
Depuis le 7 octobre 2023, l'attaque sans précédent contre Israël par des mouvements de la résistance armée à Gaza, toute la Palestine est dans le viseur de l'occupant, les camps de réfugiés tout particulièrement.
Photo : Camp de réfugiés à Rafah © Shadi al-Tabatiby
Les camps de réfugiés palestiniens sont des lieux surpeuplés, généralement insalubres, où le chômage et la pauvreté sont élevés. L'Unrwa, (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine), tente d'y pallier depuis 1949, date de sa création. Elle est aujourd'hui frappée de plein fouet dans son fonctionnement et sa survie par le récent vote honteux du parlement israélien lui interdisant toute activité en lien avec Israël.
La population des camps est majoritairement très jeune et se mobilise régulièrement contre les colons qui commettent des exactions en Cisjordanie occupée et l'armée d'occupation qui les protège et mène des incursions militaires. Si les villes et villages palestiniens étaient relativement protégés de la brutalité de l'occupant, les camps sont la première cible de la violence coloniale mais aussi l'expression de la résistance.
« Depuis 1948, la Nakba, les camps constituent une source primordiale de recrutement pour le mouvement de libération palestinien. Une multitude de groupes palestiniens armés et d'organisations de la société civile y ont vu le jour et s'y sont développés. » [1]
Depuis 1967, l'occupation par Israël de la Cisjordanie – dont Jérusalem-Est – et de la bande de Gaza, ce sont bien les camps de réfugiés qui ont tenu le flambeau de la résistance et en ont payé le prix, très lourd. Ainsi la première Intifada a commencé dans le camp de Jabaliya, à Gaza en 1987. La riposte israélienne au soulèvement populaire des Palestiniens, surtout les jeunes, a été meurtrière. Alors qu'émergeait le Hamas, avec la bienveillance d'Israël, les affrontements durèrent six ans et firent 1 100 à 2 000 morts chez les Palestiniens et 200 à 300 chez les Israéliens.
La deuxième Intifada a vu l'attaque israélienne massive contre le camp de Jénine dans le nord lors de l'invasion de la Cisjordanie par les chars israéliens en 2002. Les destructions commises par les hélicoptères, les chars et les troupes qui ont donné l'assaut étaient impressionnantes, les morts se comptant par dizaines2 [2]. Les attaques contre le camp se sont répétées de multiples fois depuis.
Dans la bande de Gaza soumise à un véritable génocide (plus de 48 000 morts, selon un décompte a minima, environ 115 000 blessés, des milliers de disparus), Jabaliya, le camp le plus peuplé, au nord, est aujourd'hui un champ de ruines, l'armée d'occupation s'étant acharnée pendant des semaines contre la population et les infrastructures (économiques, sociales, culturelles, de culte, de santé et d'éducation). Sans eau, nourriture ou médicaments, des centaines de milliers de personnes y ont subi un siège génocidaire mené depuis septembre 2024 par la 162e division, appuyée par des chars et des drones. La population civile a été déplacée de multiples fois sans trouver d'abri nulle part. [3]
Le camp de Rafah au sud a subi des bombardements quotidiens pendant plus d'un an. Le 14 mai, à Deir Al-Balah dans le centre de Gaza, des frappes israéliennes ont provoqué un incendie meurtrier dans la cour de l'hôpital Al-Aqsa qui abritait des déplacés gazaouis. Des Palestiniens furent brûlés vifs dans leur sommeil4 [4]. Puis le 26 mai, « l'armée israélienne a tué 49 Palestiniens dans des frappes aériennes sur un camp de déplacés à Tal al-Sultan, à Rafah. Deux jours plus tard, au moins 21 Palestiniens ont été tués et 64 autres blessés après un bombardement israélien sur un camp de déplacés à Al-Mawasi, à l'ouest de Rafah. » [5] En octobre 2024, c'est le camp de Nusseirat qui fut bombardé puis celui de Khan Younis…
Ces massacres ont eu lieu alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné le 24 mai à Israël d'arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah, en application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Après l'accord de trêve conclu le 19 janvier 2025 entre le Hamas et ses alliés et Israël, qui a permis des échanges d'otages, les bombardements ont cessé avant de reprendre de manière sporadique fin février. L'armée d'occupation s'est retirée du centre de Gaza, permettant ainsi à la population de revenir au Nord, par centaines de milliers. Dans les camps et villes dévastés, les familles tentent de retrouver un semblant de vie, sous des tentes ou dans les ruines de leurs foyers, mais les nouvelles décisions israéliennes les frappent de plein fouet : arrêt total de l'aide humanitaire, coupure de l'électricité…
Alors qu'un plan arabe alternatif au projet fou et criminel de Trump de vider Gaza et de s'en emparer a été adopté le 8 mars, la guerre recommence. Dans leur course en avant criminelle, Trump et Netanyahou ont promis l'enfer à Gaza.
