Quantcast
Channel: Association France Palestine Solidarité
Viewing all articles
Browse latest Browse all 26548

En un mot : Pouf !

$
0
0

“Pouf” est le bruit que fait l'air sortant d'un ballon. C'est une bonne expression, parce que le “pro­cessus de paix” n'était depuis le départ rien de plus qu'un ballon rempli d'air chaud. Un exercice de simulation.

PAUVREJOHN Kerry. Il a émis cette semaine un son plus expressif que des pages de ver­biage diplomatique.

Au cours de sa dépo­sition devant la Com­mission des Affaires étran­gères du Sénat, il a expliqué comment les actions du gou­ver­nement israélien avaient tor­pillé le “pro­cessus de paix”. Les Israé­liens ont rompu leur enga­gement de libérer des pri­son­niers pales­ti­niens, et dans le même temps annoncé l'agrandissement d'un plus grand nombre de colonies à Jéru­salem Est. Les efforts de paix on fait “pouf”.

“Pouf” est le bruit que fait l'air sortant d'un ballon. C'est une bonne expression, parce que le “pro­cessus de paix” n'était depuis le départ rien de plus qu'un ballon rempli d'air chaud. Un exercice de simulation.

ONNEPEUT pas en faire porter la res­pon­sa­bilitéà John Kerry. Il a pris toute la chose au sérieux. C'est un homme poli­tique sérieux, qui a fait tous les efforts pos­sibles pour réa­liser la paix entre Israël et la Palestine. Nous devrions lui être recon­nais­sants de ses efforts.

L'ennui c'est que Kerry n'avait pas la moindre idée de ce dans quoi il mettait les pieds.

L'ensemble du “pro­cessus de paix” repose sur un mal­en­tendu fon­da­mental. D'aucuns diraient : un men­songe fondamental.

C'est-à-dire que nous nous trouvons en face de deux parties égales dans un conflit. Un conflit sérieux. Un vieux conflit. Mais un conflit qui peut trouver une solution si des gens rai­son­nables des deux parties s'asseyent ensemble autour d'une table pour en débattre, sous la conduite d'un arbitre bien­veillant et impartial.

Pas une seule de ces hypo­thèses n'était vraiment réa­lisée. L'arbitre n'était pas impartial. Les diri­geants n'étaient pas rai­son­nables. Et, plus important, les deux parties n'étaient pas àégalité.

L'équilibre des pou­voirs entre les deux parties n'est pas de 1 contre 1, même pas de 1 contre 2 ou 1 contre 10. Dans chaque dimension concrète – mili­taire, diplo­ma­tique, éco­no­mique – c'est plutôt du genre un contre mille.

Il n'y a pas d'égalité entre un occupant et un occupé, un oppresseur et un opprimé. Un geôlier et un pri­sonnier ne peuvent pas négocier àégalité. Lorsque l'une des parties exerce un pouvoir absolu sur l'autre, contrôle chacun de ses dépla­ce­ments, est ins­tallée sur sa terre, contrôle ses flux finan­ciers, arrête les gens à son gré, bloque son accès aux Nations unies et aux tri­bunaux inter­na­tionaux, il n'est pas question d'égalité.

Si les deux parties aux négo­cia­tions sont à ce point en position inégale, le seul moyen de remédier à la situation est le soutien du médiateur à la partie la plus faible. C'est exac­tement le contraire qui se passe : le soutien amé­ricain à Israël est massif et sans limite.

Au cours des “négo­cia­tions” les États-​​Unis n'ont rien fait pour arrêter l'activité de colo­ni­sation qui a créé de plus en plus de faits accomplis sur le terrain – le terrain même dont l'avenir était tout l'objet des négociations.

UNECONDITIONPRÉA­LABLEà des négo­cia­tions fruc­tueuses est que toutes les parties aient au moins une com­pré­hension élé­men­taire non seulement des intérêts et des exi­gences de l'autre, mais plus encore de l'univers mental de chacun des autres, de leur situation et de la repré­sen­tation qu'ils se font d'eux-mêmes. A défaut, toute manœuvre est inex­pli­cable et semble irrationnelle.

