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Boycotter les colonies israéliennes : un délit, un droit ou un devoir ?

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Israël est de plus en plus soumis à la menace d'un boycott européen des pro­duits issus des colonies illé­gales éta­blies sur des ter­ri­toires pales­ti­niens. Plu­sieurs cam­pagnes viennent d'être lancées par des ONG, mais aux yeux du spé­cia­liste en droit inter­na­tional François Dubuisson, ce boycott est avant tout un devoir légal qui s'impose aux Etats. Pour Israël la menace est d'autant plus sérieuse qu'un boycott européen pourrait entraîner une perte directe de 4,2 mil­liards d'euros et de 10000 emplois.

Pro­fesseur de droit inter­na­tional à l'ULB, François Dubuisson a réalisé un rapport docu­menté de 75 pages sur les obli­ga­tions de l'Union euro­péenne dans les colonies israé­liennes. Selon le pro­fesseur, l'Union (et donc chacun des 28 Etats membres) ne peut entre­tenir de rela­tions éco­no­miques et com­mer­ciale avec des colonies ins­tallées dans un pays occupé. Pour lui, ce n'est pas une question de choix poli­tique, mais plus sim­plement de droit.

Colonies illégales

Sur les ondes de ‘Soir Pre­mière', il a déclaré mer­credi qu'en droit inter­na­tional, les colonies israé­liennes sont illé­gales. "Il y a dans ces colonies, des sociétés qui empêchent d'ailleurs le déve­lop­pement de l'économie pales­ti­nienne. Il découle de cette illé­galité des obli­ga­tions inter­na­tio­nales pour les Etats tiers." Parmi ces obli­ga­tions figurent celle de "faire res­pecter le droit inter­na­tional qui a été violé" et de "ne prêter aucune aide ou assis­tance au maintien de la situation illégale."

Pour François Dubuisson, c'est un point qui fait aujourd'hui consensus : "Cela fait l'objet de nom­breuses réso­lu­tions du Conseil de sécurité des Nation Unies et d'un avis de la Cours de Justice. De nom­breux pays, dont l'Union Euro­péenne, consi­dèrent que la colo­ni­sation est illégale. Israël est le seul Etat à consi­dérer que la colo­ni­sation n'est pas illégale."

Les frontières de 1967 comme ligne de référence

Pour le juriste, les fron­tières de 1967 consti­tuent la ligne de réfé­rence pour l'établissement d'un Etat pales­tinien. "Il existe un accord autour des déci­sions du Conseil de Sécurité pour dire qu'il s'agit bien d'une ligne de réfé­rence pour déter­miner qu'il s'agit de ter­ri­toires occupés. Et la 4ème convention de Genève estime que l'installation de popu­lation par l'autorité occu­pante dans ces colonies est interdite. "

Sous cet angle, le finan­cement d'activités orga­nisées par les colonies ou l'importation de leurs pro­duits "sont frappés d'illégalité." Sa conclusion est que le droit inter­na­tional fait obli­gation aux Etats de "faire cesser le com­merce avec les colonies." La récente concré­ti­sation de cette obli­gation est que depuis le 1er janvier, l'Union euro­péenne a bloqué les sub­ven­tions et les finan­ce­ments aux entre­prises israé­liennes opérant au-​​​​delà des fron­tières de 1967,

Qui doit intervenir, l'Etat ou le citoyen ?

Un res­sor­tissant belgo-​​palestinien a introduit un recours devant un tri­bunal pour faire interdire l'importation de tels pro­duits. Mais, constate François Dubuisson, "Il est souvent dif­ficile de mettre en appli­cation le droit inter­na­tional devant des juri­dic­tions natio­nales". Le juriste table davantage sur la prise de conscience des Etats et notamment des ins­ti­tu­tions euro­péennes face à cette pro­blé­ma­tique. Dans une série de cas, des Etats sont inter­venus auprès de sociétés natio­nales pour leur dire qu'elles ne peuvent pas inter­venir dans les colonies. "Cela s'est fait aux Pays-​​Bas, Au Royaume-​​Uni et en Suède notamment."

Mais le pro­fesseur pense qu'il faut faire un pas sup­plé­men­taire en inter­disant le com­merce de pro­duits avec les colonies. Du moins dans des cas évi­dents : "Tout dépend ici de la connexité entre les acti­vités. Ce pourrait être le cas d'une banque qui finance des colonies en leur accordant des crédits comme ce fut le cas de Dexia Israël, filiale de la banque belge. Tout récemment, un fonds de pension luxem­bour­geois a fait sortir de son por­te­feuille cinq banques israé­liennes en raison de leur finan­cement des colonies."

