Pour l'instant, il n'y a aucune chance de réunir une majorité pour un accord équitable ; la voie vers l'Afrique du sud est ouverte.
L'exigence de reconnaissance d'un état juif par les Palestiniens n'est pas une coïncidence ; il ne faut pas la prendre à la légère. C'est le moyen d'exiger que les Palestiniens admettent leur défaite historique et reconnaissent le droit de propriété exclusive des Juifs sur le pays.
Aux yeux de la majorité au pouvoir il n'y a aucune différence entre les Arabes qui sont citoyens d'Israël et ceux qui sont résidents des territoires [occupés, ndlt] , car la citoyenneté est vue comme une fiction légale qui peut être annulée. De toutes façons, elle est inférieure à l'affiliation nationale. Selon cette approche, la nation est une création de l'histoire ou une création divine – d'autres diraient une création de la nature – alors que la citoyenneté est artificielle, produit d'une décision arbitraire.
Aux yeux de la droite, le peuple juif a gagné une victoire historique en occupant le pays au cours d'un processus qui a commencé avec la première Aliyah – la vague d'émigration de 1882à1903 – et qui a continué jusqu'à nos jours. Ses deux sommets ont été la guerre d'indépendance et la guerre des six jours, toutes deux parties de la même séquence de colonisation. En ce sens il n'y a pas de différence entre l'occupation de parties du pays avant et après 1949, tandis que la ligne verte n'a aucune signification à part d'être une ligne de cessez-le-feu temporaire.
La droite, avec tous ses sous-groupes, pense qu'elle exprime le consensus sioniste, et dans une grande mesure, elle a raison. Depuis le début, les différences d'opinion dans le mouvement nationaliste concernaient les moyens plutôt que la fin. Il y a eu une lutte pour le pouvoir entre le Mapaî – l'ancêtre du parti travailliste – et les Révisionnistes – ancêtres du Likoud, mais ce n'était pas sur l‘essence du nationalisme juif. Le mouvement travailliste ne reconnaissait pas lui non plus les droits nationaux des Palestiniens. Pour ses dirigeants et pour ses penseurs, le contrôle du pays par les Juifs était enchâsse dans l'histoire, et non dans le droit naturel du peuple àêtre son propre maître.
Selon eux, l'histoire passe avant les désirs, les besoins et les aspirations du peuple. Les valeurs humanistes n'étaient au cœur de la pensée du Mapai, et jusqu'à nos jours elles n'ont pas été absorbées par le parti travailliste.
Par conséquent, pour les dirigeants d'Israël, le mot « accord » signifie reddition inconditionnelle des Palestiniens. Pour que le droit exclusif des Juifs au territoire soit complet et reconnu, les Palestiniens doivent reconnaître leur infériorité. Cette perception est profondément ancrée dans la conscience israélienne et elle est partagée par la droite, le centre et le centre-gauche, les villes de la périphérie du pays et le Grand Tel Aviv, le parti travailliste et le Likoud. Ils rejettent tous le principe de l'égalité des droits pour les Arabes.
C'est pourquoi il est absurde d'attendre de l'armée qu'elle se conduise avec un minimum de moralité dans les territoires [occupés], tout comme il est difficile d'imaginer que la Cour suprême prenne une approche strictement égalitaire vis-à-vis des Juifs et des Palestiniens. Depuis le début du mouvement de colonisation, cette institution, qui est supposée servir de symbole du libéralisme et de la démocratie d'Israël, a agi comme l'armée, la police et le service de sécurité du Shin Bet, en bras de la règle d'Israël sur les territoires occupés.
Il n'y a donc aucune chance pour l'instant, de réunir une majorité pour un accord équitable. Même si le Likoud se divisait miraculeusement, dans un changement conduit par le premier ministre – qui essaierait de finir comme un de Gaule plutôt que comme un fils du Prof. Netanyahou – et si on trouvait la majorité requise, de larges fractions de la population ne le considéreraient pas comme légitime. Personne n'aurait le courage de mettre en œuvre cette nouvelle politique.
Donc, l'occupation continuera, les terres seront confisquées à leurs propriétaires pour étendre les colonies, la vallée du Jourdain sera nettoyée de ses Arabes, la Jérusalem arabe sera étranglée par les quartiers juifs, et tous les actes de vol et d'irresponsabilité qui servent l'expansion juive dans la ville seront accueillis à bras ouverts par la Haute cour de justice.
La voie vers l'Afrique du sud est ouverte et elle ne sera pas bloquée tant que le monde occidental ne présentera pas à Israël un choix sans équivoque : stopper l'annexion et démanteler la plupart des colonies et l'état colon, ou être un proscrit.
Ndlt : Zeev Sternhell est un historien et spécialiste en sciences politiques israélien, cofondateur du mouvement La paix maintenant.
Traduction AFPS/RP