrême droite grecque, c'est fort. « Les orga­ni­sa­teurs avaient ménagé beaucoup de réunions avec les res­pon­sables gou­ver­ne­mentaux, confirme Henri Weber, député européen qui fait partie de la délé­gation. Mais on leur a demandé de rééqui­librer un peu en faveur du mou­vement social et des indignés israé­liens, et le pro­gramme a été amendé. » Ni Laurent Azoulai, du Cercle Léon Blum, ni Jean-​​Christophe Cam­ba­délis n'ont sou­haité nous trans­mettre cette nou­velle version du pro­gramme malgré une cer­taine insis­tance de notre part.

Reste que dans la pre­mière version, c'est la matinée du 21 février qui réserve le pro­gramme le plus crous­tillant. Une demi-​​journée pré­sentée ainsi dans le projet que nous nous sommes procuré : « 8h00. Tour en héli­co­ptère et approche géos­tra­té­gique des fron­tières d'Israël. Tour mené par le Général Michael Herzog, ancien négo­ciateur des accords de paix. » Ancien négo­ciateur des accords de paix d'accord, mais mili­taire israélien inculpé pour crime de guerre surtout. Michael Herzog est en effet au coeur d'une enquête ouverte en janvier 2009 par le juge Fer­nando Andreu Merelles – qui exerçait là la com­pé­tence de juri­diction universelle* – pour crime de guerre suite à l'opération menée en 2002 contre l'ancien chef de l'aile mili­taire du Hamas Salah She­hadeh, tué par l'armée israé­lienne au cours d'une opé­ration ayant causé 14 morts civils et 150 blessés. « Une pro­cédure tou­jours en cours en Espagne, où l'on attend une décision de la cour consti­tu­tion­nelle », explique Sharon Weill, cher­cheuse en droit inter­na­tional à l'Université de Genève et chargée de cours à l'université de Tel-​​Aviv et à Paris-​​II. Autant dire que les invités, qui n'ont pro­ba­blement pas étudié atten­ti­vement le pro­gramme que leur a envoyé Jean-​​Christophe Cam­ba­délis, risquent d'être un peu surpris dans leur hélico. Laurent Azoulai devra alors sans doute apporter une autre réponse qu'un expé­ditif « au revoir » à ceux qui s'interrogeront sur la pers­pi­cacité du pro­gramme dessiné par ELNET et le Cercle Léon Blum.

À quelques semaines du départ, le Parti socia­liste ne nous a pas non plus confirmé avoir accepté le finan­cement du voyage. « En voilà une question qu'elle est bonne », a ainsi répondu laco­ni­quement Lau­rence Girard, secré­taire générale admi­nis­trative du PS, à nos inter­ro­ga­tions sur la prise en charge du dépla­cement, avant de nous ren­voyer vers le service presse, qui nous a lui-​​même mis en relation avec… Laurent Azoulai, à nouveau très cordial au télé­phone. « Arrêtez de me har­celer, l'Inquisition pour raisons poli­tiques ou reli­gieuses c'est 1492. (…) Publiez ce que vous voulez, vous ne repré­sentez rien pour moi. » L'ambiance du « voyage d'étude » s'annonce sympa. Plu­sieurs invités, dont Anne Hidalgo, Alain Richard ou Jean-​​Louis Bianco ont en tout cas d'ores et déjà déclaré forfait. Après deux ten­ta­tives avortées, Jean-​​Christophe Cam­ba­délis semble néan­moins déterminé à main­tenir le dépla­cement coûte que coûte et s'est refusé à répondre à nos appels répétés. Dommage, car une question nous titille. Pourquoi tant d'acharnement à orga­niser ce voyage selon des moda­lités qui ne cor­res­pondent pas aux stan­dards des mis­sions offi­cielles du Parti socia­liste ? On hésite à rap­peler Laurent Azoulai pour lui demander.

* En droit, la com­pé­tence exercée lorsqu'un État « poursuit les auteurs de cer­tains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la natio­nalité des auteurs ou des vic­times ». En gros : juger les méchants quand leur pays d'origine refuse de le faire.

Publié par the Ground.


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