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De retour de Jiftlik dans la Vallée du Jourdain

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Danielle membre de l'AFPS Pau, conseillère muni­cipale com­mu­niste est partie pour 3 mois à Naplouse Je lui laisse expliquer son enga­gement : "Pour l'enseignement du français, j'interviens dans 2 endroits (et peut-​​être pro­chai­nement dans 3) : au camp de réfugiés d'Al Ein, un des camps de réfugiés de Naplouse, mais aussi au Centre Culturel français de Naplouse. Je devrais aller également au camp d'Askar. Dans tous les cas, ce sont pour moi des moments très forts, chacun à leur manière."

En ce moment elle tra­vaille sur le " 14ème Prin­temps des Poètes" et une des ses élèves Leila a choisi le poème d'André Schettrit :

"Je veux boire Je veux manger" criait l'enfant en colère "Donnez-​​lui d'abord à rêver", dit mon père."

Danielle nous envoie un carnet de route en vallée du Jourdain que cer­tains d'entre nous ont aussi vécu.

Je suis revenue à Jiftlik dans la Vallée du Jourdain, avec quelques amis (volon­taires) et je suis "tentée" d'y revenir un peu plus tard pour y rester cette fois plu­sieurs jours. J'étais très heu­reuse de faire connaître le "Jordan Valley Soli­darity Center" au petit groupe d'amis, centre que j'ai découvert moi-​​même par hasard (en fait grâce à Monika) et je ne saurais dire pourquoi, il y a quelque chose en ce lieu qui attire mon attention de plu­sieurs façons.

En réalité, je dis "je ne sais pourquoi", mais si, je sais en grande partie pourquoi. En fait tous les "ingré­dients" de la poli­tique de l'Etat d'Israël sont réunis là, sur la base d'enjeux très impor­tants. Il faut savoir en effet que cette Vallée, par­ti­cu­liè­rement fertile (pro­fusion et grande variété de cultures) était décrite comme étant "le grenier de la Palestine". Avec la colo­ni­sation, l'annexion des terres et de l'eau, elle est devenue celui d'Israël.

Aller dans la Vallée du Jourdain, quand on vient de Naplouse, ça pourrait être comme si on partait en week-​​end à la cam­pagne. Sauf qu'on sent bien et très vite, qu'on peut pas se le raconter comme ça et qu'on est dans un tout autre scé­nario, d'une grande vio­lence : en 1967 les Pales­ti­niens étaient 300.000 dans la Vallée du Jourdain ; ils ne sont plus que 60.000. On est là dans le pro­cessus d'un véri­table net­toyage eth­nique qui ne concerne pas bien sûr que la Vallée du Jourdain, mais fait réfé­rence à l'objectif pour­suivi qui est celui de la judaï­sation de la Palestine.

Venir dans cette Vallée tout comme venir dans ce modeste lieu fina­lement, qu'est la maison de cette ONG (JVS) (un bull­dozer en aurait vite fait son affaire), c'est voir et sentir, " jusque dans l'air presque" que tout ici est engagé comme dans un corps à corps. Mais la dis­pro­portion des com­bat­tants est de taille : pour s'installer, les colons reçoivent de la part de l'Etat d'Israël, terres et eau gra­tuites pour bâtir leur maison et pour les cultures, 75 % de l'électricité est gra­tuite aussi …on com­prend pourquoi les pro­duits exportés (en Europe, dans le monde entier) sont si peu chers, si com­pé­titifs sur le Marché. Et à cette quasi-​​gratuité de base (terre, eau, élec­tricité) s'ajoute l'exploitation de la main d'oeuvre pales­ti­nienne. Ils tra­vaillent 8h par jour (de 6h à 14h) et sont payés 50 shekels par jour (10 euros). Notons également que la main d'oeuvre dans les colonies, c'est aussi des enfants. Il ne faut pas oublier, non plus, qu'à tout cela s'ajoute l'aide US. Et ainsi…"la mariée peut être belle !" : combien coûte, par exemple, 1kilo de raisins ? 3 shekels c'est à dire pas même 80 centimes.

Elle est pas belle, la vie ? Alors un débat s'engage qui rap­pelle celui sous-​​tendu par la cam­pagne BDS (boycott, Dés­in­ves­tis­sement, Sanction). Cer­tains disent que cette cam­pagne BDS (ne pas acheter les pro­duits israé­liens car ça par­ticipe de l'exploitation des pales­ti­niens), elle porte tort aux Pales­ti­niens eux-​​mêmes car logi­quement si on boy­cotte les pro­duits israé­liens, alors, à terme, les Pales­ti­niens n'auront plus de travail. Mais d'autres font le choix de sou­tenir au contraire BDS car ce qu'il faut éradiquer, c'est l'exploitation/occupation de la Palestine ! La Palestine doit être libre !

