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Ce que changerait (ou non) un accord de paix entre Israël et la Palestine

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Après Anna­polis, Charm Al-​​Cheikh ou Taba hier, Jéru­salem et Jéricho aujourd'hui. Vingt ans après la signature des accords d'Oslo et pour la dixième fois, Israël et l'Autorité pales­ti­nienne se retrouvent, depuis le 14 août, pour tenter de négocier la fin d'un conflit qui dure depuis la création de l'Etat hébreux, en 1948. Deux nou­velles ren­contres pré­pa­ra­toires ont eu lieu ce mardi à Jéru­salem, avant la pour­suite de dis­cus­sions plus appro­fondies à Jéricho la semaine prochaine.

Depuis plus de soixante ans, l'histoire du conflit israélo-​​palestinien se répète : les périodes de guerre pré­cèdent les ins­tants d'apaisement, puis la région replonge dans la crise – la reprise des dis­cus­sions bila­té­rales inter­vient cette année après l'opération mili­taire israé­lienne "Pilier de défense", menée en novembre 2012 dans la Bande de Gaza. Mais si les négo­cia­tions entre Israël et la Palestine se suivent et se res­semblent, le reste du Proche-​​Orient évolue rapidement.

Depuis deux ans et demi, la chute de régimes dic­ta­to­riaux et les révo­lu­tions en cours ont fait tomber la chape de plomb qui pesait depuis plus de qua­rante ans sur la région et mul­tiplié les zones de ten­sions dans un Proche-​​Orient jusqu'ici rythmé par le conflit entre Israël et ses voisins arabes.

"La paix n'aurait que peu d'effet sur les grandes crises de la région"

Ces récents bou­le­ver­se­ments posent alors la question de la place qu'occupe le conflit israélo-​​palestinien dans la région, à l'heure de la reprise de négo­cia­tions de paix qua­li­fiées à la fois "d'historiques" et "d'impossibles". Selon Rashid Khalidi, his­torien qui faisait partie de la délé­gation pales­ti­nienne lors de la confé­rence de Madrid ayant abouti aux accords d'Oslo de 1993, ce sont jus­tement ces bou­le­ver­se­ments qui poussent les Etats-​​Unis à peser pour un nouveau pro­cessus de paix : "La situation régionale est clai­rement com­pliquée par ce qui se passe en Egypte et en Syrie. Il se peut que, à cause de l'impasse dans laquelle se trouve la diplo­matie amé­ri­caine dans la région, les Amé­ri­cains aient choisi d'entamer des négo­cia­tions main­tenant", estime-​​t-​​il.

Domi­nique Vidal, auteur de nom­breux ouvrages sur le conflit israélo-​​palestinien, partage ce point de vue : "Pourquoi les Etats-​​Unis s'investiraient-ils autant dans ces négo­cia­tions s'ils n'étaient pas per­suadés de l'impact que la réso­lution du conflit pourrait avoir sur la région ?" Selon lui, sta­bi­liser les rela­tions entre Israël et les ter­ri­toires pales­ti­niens garantit d'apaiser les ten­sions dans les pays voisins, notamment parce que la cause pales­ti­nienne demeure une cause arabe.

Plus qu'un conflit entre Israël et la Palestine, la question de la création d'un Etat pales­tinien touche en fait l'ensemble des pays arabes. "La cause pales­ti­nienne n'est pas le point de départ des révoltes dans les dif­fé­rents pays arabes aujourd'hui, mais continue à jouer un rôle central dans l'imaginaire poli­tique arabe contem­porain et reste, à bien des égards, un élément fédé­rateur sus­cep­tible de mobi­liser de larges pans de ces sociétés", nuance Xavier Gui­gnard de l'Institut français du Proche-​​Orient.

Au-​​delà du symbole et de la capacité fédé­ra­trice de la cause, d'un point de vue géo­po­li­tique, les pays limi­trophes de l'Etat hébreux ont tous été impliqué dans le conflit, ou le sont encore aujourd'hui. Si l'Egypte et la Jor­danie ont signé un traité de paix avec Israël, res­pec­ti­vement en 1979 et en 1994, la plupart des autres pays ne recon­naissent pas l'Etat hébreux, au premier rang des­quels l'Iran, la Syrie et le Liban.

