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Roger Waters et le boycott culturel d'Israël

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Faut-​​il boy­cotter Israël ? C'est en tout cas la conviction de Roger Waters, l'un des membres fon­da­teurs des Pink Floyd qui a joué son opéra rock The Wall au Stade de France samedi 21 septembre.

C'est l'une des légendes du rock aux côtés de Mick Jagger et de Paul McCartney. Roger Waters, l'un des membres fon­da­teurs des Pink Floyd, s'est produit samedi 21 sep­tembre au Stade de France, der­nière étape de la tournée de son opéra rock « The Wall » (le mur). Mais alors que la plupart des stars se gardent bien d'exprimer leurs opi­nions poli­tiques, de peur de trop seg­menter leur public, le gui­ta­riste des Pink Floyd est l'un des membres les plus actifs de la cam­pagne BDS, pour « Boycott, Dés­in­ves­tis­sement, Sanctions ».

Lancé en 2005 par la société civile pales­ti­nienne, le groupe milite pour un boycott écono­mique et culturel d'Israël en s'inspirant de celui lancé par les Nations Unies en Afrique du Sud dans les années 80 et qui avait contribuéà fin de l'apartheid. Sont appelés àêtre boy­cottés, selon le site internet du BDS"les événe­ments culturels en dehors d'Israël s'ils sont financés ou sou­tenus par une agence gou­ver­ne­mentale israé­lienne (ministère, ambassade, consulat), ou expli­ci­tement sio­nistes". Les mili­tants et les citoyens sont eux "encou­ragés à convaincre les artistes de leur pays de ne pas par­ti­ciper aux événe­ments culturels se déroulant en Israël et si pos­sible de rendre leur décision publique."

Porté par une star à l'entregent important comme Roger Waters, le mou­vement prend peu à peu de l'ampleur. Steevie Wonder qui devait par­ti­ciper en décembre dernier à un gala en Cali­fornie pour col­lecter des fonds pour l'armée israé­lienne y a fina­lement renoncé, après s'être laissé convaincre par le gui­ta­riste des Pink Floyd. Le 18 août, celui-​​ci a même fait cir­culer une lettre à"ses amis du rock'n'roll" leur demandant de ne pas se pro­duire dans l'Etat hébreu. Des musi­ciens comme le groupe amé­ricain The Killers ou encore le malien Salif Keïta ont, ces der­niers mois, décom­mandé leur show prévu en Israël. Mais pas la chan­teuse Alicia Keys dont le concert prévu en juillet à Tel Aviv a été maintenu malgré les efforts des mili­tants du BDS. "Nous savions qu'Alicia Keys apprécie beaucoup la mili­tante des droits civiques Angela Davis, explique ainsi Frank Barat, l'un des membres de la section fran­çaise du BDS. Nous avons donc demandéà cette der­nière d'essayer de la convaincre. Mais cela n'a pas marché".

Le boycott culturel d'Israël est loin d'être consensuel, surtout en France où de nom­breuses voix se sont élevées pour dénoncer les appels du BDS. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 1er novembre 2010, un groupe d'artistes, d'intellectuels et d'hommes poli­tiques français s'indignaient : « Céder à l'appel du boycott, rendre impos­sibles les échanges, écrivaient-​​ils, infliger aux cher­cheurs israé­liens, par exemple, ou aux écri­vains on ne sait quelle punition col­lective, c'est aban­donner toute pers­pective de solution poli­tique au conflit et signifier que la négo­ciation n'est plus dans le champ du pos­sible ». Le texte est signé par Yvan Attal, Bernard Henri Lévy et même… François Hol­lande alors Premier secré­taire du PS.