Je veux dire quelques mots concernant le paysage de la Vallée du Jourdain. C'est un paysage vite iden­ti­fiable (binaire). Quand les champs sont "à l'air libre", c'est pales­tinien. Mais dès qu'on voit des serres bien rangées, des pal­miers en nombre important souvent, le tout bien protégé par des fils élec­triques et même des bar­belés, c'est une colonie israé­lienne. Il y a autre chose dont j'ai pris conscience (grâce aux expli­ca­tions des volon­taires à JVS). Cela concerne les 3 fameuses zones des accords d'Oslo (A, sous autorité pales­ti­nienne /​ B, théo­ri­quement sous autorité" conjointe", mais en réalité lar­gement contrôlée par Israëll /​ C, sous autorité israélienne).

La zone A, c'est 5% de la Palestine ; la zone C, 60%. Cherchez l'erreur… L'enjeu, c'est de regrouper "tout ce qui est pales­tinien" dans la zone B, dans des équi­va­lents de "ban­toustans" (ghettos). On com­prend ainsi le sens et la nécessité de la riposte à cette stra­tégie mor­tifère ainsi que le sens du combat d'ONG telles que JVS (qui "tra­vaille main dans la main", rappelons-​​le, avec les Pales­ti­niens - je veux dire par là que ce n'est pas que l'activité mili­tante d'internationaux). Il s'agit de sou­tenir (et le mot, en le disant comme ça, me paraît tout à coup faible), les Pales­ti­niens en zone C. Il s'agit bien de contre­carrer cette poli­tique pour que partout et donc encore plus pré­ci­sément en zone C, la Palestine ne soit pas vidée de ses habi­tants. Cela repré­sente un combat de tous les ins­tants. Des maisons pales­ti­niennes pourtant anciennes sont sommées d'être détruites et si la famille ne procède pas à sa démo­lition, les bull­dozers israé­liens s'en chargent, mais savez-​​vous le comble du cynisme ? La famille aura à s'acquitter des frais de la démo­lition. D'autre part, toute demande de construction côté pales­tinien (maison, école) doit être pré­sentée à l'administration israé­lienne. Entre 2001 et 2008, 96% des demandes ont été rejetées.

La question de l'eau méri­terait un"chapitre" en soi. Je par­lerai ici de cet endroit où nous nous sommes rendus, avec des volon­taires irlandais et qui résume peut-​​être bien ce qu'il en est. Israël a mis la main sur la source (les sources) qui alimentai(en)t les habi­tants de ce village d'Al Auja. Cela s'est passé au moment de la 2ème Intifada. Qu'est-ce qu'on voit ? (et entend ?) D'un côté de la route, l'installation israé­lienne (le puits) entourée de hautes grilles et on entend le bruit régulier (pompage) de l'eau. De l'autre côté de la route, il y a un canal qui longe la route et où l'eau file : c'est de l'eau de pluie car il a beaucoup plu ces der­niers jours et c'est pour les pales­ti­niens. Anna (volon­taire ita­lienne) est venue ici il y a 2 mois ; dans ce canal, il n'y avait pas une goutte d'eau. Israël pompe l'eau à la source (nappes phréatiques).

Il y a quelques 10 ou 15 ans, les jeunes se sou­viennent qu'ils venaient, enfants, dans cet endroit entouré de col­lines, pour se baigner. Les col­lines étaient vertes ; main­tenant c'est aride. "Et après, les Israé­liens te racon­teront qu'ils ont fait fleurir le désert !" me dit Gene­viève, révoltée. Nous sommes allés jusqu'à un village bédouin. J'hésite à uti­liser ce mot de "bédouin" car il a une conso­nance "exo­tique" me semble-​​t-​​il qui, en réalité, est tout à fait déplacée. Car pour ces familles-​​là (nomades dans le passé), leur quo­tidien aujourd'hui, c'est celui d'un effort de tous les ins­tants pour se main­tenir là où ils sont et cela, dans un état de pau­vreté et de dénuement qui laisse sans voix ! Ce sont des pales­ti­niens, point à la ligne ! Et peut-​​être les plus pauvres d'entre eux ? Car plus pauvres que ça, ce serait quoi ? Le res­pon­sable qui nous fait visiter le cam­pement (Al'Fasa) nous explique que celui-​​ci a été détruit 2 fois (en juin et en octobre). Les familles vivent sous des bâches et dans une "pièce" vivent par exemple 12 personnes…et en espérant qu'il ne pleuve pas ! Pendant que nous parlons, 3 avions (légers) sur­volent les lieux. L'ami pales­tinien nous explique qu'ils prennent des photos, que l'objectif est d'installer une colonie (une nou­velle) ou agrandir celle qui est à proximité. Qu'en est-​​il de l'eau pour ces familles dépourvues de tout ? Celle qu'ils prennent à l'Autorité pales­ti­nienne n'est pas potable (elle contient du sel). Ils sont donc obligés de l'acheter à Mekorot, la com­pagnie israé­lienne de l'eau. C'est 100 shekels, 3m3 d'eau.

Cet ami nous remercie de les aider, comme nous pourrons, mais aussi auprès de nos gou­ver­ne­ments res­pectifs, en disant ce qui se passe.


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