Deux campagnes de Boycott très différentes

C'est dans ce contexte que se sont déve­loppées deux cam­pagnes aux moda­lités très différentes.

La pre­mière est celle du CNCD (Le Centre national de coopé­ration au déve­lop­pement) notamment connu pour son opé­ration 11.11.11. Sa cam­pagne ‘Made in illé­gality' vise à"faire cesser immé­dia­tement tout échange éco­no­mique et com­mercial avec les colonies israé­liennes. Cette cam­pagne regroupe une ving­taine d'organisations (de défense des droits de l'homme, de déve­lop­pement, de paix et de syn­dicats) et veut faire pression sur la Bel­gique et à l'UE. Gaëlle Duse­pulchre repré­sente la FIDH (Fédé­ration inter­na­tionale des ligues des droits de l'homme) auprès de l'Union euro­péenne a déclaré que cette cam­pagne "a le mérite de reposer sur des fon­de­ments juri­dique incon­tes­tables. Nous pensons qu'il est temps de mettre les ins­ti­tu­tions euro­péennes face à leur res­pon­sa­bilité. Les pro­duits des colonies sont le fruit d'un certain nombre de vio­la­tions des droits de l'homme suite à l'accaparement des terres, au contrôle des res­sources natu­relles et des res­sources en eau. En entre­tenant l'économie des colonies, on contribue au maintien de la vio­lation des droits de l'homme."

La cam­pagne va à présent pro­fiter de la période élec­torale pour mettre ce sujet à l'ordre du jour. En revanche, le CNCD ne s'associe pas à la seconde cam­pagne du mou­vement BDS (Boycott, Dés­in­ves­tis­se­ments Sanc­tions) qui prône le boycott de tout produit pro­venant d'Israël. En France oùBDS est par­ti­cu­liè­rement actif, le site France​-Palestine​.org évoque l'avis d'un diplomate pales­tinien qui, sous couvert d'anonymat, a déclaré que "des res­pon­sables pales­ti­niens pour­raient envi­sager le boycott de tout ce qui est lié aux colonies israéliennes."

François Dubuisson fait lui aussi une dif­fé­rence entre le CNCD qui rap­pelle aux Etats leurs obli­ga­tions et l'initiative de BDS issue de la société civile -d'origine palestinienne-​​ qui en appelle aux citoyens. En France, des déci­sions de justice ont tantôt condamné, tantôt relaxé des membres de BDS au titre de la liberté d'expression. "On peut penser ce qu'on veut du mou­vement BDS, mais sur le plan du principe, cela relève de la liberté d'expression. Cela ne devrait pas être condamné sur le plan pénal. Sur le plan moral et éthique, chacun peut en penser ce qu'il veut".

L'appel au boycott n'est d'ailleurs par pour lui un acte rare : "On a déjàévoqué le boycott de la Russie ou de l'Ouganda en raisons de lois contre les homo­sexuels. Et bien avant cela contre l'Afrique du Sud. "

Israël inquiet d'un possible boycott européen

Depuis janvier, Israël craint de plus en plus un boycott européen. L'évolution des négo­cia­tions avec l'autorité pales­ti­nienne sont l'une des clés du débat. Une mau­vaise volonté de l'Etat hébreu pourrait coûter cher à son éco­nomie, notamment dans le secteur des nou­velles tech­no­logies. Mais la droite radicale et les par­tisans de la colo­ni­sation expliquent déjà qu'Israël "peut résister à tout", y compris à un boycott. Le risque n'est pourtant pas théo­rique : l'Union Euro­péenne est le deuxième débouché d'Israël.

Scarlett Johansson et la crise du Moyen-​​Orient

Une consé­quence très "people" de ce boytott à valu de nom­breux articles à la star amé­ri­caine Scarlett Johansson. Ambas­sa­drice pour l'ONG bri­tan­nique Oxfam, l'actrice était aussi sous contrat avec l'entreprise SodaS­tream, une société israé­lienne dont la prin­cipale usine est ins­tallée en ter­ri­toire pales­tinien occupé. Ce qui a entraîné sa démission immé­diate de son poste d'ambassadrice qu'elle occupait depuis 8 ans.

Publié par RTBF


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