Mais les défen­seurs du boycott culturel y voient jus­tement un moyen d'action dif­férent alors que les négo­cia­tions entre Israé­liens et Pales­ti­niens pié­tinent. 20 ans après les accords d'Oslo, le constat est, il est vrai, acca­blant : la colo­ni­sation s'est déve­loppée en Cis­jor­danie à tel point qu'il est désormais dif­ficile d'imaginer la création d'un Etat pales­tinien viable. Résultat : le fossé se creuse entre la réalité sur le terrain et les dis­cours. Comme en juillet dernier quand, quelques jours seulement après l'annonce de la reprise des négo­cia­tions entre Israé­liens et Pales­ti­niens, le premier ministre israélien Benyamin Neta­nyahou annonçait la construction de nou­veaux loge­ments dans les colonies.

« Le mou­vement de boycott-​​désinvestissement-​​sanction (BDS) repré­sente la réponse de la société civile à l'impuissance de la com­mu­nauté inter­na­tionale et pose une simple question : Israël se retirera-​​t-​​il des ter­ri­toires occupés s'il n'y a aucune pression, aucune sanction ? La réponse, pour tout obser­vateur de bonne foi, est non » ana­lysait le jour­na­liste du Monde diplo­ma­tique Alain Gresh dans un post sur son blog en réponse à l'appel publié dans Le Monde.

"En Israël où la colo­ni­sation est devenue banale, le boycott culturel est aussi un moyen efficace pour sen­si­bi­liser les jeunes Israé­liens. Lorsqu'un fan de Gorillaz ou de Massive Attack - deux groupes qui refusent de jouer en Israël - apprend que son groupe préféré ne viendra pas chanter dans son pays pour des raisons poli­tiques, cela peut lui faire prendre conscience que quelque chose ne tourne pas rond en Israël » estime Frank Barat.

C'est aussi, pour ses pro­mo­teurs, une façon de contrer les efforts de l'Etat israélien pour amé­liorer son image sur la scène inter­na­tionale. En 2005, celui-​​ci a ainsi lancé avec l'aide d'une agence de mar­keting amé­ri­caine une vaste cam­pagne de com­mu­ni­cation appelée "Brand Israel" la "marque Israël". La culture y est par­ti­cu­liè­rement ciblée. Le ministère des Affaires étran­gères propose ainsi aux artistes israé­liens sou­haitant se pro­duire à l'étranger de les aider à financer leur voyage… en échange de pres­ta­tions. Depuis 2008, celui-​​ci leur fait ainsi signer des contrats très expli­cites où, en échange du finan­cement de leur billet d'avion et des frais sur place, les artistes s'engagent à« pro­mouvoir les intérêts poli­tiques de l'Etat d'Israël à travers la culture et les arts, ce qui inclut de contribuer à créer une image positive d'Israël. »

Cer­tains Israé­liens, issus de la gauche, com­mencent à consi­dérer le boycott comme un mal néces­saire, un élec­trochoc dou­loureux, mais sal­vateur pour le pays. C'est le cas d'Idith Zertal, une his­to­rienne israé­lienne que nous avons récemment inter­viewée : « comme Israël a perdu la raison et se dirige vers le gouffre, comme il est en train de devenir un Etat d'Apartheid, je me dis que, peut-​​être, un boycott pourrait être la seule solution pour rendre la raison à ce pays. L'Europe doit aussi prendre ses res­pon­sa­bi­lités. Elle ne les prend pas parce qu'elle a peur d'être accusée d'antisémitisme. Et parce qu'il y a ce sen­timent de culpa­bilité col­lective. Alors oui, il y a une part de moi qui vou­drait qu'on nous boy­cotte. Si les Israé­liens sont cer­tains qu'ils ne peuvent compter que sur eux-​​mêmes, il est jus­tement grand temps que le monde nous aide à nous sauver de nous-​​mêmes ».

Reste que le boycott culturel pose question. On peut lui reprocher de dresser un mur entre les Israé­liens et le reste du monde. Et de rendre encore plus dif­ficile les échanges. Au risque même d'instaurer un dia­logue de sourd. Le show de Roger Waters à Berlin a ainsi été lui-​​même boy­cotté par cer­taines com­mu­nautés juives allemandes.

Publié par La Vie​.fr


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