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Autopsie américaine des discussions de paix : Israël les a tuées

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Des Amé­ri­cains impliqués dans l'initiative de Kerry ont accordé une interview dans laquelle ils accusent le gou­ver­nement de Neta­nyahou et exo­nèrent le diri­geant pales­tinien Abbas.

Nahum Barnea, du Yedioth Ahronoth, premier journal papier en Israël, a réalisé ven­dredi une longue interview [1] de fonc­tion­naires amé­ri­cains impliqués dans les dis­cus­sions de paix israélo-​​palestiniennes, dont l'identité n'a pas été dévoilée, et qui ont donné leur point de vue sur la raison de l'échec de celles-​​ci. L'interview est car­rément une bombe en même temps qu'un document historique.

La phrase des Amé­ri­cains qui fera sans doute le plus de bruit est “Il semble que nous ayons besoin d'une autre intifada pour créer les condi­tions qui per­met­tront de nou­veaux progrès.“

Barnea sug­gérant alors que les inter­viewés sem­blaient sou­haiter une intifada, ils ont répondu “C'est le contraire qui est vrai. Ce serait une tra­gédie“. Ce qu'ils vou­laient dire c'est que, mal­heu­reu­sement, l'histoire récente montre qu'une paix entre les Arabes [Pales­ti­niens, ndlt] et les Israé­liens n'arrive qu'après qu'une guerre l'ait rendue urgente.

Mais la véri­table impor­tance de la lecture que font des dis­cussion de paix de Kerry les fonc­tion­naires amé­ri­cains – que Barnea décrit comme étant “aussi proche qu'il est pos­sible d'une position amé­ri­caine offi­cielle“ – est qu'ils rejettent vir­tuel­lement toute la res­pon­sa­bilité de l'échec sur la partie israé­lienne. Ils accusent tout par­ti­cu­liè­rement les annonces d'un total de 14000 appels d'offre de nou­veaux loge­ments dans les colonies, ajoutant qu'ils viennent juste d'apprendre une expro­priation massive de terres en Cis­jor­danie pour la construction de colonies, ce qui rap­pelle un rapport récent de Haaretz. Selon eux “Cela ne va pas de pair avec un accord.“

La colonisation comme sabotage

Ils ont indiqué qu'ils sou­hai­taient que les dis­cus­sions com­mencent en juillet avec un gel de la colo­ni­sation, mais ils ont laissé tomber cette idée après s'être convaincus que les par­te­naires de Neta­nyahou dans sa coa­lition de droite ne le sui­vraient pas. Main­tenant ils se rendent compte de leur erreur :

“Nous n'avions pas compris que Neta­nyahou utilise ces annonces de plans de construction pour assurer la survie de son gou­ver­nement. Nous n'avions pas compris que la pour­suite de la construction de colonies per­mettait aux ministres de son cabinet de saboter très effi­ca­cement les négo­cia­tions. Il y a un tas d'autres raisons à l'échec de cet effort, mais les gens en Israël ne doivent pas refuser de voir l'amère vérité – le plus grand champ de mines a été les colonies. Les Pales­ti­niens ne croient pas qu'Israël a sin­cè­rement l'intention de les laisser créer un état alors qu'il est en train de construire des colonies sur les terres qui sont des­tinées à cet état.“

Déséquilibre du pouvoir

Les Amé­ri­cains ajoutent que, au delà de l'expansion des colonies, la position de pouvoir des Israé­liens et leur arro­gance vis-​​à-​​vis des Pales­ti­niens a rendu Israël pra­ti­quement inébran­lable (à part Tzipi Livni, qu'ils dis­tinguent parmi les Israé­liens comme une “héroïne“), tandis qu'ils ren­daient la partie pales­ti­nienne très frustrée.