En Cisjordanie, une guerre qui ne dit pas son nom
« Invasions d'une violence exacerbée, tirs de drones, infrastructures éventrées, fouilles et arrestations multiples : depuis le 7 octobre 2023, la Cisjordanie occupée – et particulièrement ses camps de réfugiés – vit tétanisée par un déferlement de drames divers et de deuils quotidiens. »
En parallèle de son invasion sanglante menée à Gaza, l'armée israélienne entend réprimer coûte que coûte une nouvelle génération de combattants palestiniens. Au risque d'enflammer cet état de « guerre ordinaire » qu'elle prétend contenir [6] Les camps de Jenine, Tulkarem, Tubas, Jalazone, Balata près de Naplouse et d'autres encore sont ainsi régulièrement la cible d'attaques israéliennes, de destructions et d'arrestations massives, d'assassinats.
Depuis le 21 janvier 2025, deux jours après le début de la trêve à Gaza à laquelle a dû se plier Netanyahou, une offensive militaire majeure cible les camps de réfugiés du nord de la Cisjordanie occupée. Les camps de Jenine, Nur Chams et Tulkarem, particulièrement visés, ont été vidés de leurs habitants, les bulldozers militaires ont détruit toutes les infrastructures, l'armée a bombardé et fait exploser des maisons, tout est dévasté, inhabitable.
L'objectif est clair et annoncé : les Palestiniens ne pourront pas rentrer chez eux. Les soldats se sont installés dans les maisons où ils paradent tout en détruisant et en désacralisant les biens personnels qui s'y trouvent. Ils ont ordre d'y rester au moins un an. Pour la première fois depuis la deuxième Intifada, les chars de l'armée d'occupation sont entrés dans les camps. La Nakba, jamais achevée, connaît une accélération dramatique.
Dans les camps, une génération nouvelle de résistants, certains affiliés à divers partis ou mouvements palestiniens, et de nouvelles formes de résistance émergent [7] : des jeunes prennent les armes pour combattre l'occupant, à l'exemple la Brigade de Jénine, créée en septembre 2021, celle de Nur Shams en 2022. L'objectif affiché de l'exécutif israélien est de les réduire à néant [8], et aussi de disperser les habitants des camps, voire d'en éliminer physiquement l'existence. Et par là d'effacer la question des réfugiés.
Le crime originel
La guerre qu'Israël mène contre les camps répond aux plans formulés par Smotrich, ministre de l'extrême-droite religieuse, d'étendre le plus possible les colonies alors que les colons attaquent les Palestiniens sur l'ensemble du territoire occupé, tuant, brûlant la terre et les biens, confisquant l'eau et les ressources. L'objectif réel est l'épuration ethnique de la Cisjordanie. Le feu vert donné par Trump à Netanyahou, en contrepartie de la trêve à Gaza, vise à mettre en place l'annexion pure et simple de la Cisjordanie.
Le droit au retour des réfugiés, garanti par le droit international, est depuis 1948 le chiffon rouge pour Israël et c'est pourquoi il cible systématiquement les camps de réfugiés et veut à tout prix se défaire de l'Unrwa. Les réfugiés, l'Unrwa, le droit au retour, c'est l'évidence de la responsabilité première d'Israël dans la situation catastrophique au Proche-Orient, c'est un rappel constant du crime originel, la Nakba, crime qu'Israël se refuse à admettre. Mais pour lequel il devra rendre des comptes, comme pour les constantes violations du droit international depuis, le nettoyage ethnique en Cisjordanie occupée et le génocide en cours à Gaza, reconnu comme tel par les Nations unies [9].
Claude Léostic
[1] Middle East Eye, « Une brève histoire des camps de réfugiés de Gaza »
[3] Human Rights Watch, Aucun lieu sûr. « Les autorités israéliennes sont responsables de déplacements forcés massifs et de destructions généralisées. »
[4] Le Parisien
[5] Médecins sans frontières, « Carnage dans le camp de Tal Al-Sultan »
[6] Mediapart : « Une guerre qui ne dit pas son nom. »
[7] Voir Bulletins Réfugiés AFPS n°19 : « Issue des camps de réfugiés, la nouvelle résistance armée » et n°22 : « Acharnement contre les camps en Cisjordanie ».
[8] Le Monde diplomatique, Manières de voir, Olivier Pironet :« La jeune génération prend les armes », mars 2024