Boutros Boutros-​​Ghali, l'une des per­sonnes les plus intel­li­gentes qu'il m'ait été donné de ren­contrer, m'a dit un jour : “Vous avez en Israël les experts les plus intel­li­gents sur le monde arabe. Ils ont lu tous les livres, tous les articles, le moindre mot écrit à son sujet. Ils savent tout et ne com­prennent rien. Parce qu'ils n'ont jamais vécu un seul jour dans un pays arabe.

Cela est vrai aussi des experts amé­ri­cains, mais à un degré très supé­rieur. À Washington DC on respire l'air raréfié d'un sommet hima­layen. Vu des palais pompeux de l'administration, dans les­quels se décide le sort du monde, les peuples étrangers paraissent petits, pri­mitifs et dépourvus d'intérêt. Ici et là se cachent quelques vrais experts, mais en réalité per­sonne ne les consulte.

L'homme d'État amé­ricain moyen n'a pas la moindre idée de l'histoire, de la vision du monde, des reli­gions et des mythes arabes ni des trau­ma­tismes qui déter­minent les com­por­te­ments arabes, sans parler de la lutte pales­ti­nienne. Il ne sup­porte pas ces aber­ra­tions primaires.

LA com­pré­hension amé­ri­caine d'Israël est appa­remment bien meilleure. Mais pas réellement.

La moyenne des hommes poli­tiques et des diplo­mates amé­ri­cains en connaissent un rayon sur les Juifs. Beaucoup d'entre eux sont juifs. Il sem­blerait que Kerry lui-​​même ait des racines juives. Son équipe de paix com­prend de nom­breux Juifs, même des sio­nistes, dont le res­pon­sable actuel des négo­cia­tions, Martin Indyk, qui a tra­vaillé dans le passé pour l'AIPAC. Sont nom lui-​​même est Yiddish (et signifie dindon).

On suppose que les Israé­liens ne sont pas très dif­fé­rents des Juifs amé­ri­cains. Mais c'est tota­lement faux. Israël peut bien se pro­clamer “l'État-Nation du Peuple Juif”, mais ce n'est qu'un ins­trument pour exploiter la dia­spora juive et mettre des obs­tacles au “pro­cessus de paix”. En réalité il y a très peu de res­sem­blance entre les Israé­liens et la dia­spora juive, guère plus qu'entre un Allemand et un Japonais.

Martin Indyk peut bien éprouver des affi­nités avec Tzipi Livni, la fille d'un com­battant de l'Irgoun (ou d'un “ter­ro­riste” selon les Bri­tan­niques), mais c'est une illusion. Les mythes et les trau­ma­tismes qui ont formé Tzipi sont très dif­fé­rents de ceux qui ont formé Martin, éduqué en Australie.

Si Barack Obama et Kerry en savaient davantage, ils auraient pris conscience depuis le début que la situation poli­tique israé­lienne actuelle rend tout à fait impos­sible toute éva­cuation israé­lienne des colonies, tout retrait de la Cis­jor­danie et tout com­promis sur Jérusalem.

TOUTCELA est vrai pour la partie palestinienne, aussi.

Les Pales­ti­niens ont la conviction de connaître Israël. Après tout, ils sont sous occu­pation israé­lienne depuis des décennies. Beaucoup ont passé des années dans les prisons israé­liennes et s'expriment par­fai­tement en hébreu. Mais ils ont commis des erreurs dans leurs rela­tions avec les Israéliens.

La der­nière était de croire qu'Israël libé­rerait le qua­trième contingent de pri­son­niers. Cela était presque impos­sible. Tous les médias israé­liens, y compris les modérés, parlent de la libé­ration de “meur­triers pales­ti­niens”, pas de mili­tants ou de com­bat­tants pales­ti­niens. Les partis de droite riva­lisent entre eux, et avec les “vic­times de la terreur”à droite, pour dénoncer ce scandale.

Les Israé­liens ne com­prennent pas la pro­fondeur des émo­tions pro­duites par la non-​​libération des pri­son­niers – les héros nationaux du peuple pales­tinien, bien qu'Israël lui-​​même ait échangé dans le passé un millier de pri­son­niers arabes contre un seul Israélien, citant le com­man­dement reli­gieux juif de “rachat des prisonniers”.

