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Israël et Palestine vont négocier : quelles chances de succès ?

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Les chances d'un accord de paix israélo-​​palestinien sont minces, malgré l'annonce de la reprise des négo­cia­tions directes obtenue par le Secré­taire d'Etat amé­ricain John Kerry après une longue impasse.

Si on connaît bien les raisons d'un pro­bable échec – le poids poli­tique des colons en Israël, la fai­blesse et les divi­sions des Pales­ti­niens –, on a plus de mal à iden­tifier les motifs d'espérer un accord. Essayons de les analyser.

1 Pres­sions amé­ri­caines Les pre­miers pas de Barack Obama au Moyen-​​Orient, avec son dis­cours du Caire en direction du monde arabo-​​musulman, avaient laissé croire que le nouvel élu serait plus actif sur le dossier israélo-​​palestinien. Il n'en fut rien au cours de son premier mandat, décevant le camp de la paix.

John Kerry, qui a pris la suite d'Hillary Clinton en janvier, en a fait une de ses prio­rités, et, après six voyages en six mois dans la région, il a déjà produit un résultat inespéré : le feu vert des deux parties à une reprise des négociations.

Le Secré­taire d'Etat amé­ricain sera l'homme-clé de ces négo­cia­tions qui se dérou­leront aux Etats-​​Unis. Dans quelle mesure aura-​​t-​​il pour mandat d'Obama de « tordre le bras » des par­ti­ci­pants pour obtenir un accord, seule condition d'un résultat positif ?

Du point de vue amé­ricain, un succès sur le dossier israélo-​​palestinien serait le bienvenu, alors que Barack Obama est cri­tiqué pour son indé­cision sur la Syrie, et ne semble guère avoir de stra­tégie d'ensemble face aux sou­bre­sauts du monde arabe. De quoi l'encourager à agir sur le seul dossier où il peut encore avoir de l'influence.

Il a d'autant moins à perdre qu'il est dans son deuxième mandat, et ne sera donc plus can­didat, ce qui lui donne une plus grande liberté en le mettant hors de portée des lobbies élec­toraux aux Etats-​​Unis.

Pour autant, il y a une limite à ce que Washington peut imposer à ses alliés israé­liens qui dis­posent de puis­sants relais aux Etats-​​Unis, en par­ti­culier au Congrès où Benyamin Neta­nyahou est plus applaudi que Barack Obama lors de ses apparitions…

2 Dynamique israélienne

Rêvons un peu. A 63 ans, Benyamin Neta­nyahou prend un peu de recul et regarde sa longue car­rière poli­tique. Cet ancien jeune premier, pur produit d'un mar­keting poli­tique à l'américaine doublé d'un flair certain et d'une capacité de rebond sans limites, a assu­rément la palme de la longévité.

Mais qu'a-t-il fait de ses années au pouvoir ? Quelle trace laissera-​​t-​​il dans l'histoire autre que celle d'avoir gagné du temps et d'avoir affaibli les Pales­ti­niens pendant que se bâtis­saient les colonies juives ?

Benyamin Neta­nyahou, qui s'est fait réélire il y a seulement quelques mois à la tête d'une coa­lition très à droite et marquée par le poids des colons juifs de Cis­jor­danie, peut-​​il être tenté de « donner une chance à la paix », comme dirait John Lennon ?

C'est ce que lui propose la gauche israé­lienne, certes très affaiblie elle-​​même après des années d'errance, mais qui a déjà annoncé que s'il s'engageait sur la voie d'un com­promis his­to­rique avec les Pales­ti­niens, Neta­nyahou pourrait compter sur une majorité alter­native pour le soutenir.

Le pré­sident israélien, Shimon Peres, sur­vivant de l'époque des accords d'Oslo de 1993 qu'il avait lui-​​même initiés, pousse lui aussi, du haut de son poste hono­ri­fique, dans cette direction.

Mais Neta­nyahou, plus prag­ma­tique qu'idéologique malgré les appa­rences, sait aussi ce qu'il a à perdre.