Par­venir à la paix entre Israël et la Palestine aurait bien "un effet indirect" sur les récents conflits de la région, reconnaît Rashid Khalidi, sans pouvoir les résoudre pour autant. Les reven­di­ca­tions sociales et socié­tales des peuples arabes ne trou­veront pas de solution à travers la paix entre Israël et la Palestine. "Il se peut que la situation en Syrie soit un peu apaisée, il se peut que le gou­ver­nement jor­danien se sta­bilise. Mais en ce qui concerne les grandes crises de la région, le nucléaire iranien et la situation inté­rieure en Egypte, la paix n'aurait que peu d'effet", conclut-​​il.

La perspective d'un accord satisfaisant pour tous est faible

Les conflits en Syrie ou en Egypte, en passant par l'Irak, auraient-​​ils pris de l'importance face au "vieux" conflit israélo-​​palestinien ? Dans un éditorial publié le 29 juillet dans le New York Times, Roger Cohen estime que c'est effec­ti­vement le cas : "Il y a plus de ten­sions actuel­lement entre les sun­nites et les chiites qu'entre la Palestine et Israël", écrivait l'éditorialiste. Dans un article qui évoque les dix raisons de ne pas croire à la paix entre Israël et la Palestine à l'issue des négo­cia­tions entamées la semaine der­nière, il est indiqué que "la dés­in­té­gration de l'ordre ancien à travers le Proche-​​Orient pendant les divers 'prin­temps arabes' a démontréà quel point il est absurde de placer encore la question israélo-​​palestinienne au centre des pro­blèmes de la région".

Iris Hersch, his­to­rienne à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman, ne partage pas cette analyse : "Ces nou­velles zones de ten­sions ont tou­jours été des conflits sous-​​jacents. La question israélo-​​palestinienne a été et reste un point de tension central dans la région, mais ça n'est pas le seul", analyse-​​t-​​elle.

Plutôt que de hié­rar­chiser les conflits dans une région qui évolue constamment, il convient de se pencher sur le contexte des négo­cia­tions. C'est leur contenu qui déter­minera leur portée. "La paix entre Israé­liens et Pales­ti­niens peut être une étape vers l'apaisement des ten­sions dans la région, à condition qu'elle soit perçue comme juste par les autres pays arabes", précise Iris Hersch.

Or, dans le contexte actuel, la pers­pective d'un accord satis­faisant pour tous est faible. Tout d'abord parce qu'Israël ne négocie qu'avec la moitié de la Palestine. L'Autorité pales­ti­nienne pré­sidée par Mahmoud Abbas, poli­ti­quement affaibli, ne repré­sente que la Cis­jor­danie, et non la Bande de Gaza, dirigée par le Hamas, élu en 2006. Dans ce contexte, aucun accord ne peut être reconnu par l'ensemble des pays arabes.

Sur le terrain aussi, les condi­tions ne semblent pas réunies pour trouver un accord "juste" du point de vue de la plupart des pays arabes. Aujourd'hui, près de 500000 colons juifs vivent dans les ter­ri­toires occupés par Israël. Ils repré­sentent presqu'un Israélien sur six, et leur nombre pro­gresse, dimi­nuant les chances de retour en arrière : aucun gou­ver­nement ne pourra ignorer un électeur sur six.

De même, aucun pays arabe ne pourra recon­naître un Etat pales­tinien réduit, amputé de Jérusalem-​​Est ou d'une partie de la Cis­jor­danie. Une paix négociée à minima ou qui ne res­pec­terait pas les fron­tières de 1967, seule alter­native qui semble se des­siner si les dis­cus­sions actuelles abou­tissent à un accord, ne pourrait pas être un facteur de sta­bilité pour l'ensemble du Proche-​​Orient.

Publié par Le Monde


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