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L'asphyxie de Gaza et l'isolement croissant du Hamas

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Deux événe­ments récents illus­trent l'isolement du Hamas, la for­mation pales­ti­nienne au pouvoir à Gaza. Le premier est la décision des auto­rités du Caire de pour­suivre en justice l'ancien pré­sident Mohamed Morsi pour ses liens avec le Mou­vement de la résis­tance isla­mique. Paral­lè­lement, à Gaza, le gou­ver­nement d'Ismaïl Haniyeh a ordonné la fer­meture de la chaîne de télé­vision Al-​​Arabiya, cou­pable d'avoir diffusé de " fausses nou­velles " sur l'aide du Hamas aux Frères musulmans égyp­tiens, la confrérie dont il est issu.

La pre­mière infor­mation confirme que le Hamas est redevenu la bête noire des mili­taires égyp­tiens, qui l'accusent d'entretenir la rébellion isla­miste dans le Sinaï. La seconde montre que le Hamas ne sait plus quoi faire pour rentrer dans les bonnes grâces de son puissant voisin, lequel a les moyens d'asphyxier écono­mi­quement le 1,7 million de Gazaouis, ce qu'il a com­mencéà faire.

La punition col­lective infligée par l'armée égyp­tienne à l'enclave pales­ti­nienne, entamée peu avant le coup d'Etat, se poursuit de deux manières : la des­truction de près de 70 % des tunnels de contre­bande passant sous la fron­tière, les­quels, en four­nissant 60 % des besoins de la popu­lation, consti­tuaient le poumon écono­mique de la bande de Gaza ; l'étranglement du point de passage de Rafah ensuite, seule porte de sortie des Gazaouis vers l'extérieur. Les orga­ni­sa­tions huma­ni­taires lancent un cri d'alarme sur les consé­quences sociales de ce blocus, qui rap­pelle celui qu'Israël a mis en place en 2008.

L'onde de choc de ce prin­temps arabe à rebours a porté un rude coup aux for­ma­tions isla­mistes de la région. Les Frères musulmans jor­da­niens et le Hamas notamment sont désta­bi­lisés par cette remise en cause de leur stra­tégie poli­tique. Le sou­verain hachémite Abdallah II de Jor­danie sort appa­remment ren­forcé par la rupture du lien qui se nouait entre le Front d'action isla­mique (FAI) et le pré­sident Morsi, mais il s'agit peut-​​être d'un succès éphémère.

L'opposition isla­miste jor­da­nienne est de plus en plus scep­tique envers un système démo­cra­tique qui, à se fier à l'exemple égyptien, peut être si faci­lement balayé. Cela nourrit la ten­tation du radi­ca­lisme. Le Hamas, lui, fait figure de grand perdant. Ses res­pon­sables ont beau rap­peler que le mou­vement a été maintes fois réprimé (en Jor­danie, au Liban, en Syrie), et qu'il n'est que momen­ta­nément utilisé par les mili­taires égyp­tiens dans leur cam­pagne pour décré­di­bi­liser l'ère Morsi, ils sont inquiets.

En février 2012, le chef du bureau poli­tique, Khaled Mes­chaal, qui résidait à Damas, a coupé les ponts avec le gou­ver­nement du pré­sident syrien, Bachar Al-​​Assad, lequel l'exhortait à com­battre l'opposition syrienne. En dépit de l'aide que lui a apportée le régime alaouite pendant des années, le Hamas a estimé qu'il serait contre-​​productif de se soli­da­riser avec une dic­tature san­glante. Ce faisant, il a perdu, dans une large mesure, le soutien du puissant parrain de Damas, l'Iran, et du Hez­bollah libanais.

Renversement d'alliances

Ce ren­ver­sement d'alliances n'était pas trop grave tant l'Egypte des Frères musulmans repré­sentait une alter­native. Et Gaza pouvait aussi s'appuyer sur les cen­taines de mil­lions de dollars promis par le Qatar et sur l'empressement de la Turquie, tou­jours sou­cieuse d'apparaître comme une puis­sance régionale, qui plus est cham­pionne de la cause palestinienne.

Sauf que Tamim Ben Hamad Al-​​Thani, le nouvel émir qatari, semble net­tement moins enclin à lâcher les cordons de sa bourse en faveur d'un mou­vement tou­jours considéré comme ter­ro­riste par les Occi­dentaux. Et la brusque dété­rio­ration des rela­tions entre la nou­velle Egypte et Ankara renvoie sine die le projet d'une visite du premier ministre turc à Gaza.

D'autant que Recep Tayyip Erdogan pourrait avoir des raisons de s'inquiéter de l'exemple égyptien : en uti­lisant une expression long­temps accolée à l'armée turque, les res­pon­sables du Hamas sou­lignent que c'est le Deep State (" l'Etat profond ") qui est revenu bru­ta­lement aux com­mandes au Caire. Le Hamas est-​​il désormais démuni finan­ciè­rement et mili­tai­rement ? La des­truction des tunnels repré­sente un consi­dé­rable manque à gagner pour le gou­ver­nement de M. Haniyeh, et l'Iran, qui a financé jusqu'à60 % de son budget, a sin­gu­liè­rement réduit ses trans­ferts finan­ciers et militaires.

Mais, tout en sou­haitant " punir " le Hamas, Téhéran pourrait assouplir sa position : l'Iran ne dispose pas de meilleur relais armé contre Israël dans la région. L'isolement du Hamas risque de faire deux vic­times col­la­té­rales : la pre­mière est la récon­ci­liation pales­ti­nienne. La stra­tégie de Mahmoud Abbas, engagé dans une relance des négo­cia­tions avec Israël, a pro­voqué l'anathème du gou­ver­nement de Gaza.

Le pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne ne sera incitéà former un gou­ver­nement d'union qu'en cas de nouvel échec du pro­cessus de paix. Reste ce qui devrait être l'essentiel, le sort de la popu­lation de Gaza. Tout montre que le Hamas, acculé poli­ti­quement et finan­ciè­rement, ren­force sa férule à l'encontre des partis poli­tiques et de la société civile. Les Gazaouis risquent de subir dans les mois à venir la double peine de la pau­pé­ri­sation et d'une accen­tuation de la répression politique.


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