“Au cours des 20 ans écoulés depuis Oslo, un grand nombre de faits et de règles du jeu sont devenus plei­nement établis. Cette réalité est très dure pour les Pales­ti­niens et très confor­table pour les Israé­liens … Pendant les dis­cus­sions, l'un des Pales­ti­niens a dit à l'un des Israé­liens :“Vous ne nous voyez pas. Nous sommes invi­sibles. Nous sommes des coques vides“ Il y avait un peu de ça. Après la seconde intifada et l'achèvement du mur de sépa­ration, les Pales­ti­niens sont devenus des fan­tômes pour les Israé­liens – ils ne les voient plus.“

L'expérience amère d'Abou Mazen

Les actions d'Israël au cours des 20 der­nières années – des Accords d'Oslo aux dis­cus­sions de Kerry – ont rendu le pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne Mahmoud Abbas (Abou Mazen) pro­fon­dément pes­si­miste, en par­ti­culier concernant les inten­tions de Neta­nyahou, mais aussi concernant la capacité des Amé­ri­cains de contenir Israël, ont indiqué les fonctionnaires.

“Pendant que nous concen­trions nos efforts sur un assou­plis­sement de la partie israé­lienne, l'annonce de nou­velles construc­tions dans les colonies a limité la capacité d'Abu Mazen à faire preuve de flexi­bilité. Il a perdu confiance. Le moment le pire a été atteint quand Neta­nyahou a affirmé qu'Abu Mazen avait accepté le fait que la libé­ration des pri­son­niers était en échange de la construction de colonies. Cela ne concordait pas avec la vérité.

Abu Mazen avait com­mencé les dis­cus­sions en scep­tique. En fait, tout le monde était scep­tique, mais ses doutes se concen­traient sur Neta­nyahou. Les Accords d'Oslo étaient l'œuvre [d'Abu Mazen]. Il a vu comment Oslo a ouvert la porte à l'installation de 400000 Israé­liens de plus der­rière la Ligne verte. Il n'avait pas l'intention d'accepter ça plus longtemps.“

Occupation à jamais

Les Amé­ri­cains conti­nuent en citant des exi­gences israé­liennes qu'Abbas a consi­dérées sim­plement comme un moyen de pour­suivre l'occupation, une vue avec laquelle ils semblent être d'accord. “Israël a pré­senté ses besoins de sécurité en Cis­jor­danie : Ils exi­geaient un contrôle absolu sur tout le ter­ri­toire. Cela indi­quait aux Pales­ti­niens que, pour cause de sécurité, rien ne chan­gerait.. Israël n'était pas prêt à accepter un calen­drier - son contrôle durerait indé­fi­niment. Abu Mazen est arrivéà la conclusion qu'il n'y avait rien d'utile pour lui dans un tel accord.“

A ce moment-​​là, en plein milieu des dis­cus­sions, Abbas est devenu rigide, notent les fonc­tion­naires. “L'affirmation entendue en Israël, qu'Abu Mazen fuyait devant les déci­sions à prendre, n'est pas exacte. Il ne fuyait pas, il a sim­plement mis la clé sous la porte.“ Barnea demande aux Amé­ri­cains ce qu'il pensent de la décla­ration de Livni selon laquelle Abu Mazen ne s'était pas éloigné d'un pouce de ses posi­tions tra­di­tion­nelles, tandis que Neta­nyahou avait montré de la flexi­bilité. Leur réponse :

“C'est vrai que Neta­nyahou a bougé, mais il n'a pas bougé de plus d'un pouce. Et pour ça, il nous a fallu des efforts gigan­tesques. Lorsque nous avons essayé de faire bouger Abu Mazen, nous n'y sommes pas arrivé. Comme nous l'avons dit, il s'est refermé, il a mis la clé sous la porte. Il a dit qu'il avait déjà fait beaucoup de conces­sions. Et il s'est plaint de ce que les Israé­liens ne l'avaient pas reconnu.“

Les concessions d'Abbas

Barnea demande quelles conces­sions ont été faites par Abbas “Il a accepté un état non mili­tarisé ; il a accepté que 80% des colons seraient fina­lement en ter­ri­toire israélien ; il a accepté qu'Israël continue à rester dans les ter­ri­toires pour des raisons de sécurité [essen­tiel­lement dans la vallée du Jourdain – N.B.] pendant cinq ans, et qu'ensuite les Etats unis prennent le relais. Il a même accepté que du point de vue des Israé­liens, les Pales­ti­niens ne seraient jamais dignes de confiance.