On a dit que les Israé­liens vendent tou­jours une “concession” trois fois : une fois lors de sa pro­messe, une fois en signant un accord officiel à son sujet et une troi­sième fois lors de la tenue effective de l'engagement. C'est ce qui s'est produit lorsque le temps était venu d'effectuer le troi­sième retrait de Cis­jor­danie prévu dans les Accords d'Oslo, retrait qui ne s'est jamais effectué.

Les Pales­ti­niens ne savent rien de l'histoire juive telle qu'elle est enseignée dans les écoles israé­liennes, très peu de choses sur l'Holocauste, et encore moins sur les racines du sionisme.

LESNÉGO­CIA­TIONSRÉCENTES ont débuté en tant que “pour­parlers de paix”, se sont pour­suivies sur un “cadre” pour la pour­suite de négo­cia­tions et main­tenant les pour­parlers ont dégénéré en pour­parlers à propos de pour­parlers à propos de pourparlers.

Per­sonne n'a envie de mettre fin à la farce, parce que les trois parties ont peur de l'alternative.

La partie amé­ri­caine a peur d'une attaque générale du bull­dozer siono-​​évangélico-​​républicano-​​Adelsonien sur l'administration Obama lors des pro­chaines élec­tions. Déjà le Dépar­tement d'État tente fré­né­ti­quement de prendre ses dis­tances avec le “pouf” de Kerry. Il n'a pas voulu dire qu'Israël était le seul à blâmer, fait-​​il valoir, la faute incombe aux deux parties. Le geôlier et le pri­sonnier sont éga­lement blâmables.

Comme d'habitude, le gou­ver­nement israélien nourrit de nom­breuses craintes. Il craint l'explosion d'une troi­sième intifada, doublée d'une cam­pagne mon­diale de délé­gi­ti­mation et de boycott d'Israël, par­ti­cu­liè­rement en Europe.

Il craint aussi que les Nations unies, qui recon­naissent actuel­lement la Palestine seulement comme État non-​​membre, conti­nuent de rechercher de plus en plus l'amélioration de ce statut.

La direction pales­ti­nienne, elle aussi, a peur d'une troi­sième intifada qui pourrait conduire à un sou­lè­vement san­glant. Bien que tous les Pales­ti­niens parlent d'une “intifada non-​​violente”, bien peu y croient vraiment. Ils se sou­viennent que la der­nière intifada aussi avait démarré de façon non-​​violente, mais que l'armée israé­lienne avait réagi en déployant des snipers pour tuer les meneurs des mani­fes­ta­tions, et une recru­des­cence des attentats-​​suicides était devenue inévitable.

Le pré­sident Mahmoud Abbas (Abou Mazen) a réagi à la non-​​libération des pri­son­niers, qui consti­tuait une humi­liation per­son­nelle, par la signature des docu­ments néces­saires pour la par­ti­ci­pation l'État Pales­tinien à15 conven­tions inter­na­tio­nales. Le gou­ver­nement israélien a explosé de colère. Comment osent-​​ils ?

En pra­tique, cet acte a peu de signi­fi­cation. L'une des signa­tures signifie que la Palestine adhère à la Convention de Genève, une autre concerne la pro­tection des enfants. Ne devrions-​​nous pas nous en féli­citer ? Mais le gou­ver­nement israélien craint que cela ne soit un pas de plus vers la recon­nais­sance de la Palestine comme membre de la Cour Pénale Inter­na­tionale, et vers l'inculpation d'Israéliens pour crimes de guerre.

Abbas prépare aussi des démarches de récon­ci­liation avec le Hamas et la tenue d'élections pales­ti­niennes, pour ren­forcer sa position intérieure.

SIVOUSétiez le pauvre John Kerry, que diriez-​​vous de tout cela ? “Pouf” semble vraiment le minimum.

Article écrit en hébreu et en anglais, publié sur le site de Gush Shalom le 12 avril 2014 – Traduit de l'anglais « In One Word : Poof ! » pour l'AFPS : FL


Viewing all articles
Browse latest Browse all 26548

Trending Articles