Naftali Bennett, ministre de l'Economie et porte-​​parole du lobby des colons au sein de la coa­lition, a déjà fait savoir qu'il ne res­terait pas dans un gou­ver­nement qui négo­cierait sur la base des fron­tières de 1967, comme l'exigent les Palestiniens.

Il pourrait entraîner avec lui les partis reli­gieux et même une partie du Likoud, le propre parti de « Bibi », le surnom de Netanyahou.

Mais Neta­nyahou sait aussi que les colons de Cis­jor­danie sont impo­pu­laires auprès d'une majorité de l'opinion israé­lienne qui aspire à une vie meilleure, comme l'ont montré les pro­tes­ta­tions sociales il y a deux ans.

Mais ne rêvons pas : il y a bien plus de chances que Neta­nyahou n'ait accepté de reprendre les négo­cia­tions que pour gagner une fois de plus du temps, pour montrer sa « bonne foi » aux Amé­ri­cains – et aux Euro­péens qui viennent de sanc­tionner les colonies israé­liennes –, et qu'il s'arrangera pour faire porter le chapeau du pro­bable échec aux Palestiniens…

3 La faiblesse palestinienne

Les Pales­ti­niens ont perdu l'initiative depuis long­temps. Mahmoud Abbas, le suc­cesseur de Yasser Arafat à la tête de l'Autorité pales­ti­nienne issue des accords de paix d'Oslo (1993), est un Pré­sident sérieu­sement affaibli :

il est à la tête d'une moitié de Palestine (le Hamas contrôle tou­jours la bande de Gaza) ; il n'a pas de budget digne de ce nom ; il est inca­pable de stopper la pro­gression des colonies juives en Cis­jor­danie et à Jérusalem-​​Est ; il est confrontéà la dis­pa­rition pro­gressive de la question pales­ti­nienne alors que le monde arabe est en pleine crise, entre les sou­bre­sauts égyp­tiens et la guerre de Syrie.

L'initiative de John Kerry est pour lui une planche de salut qu'il ne pouvait pas laisser passer, même si cette reprise des négo­cia­tions directes se fait sans pré­con­di­tions. Et en par­ti­culier sans l'arrêt de la construction de nou­velles colonies comme il l'exigeait jusqu'ici.

Mahmoud Abbas joue à quitte ou double dans ces pro­chaines négo­cia­tions. Sa légi­timité ne tient plus qu'à un fil, et il a besoin d'un succès cré­dible pour redonner du souffle à une Autorité pales­ti­nienne qui ne tient plus que par la force d'inertie et la peur du vide (ou du Hamas).

Il lui faudra tou­tefois revenir de Washington avec quelques résultats qui donnent satis­faction aux aspi­ra­tions pales­ti­niennes, au-​​delà de la libé­ration de pri­son­niers déjà annoncée en Israël, et qui va pro­voquer des scènes de liesse favo­rables au climat des négociations.

Mais les Palestiniens attendront de pouvoir le juger sur trois critères :

les colonies de peu­plement en Cis­jor­danie et à Jérusalem-​​Est : combien seront déman­telées ? Quelles fron­tières ? Celles de 1967 cor­rigées par des échanges de ter­ri­toire ? Le sort des réfugiés pales­ti­niens : Israël n'acceptera jamais un « droit au retour », mais comment traiter cette question cen­trale à l'identité palestinienne ?

La chance de la négo­ciation, c'est que Mahmoud Abbas a réel­lement besoin d'un accord, à condition que celui-​​ci soit « ven­dable »à l'opinion pales­ti­nienne, et que le Hamas soit affaibli par la perte de pouvoir des Frères musulmans au Caire.

La pos­si­bilité d'un succès de ces négo­cia­tions existe donc bel et bien, mais elle est tel­lement mince qu'il fau­drait véri­ta­blement un miracle diplo­ma­tique pour qu'elles aboutissent.

Le pire n'est jamais sûr, même au Proche-​​Orient, mais il fait figure, pour l'heure, du scé­nario le plus probable…


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