Il a aussi accepté que les quar­tiers juifs de Jérusalem-​​est restent sous sou­ve­raineté israé­lienne, et il a accepté que le retour des réfugiés pales­ti­niens soit soumis à l'accord du gou­ver­nement israélien. Il a promis qu'Israël ne serait pas inondé de réfugiés.“

L'exception qui confirme la règle

La seule chose que les fonc­tion­naires amé­ri­cains ont reprochéà Abu Mazen est son refus de recon­naître Israël comme un état juif, et même dans ce cas, ils sus­pectent que sa posture était influencée au moins en partie par l'attitude domi­na­trice d'Israël.

“Nous n'avons pas compris pourquoi cela le gênait autant. Pour nous, en tant qu'Américains, le caractère juif d'Israël est évident. Nous vou­lions croire que pour les Pales­ti­niens, c'était une tac­tique – ils vou­laient quel­que­chose en contre­partie [de l'acceptation de l'exigence israé­lienne], alors ils ont dit non.

Plus Israël insistait, plus les Pales­ti­niens dur­cissait leur résis­tance. Israël en a fait une énorme affaire – une vraie ligne dans le sable. Les Pales­ti­niens sont arrivés à la conclusion qu'on leur tendait un piège. Ils soup­çon­naient que c'était une ten­tative de leur faire confirmer le nar­ratif sioniste.“

L'histoire continue

Les fonc­tion­naires amé­ri­cains pensent qu'il sera très dif­ficile de reprendre les négo­cia­tions, et sur ce point aussi, ils disent que c'est Israël qui est le pro­blème. Abu Mazen, comme ils le notent, a annoncé qu'ils repren­drait les dis­cus­sions si Israël accepte de geler l'expansion des colonies pendant trois mois, de passer ce temps à décider des fron­tières d'un état pales­tinien, et si il accepte que la Jérusalem-​​est arabe soit sa capitale.

“Les condi­tions pré­sentées par Abu Mazen ont été rejetées sur le champ par Israël. Peut-​​être quelqu'un en Israël va-​​t-​​il recon­si­dérer sa position ? Pourquoi un gel de trois mois de la colo­ni­sation est-​​il une telle affaire ? Pourquoi ne pas faire une carte [avec les fron­tières d'un état pales­tinien] ? Après tout, c'est dans votre intérêt supé­rieur qu'un accord soit attient par consen­tement mutuel, et non comme le résultat d'une pression exté­rieure [que les fonc­tion­naires s'attendent à voir venir de l'Europe et des Nations unies]. Le tracé de la carte aurait dûêtre la pre­mière étape [des négociations].“

Cette dernière remarque avait été faite par les Palestiniens il y a neuf mois.

Cette interview est une mise en cause com­plète de la conduite des dis­cus­sions de paix par Israël faite par l'administration Obama, et une exo­né­ration du com­por­tement des Pales­ti­niens. Les Amé­ri­cains ne vont évi­demment pas prendre de mesures à ce sujet, mais ils ont redressé le nar­ratif, ils ont injecté une mégadose de vérité dans l'histoire de la domi­nation d'Israël sur les Pales­ti­niens, et ils ont ren­forcé le combat pour en sortir.

Traduction AFPS/​RP


[1] L'intégralité de l'interview, en anglais, peut être trouvée sur le site de Yedioth Ahronoth : http://​www​.ynetnews​.com/​a​r​t​i​c​les/0,…


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