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Jérusalem : comment partager sans diviser

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Au milieu des années 1990, Israël était prêt à recon­naître que cer­taines parties de la ville dépen­draient de l'Autorité pales­ti­nienne. Qu'est-ce qui a changé vingt ans après les accords d'Oslo ?

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Un groupe de jeunes Pales­ti­niens tra­verse le check­point de Qalandia, entre Ramallah et Jéru­salem, le 4 août 2013. Sur le mur : "Jéru­salem" en arabe.- Photo AFP/​Abbas Momani.

En déclarant cette semaine que les accords de paix d'Oslo [signés entre Israé­liens et Pales­ti­niens en 1993] signi­fie­raient une capitale pales­ti­nienne à Jérusalem-​​Est, Ofer Shelah [ancien jour­na­liste, élu député en 2013] a mis les adver­saires de ces accords en fureur.

Comment un membre de Yesh Atid ["Il y a un futur", parti centre droit] pouvait-​​il ouvrir si direc­tement la voie à un partage de Jéru­salem alors que Yaïr Lapid, chef de ce parti clé de la coa­lition au pouvoir, dit que la Ville sainte doit rester unie sous sou­ve­raineté israé­lienne. Dès qu'on en vient à Jéru­salem, le fossé est béant entre propos publics et privés des poli­tiques - et Shelah n'a fait que bous­culer la ligne du parti.

Les accords d'Oslo posaient expres­sément que le statut de Jéru­salem serait négocié lors des pour­parlers sur le statut défi­nitif. Durant l'intérim, les habi­tants arabes de Jérusalem-​​Est pour­raient par­ti­ciper à l'élection du Conseil légis­latif pales­tinien, ce qu'ils firent en 1996. En bref, Israël était alors prêt à recon­naître que des pans de cette Jéru­salem déclarée par les poli­tiques "capitale une, indi­vi­sible et éter­nelle d'Israël" appar­te­naient à la cir­cons­cription palestinienne.

Cette recon­nais­sance explicite des droits des Pales­ti­niens à Jéru­salem est sortie de nos mémoires, de même que l'emplacement réel de la Ligne verte [fron­tière d'Israël avant le 4 juin 1967] et le fait que telle ou telle partie de la ville se situe en deçà ou au-​​delà. Non moins remar­quable est l'ampleur de la dés­in­for­mation quant aux consé­quences d'une négo­ciation sur Jéru­salem. De nom­breux Israé­liens pré­sument qu'une capitale pales­ti­nienne à Jérusalem-​​Est revient à diviser de nouveau la ville. Leur seule réfé­rence se conjugue au passé, entre 1948 et 1967, quand celle-​​ci était coupée entre Israël et la Jor­danie et que les tireurs isolés [arabes] consti­tuaient un vrai risque à la lisière.

Telle n'est pourtant pas la situation que les négo­cia­teurs pales­ti­niens ont en tête, surtout les plus prag­ma­tiques. "Nous voulons une ville ouverte et par­tagée, non une ville divisée", dit une source pales­ti­nienne de haut niveau. "Nous demandons notre propre admi­nis­tration, mais il faudra une coor­di­nation entre les deux muni­ci­pa­lités. Nous n'envisageons pas de mur au milieu."

Une division concrète de la ville est irréalisable

Ce concept n'est pas nouveau mais repré­sente un défi pour tout amateur de real­po­litik. Où com­men­cerait Israël, où s'arrêterait la Palestine ? Les hauts lieux de la Vieille Ville pourraient-​​ils former une zone sûre et acces­sible à tous sans que qui­conque s'y sente dominé ? Des deux côtés, uni­ver­si­taires et car­to­graphes ont étudié la question sous tous les angles, mais sortir un plan d'un tiroir et le mettre en œuvre pourrait être la tâche la plus ardue des négo­cia­teurs. Peut-​​être est-​​il trop tard, pourtant, pour emprunter un autre chemin. Jéru­salem a tel­lement changé qu'une division concrète de la ville est irréa­li­sable. Le système routier, en par­ti­culier, com­plique l'idée d'une démar­cation phy­sique claire entre les Jéru­salem israé­lienne et palestinienne.

"Quatre ou cinq nou­velles routes forment une infra­structure dont Israël dépend […] et le tramway trace sa route en pro­fondeur côté Est, des­servant des quar­tiers pales­ti­niens comme Beit Hanina et Shuafat, désormais inex­tri­ca­blement liés à la capitale israé­lienne", explique Aviv Tatarksy, cher­cheur à l'association Ir Amim [œuvrant à une Jéru­salem équi­table et stable à l'avenir négocié]. "Chaque décision israé­lienne rend les choses plus com­pli­quées encore."

Com­pli­quées, oui. Inso­lubles, non. "Je ne vois pas d'accord pos­sible dans lequel les Pales­ti­niens ne puissent nommer Jérusalem-​​Est capitale de leur État", dit Ofer Shelah. Des paroles qui ont rapi­dement fait leur chemin à Jéru­salem, Ramallah et Washington. "La solution à Jéru­salem sera très com­plexe. Elle passera par les mots autant que par les actes. Sur le terrain, impos­sible de dresser un mur et de dire : 'Là c'est à nous, et làà vous.'" Les accords d'Oslo, vingt ans après

Il a fallu qua­torze ses­sions de négo­cia­tions entre Israé­liens et Pales­ti­niens, dans une maison fores­tière située près de la capitale nor­vé­gienne, pour que les accords de paix d'Oslo voient le jour. Le secret et l'isolement partagé contri­buent au succès de l'opération. La décla­ration de prin­cipes signée à Washington le 13 sep­tembre 1993 par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat fonde la recon­nais­sance mutuelle d'Israël et des Pales­ti­niens et jette les bases d'une solution défi­nitive du conflit – dont le calen­drier rejette les ques­tions dif­fi­ciles (avenir de Jéru­salem, des réfugiés, des colonies, etc.) en fin de processus.

En 1994 et 1995, des accords inté­ri­maires posent les struc­tures de l'Autorité pales­ti­nienne, pré­voient les pre­mières élec­tions de son Conseil légis­latif et défi­nissent trois zones pro­vi­soires de contrôle (pales­tinien, israélien, mixte) en Cis­jor­danie et à Gaza. Mais l'assassinat de Rabin en 1995 par un fana­tique israélien, les attentats au cœur d'Israël et la seconde Intifada, en 2000, bloquent le pro­cessus… jusqu'à l'annonce, cet été, de sa reprise dans un climat de scep­ti­cisme général.


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