Stéphane Hessel - Paris - avril 2010
Au XIXe siècle, les photographes qui arrivent en Palestine, sont à la recherche d'images déjà conçues dans leur esprit : un Orient vu et représenté par un Occident à la fois avide d'exotisme et chargé de présupposé religieux.
Aujourd'hui, l'engouement pour les photographies anciennes est universel. Il ne s'agit pas seulement d'un commerce de la nostalgie, mais bien de la nécessité de vérifier par l'image la trace des bouleversements survenus en un siècle. Ici, certainement encore plus qu'ailleurs, les changements sont plus importants qu'ils ne le furent durant les vingt siècles précédents. Depuis, la création de l'Etat d'Israël d'abord, puis les confiscations des biens et des terres, les destructions de maisons, la création de véritable bantoustans et finalement l'annexion de Jérusalem, ont non seulement considérablement marqué le paysage, mais aussi causé des dommages à la société palestinienne toute entière. Il est de notre devoir de regarder pour comprendre et ainsi préparer l'avenir dans le respect de tous. La photographie apporte sa pierre à la connaissance de la Palestine avant la présence militaire, les contrôles policiers, les check-points et le Mur de séparation.
Loin de l'attrait pour l'esthétique des ruines chères aux romantiques, les photographies de Serge cèdent la place à une démarche plus contemporaine qui s'intéresse d'abord aux habitants qui aujourd'hui en constituent le pays. La comparaison des photographies des deux époques et leur intime alliage met en évidence la continuité historique, sociale et politique de la Palestine. Les recherches de Danielle et Serge ne sont plus ni religieuses, ni ethniques, mais se présentent comme l'exploration résolue du caractère du pays et de l'intelligence de son peuple. Comment garder trace de Deir Yassin ou d'Abou Samwil ? Que reste-t-il d'Endor, de Sunam, de Saffuriyah ? La liste est longue des villages tragiquement rayés de la carte. Dans les paysages taillés par les bulldozers, on devine à peine, sous leurs douloureuses cicatrices, les douces collines du Pays. Elles ont fait place aux routes de contournement et à un insolent amoncellement de colonies qu'accompagne une cynique restriction de se déplacer.
Depuis un siècle en passant par 1948, 1967 et jusqu'à nos jours, la légendaire hospitalité orientale fut mise à mal par un occident aveugle qui, certes, avait beaucoup à se faire pardonner, mais répare-t-on une injustice par une autre ? La difficulté de gagner sa vie, de se loger, de circuler, conduit à des situations grotesques et douloureuses que seule la patience ou l'humour des palestiniens sont capables de surmonter. Comment soutenir l'espoir, contenir la rage et la souffrance, éviter la désespérance ?
Pour convaincre politiciens et prophètes de mauvais augure et préparer un avenir d'humanité, des deux côtés, de courageux artistes, cinéastes, dessinateurs, peintres ou encore musiciens, poètes, écrivains s'engagent. Depuis des décennies, Danielle et Serge sont de ceux-là.
Ils en ont parlé :
http://www.alquds.com/news/article/...
http://www.ebaf.edu/?cat=95&lang=fr