L'AFPS s'est exprimée le 3 janvier, à travers un communiqué du Bureau national, sur Dieudonné, « l'imposteur raciste ».
Nous l'avons fait sans état d'âme car nous refusons de voir le mouvement de solidarité avec la Palestine associé de quelque façon que ce soit au petit commerce antisémite du personnage. Et parce que nous devons sans cesse dénoncer, comme ne nous le rappellent que trop les procès contre les militants du boycott citoyen, l'amalgame pervers entre « appel à la haine et à la discrimination » et action contre la politique de l'Etat d'Israël. Amalgame dans lequel Michelle Alliot-Marie avait pris, en toute connaissance de cause, une responsabilitéécœurante et délibérée en publiant sa directive de février 2010. Circulaire qui n'a toujours pas été abrogée malgré l'engagement de hautes personnalités, tels les regrettés Stéphane Hessel et Albert Jacquard.
Il est capital qu'aujourd'hui soit levée cette assimilation détestable et que nous soit (enfin !) donné acte du caractère caduc de la dite circulaire. Nous nous y employons, avec les organisations du Collectif national, et, directement, en mobilisant ONG, institutions et parlementaires. Nous ne lâcherons rien et continuerons donc d'affirmer la légitimité du boycott comme outil politique, au côté de l'ensemble de ceux que nous mettons en œuvre.
Mais au-delà de ce combat, nous avons des raisons d'être inquiets de l'utilisation, pour ne pas dire de l'instrumentalisation, du phénomène Dieudonné dans certaines sphères gouvernementales.
Quand on voit Manuel Valls adresser aux Préfets une circulaire appelant à des interdictions préventives des « spectacles » Dieudonné, on doit se demander quel est le but recherché. Ce n'est certainement pas à coups de mesures administratives qu'on peut combattre le racisme, et ce n'est pas en entretenant l'amalgame entre racistes et militants du droit qu'on viendra à bout de ce fléau. Il y a là une inquiétante fuite en avant du ministre de l'intérieur lourde de menaces pour les libertés publiques.
L'AFPS a le souci constant de ne pas chercher à interférer dans la politique intérieure française, quel que soit le gouvernement en place, et de rester centrée sur son objet : la solidarité avec le peuple palestinien. Mais qui pourrait être dupe des manœuvres engagées par l'actuel ministre de l'intérieur qui a choisi la politique spectacle pour sa stratégie personnelle ? C'est sans hésitation qu'il joue les matamores et prend le risque, comme le dit le remarquable communiqué de la LDH, « de fédérer autour de Dieudonné une sympathie réactionnelle de ceux qui se considèrent, pour des raisons qui peuvent par ailleurs parfaitement se comprendre, opprimés, socialement ou politiquement ». Comme si peu importait de renforcer cet antisémitisme qu'on dit combattre. Comme si on pouvait sans dommages s'autoriser des arrangements avec les libertés publiques qui portent en germe tous les abus possibles.
Pour notre part, encore une fois, nous nous en tenons fermement au seul objet de notre association : la solidarité avec le peuple palestinien pour la réalisation de ses droits nationaux. Incontestablement, l'une de nos tâches premières est d'obtenir justice face aux attaques que mènent contre nous les zélateurs empressés de la politique israélienne et d'envoyer au plus vite à la poubelle la circulaire Alliot-Marie. Ce sera un pas en avant sérieux non seulement pour la liberté d'expression, mais aussi pour faire reculer des amalgames indignes d'une démocratie.
Jean-Paul Roche
Vice-Président de l'AFPS