Il est temps d'accepter officiellement la réalité : une puissance occupante nucléaire est à l'aise dans l'actuelle organisation des négociations.
La décision d'accepter la solution à deux Etats n'a pas été facile pour le peuple de Palestine. Notre déclaration d'indépendance de 1988–l'acceptation d'un Etat de Palestine dans les frontières de 1967- a été une immense et douloureuse concession en vue de l'établissement de la paix avec Israël. A ce jour, nous n'avons vu aucun compromis de ce genre du côté israélien – c'est en fait entièrement le contraire. Et malheureusement nous avons vu peu de chose en matière d'intervention internationale.
Le compromis historique palestinien n'a jamais eu son égal de la part d'aucun gouvernement israélien. Depuis 1967, la politique israélienne n'a été guidée que par un seul but : prendre le plus possible de terres palestiniennes avec le moins possible de Palestiniens, tout en rendant la vie si insupportable aux Palestiniens qu'ils soient directement ou indirectement forcés à partir. Ce processus de colonisation, un crime de guerre selon le droit international, est le plus important obstacle à la réalisation de la solution à deux Etats, une solution résultant du consensus international. Le gouvernement israélien est pleinement résolu à cette entreprise illégale, en rejetant de facto la solution à deux Etats.
Employant un discours creux vide de sens et une tactique destinée à faire diversion, le Premier Ministre Benjamin Netanyahu propose des négociations sans paramètres et détourne l'attention vers l'Iran. Ces déclarations dénuées de franchise continuent tandis que son cabinet est divisé entre ceux qui encouragent l'extension des colonies et ceux qui se joignent aux manifestations contre la libération de prisonniers palestiniens.
Nous sommes résolus à ne pas lâcher prise sur les détails du processus de négociations, mais je pense que ma démission révèle le manque de sérieux du côté israélien. Et cela n'a pas été une décision facile. Quand je rencontre des gens, je leur rappelle toujours que personne ne peut plus tirer parti de la paix que les Palestiniens –nous sommes après tout le peuple occupé.
Ma décision de quitter la table des négociations n'aurait pas été nécessaire en présence d'un partenaire israélien sérieux, quelqu'un qui ait été prêt et capable de prendre les décisions nécessaires pour préparer les Israéliens à un accord avec la Palestine sur un statut définitif. Nous avons mis Netanyahu au défi d'organiser un vote de son cabinet sur la fin de l'occupation qui a commencé en 1967 et sur l'acceptation d'un état palestinien souverain. L'incapacité de Netanyahu à soutenir la solution à deux états ne repose pas seulement sur son engagement idéologique envers la colonisation mais aussi sur le fait que, si son cabinet votait, il se prononcerait lui-même en faveur d'un régime d'apartheid à l'égard du peuple palestinien.
Vingt ans après la signature des Accords d'Oslo, l'attitude d'Israël n'a pas changé. Il est temps d'accepter officiellement la réalité : une puissance occupante nucléaire comme Israël est à l'aise dans l'actuelle organisation des négociations. Le gouvernement israélien n'est pas incitéà bouger, à cause de l'énorme disparité de puissance entre Israël et la Palestine et de la force du lobby israélien avec la majorité du Congrès des Etats-Unis qui appuie totalement la position israélienne.
La réussite des négociations de Genève sur la question iranienne et l'éventualité d'un succès sur la question syrienne, nous amènent à nous demander pourquoi il n'y a pas de négociations au sujet d'une conférence de Genève sur la Palestine. Nous devrions changer la situation bilatérale actuelle pour un cadre multilatéral où d'autres puissances, parmi lesquelles la Russie, la Chine, l'Union Européenne, l'Union des Nations d'Amérique du Sud et les BRICS devraient contribuer à une paix juste et durable pour Israël, la Palestine et le reste de la région.
Ce processus éprouvé signifierait l'internationalisation de la solution. La communauté internationale ne jouerait pas seulement le rôle de donateur, mais devrait être active dans la mise en oeuvre des résolutions sur Israël et la Palestine.
Pour atteindre un accord sur le statut définitif, les Israéliens et les Palestiniens doivent tous les deux être d'accord sur la fin de partie. Cela ne peut être refusé : cette exigence fondamentale de négociations manque. Un rôle actif international sous la forme d'une conférence internationale pourrait établir et mettre en oeuvre les besoins et les obligations en vue de la paix plutôt que de garantir l'impunitéà la partie la plus forte de telle façon qu'elle peut violer les accords en l'absence de tout mécanisme d'arbitrage.
Tout le monde sauf Israël a accepté la solution à deux Etats dans les frontières de 1967. Tous les blocs régionaux sont d'accord sur le fait que le fondement d'une stabilité régionale dépend de la fin de l'occupation israélienne. Mais aussi longtemps qu'Israël continuera à agir en toute impunité, il n'y aura aucun encouragement à accepter le cadre internationalement reconnu en vue de la paix.
Les politiques israéliennes sur le terrain continuent à rejeter le compromis palestinien historique. Ces politiques ont clairement pour but de saper les efforts du Secrétaire d'Etat des Etats-Unis John Kerry et de sonner le glas de la solution à deux états appuyée internationalement. Ce n'est plus un secret mais la position officielle exprimée par la majorité du gouvernement israélien.
En conclusion, il est demandéà Israël de décider s'il veut la solution à deux états dans les frontières de 1967. En même temps, le monde doit se rendre compte que les négociations bilatérales ne sont pas la réponse. Si le cadre multilatéral des négociations de Genève a fonctionné ailleurs, pourquoi pas pour la Palestine ?
Le Dr. Muhammad Shtayyeh est le ministre en charge du Conseil Economique Palestinien de Développement et de Reconstruction, est membre du Comité Central du Fatah et est un ancien négociateur dans les pourparlers avec Israël.
(traduit de l'anglais par Y. Jardin)
Publié par Haaretz http://www.haaretz.com/misc/writers...