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Enlèvements en Cisjordanie : comment Israël punit les Palestiniens

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Pour retrouver trois jeunes colons qui ont disparu, Tsahal a lancé une vaste opé­ration qui a coûté la vie à quatre civils pales­ti­niens. En toute impunité.

#Bring­Ba­ckourBoys (Ramenez nos garçons). C'est sous ce hashtag, réfé­rence aux lycéennes nigé­rianes kid­nappées par Boko Haram, que vient d'être lancée une cam­pagne mon­diale appelant à la libé­ration de trois jeunes Israé­liens dis­parus en Cis­jor­danie. Le 12 juin dernier, Eyal Yifrach (19 ans), Naftali Frenkel (16 ans) et Gilad Shaer (16 ans), trois étu­diants d'écoles tal­mu­diques, se vola­ti­lisent à un arrêt pour auto-​​stoppeurs, près de Kfar Etzion, colonie juive implantée en Cis­jor­danie occupée.

Benyamin Neta­nyahou en est convaincu : c'est le Hamas qui en est l'auteur, bien qu'il n'ait pas reven­diqué l'enlèvement. Refusant caté­go­ri­quement de recon­naître le mou­vement isla­miste, qui a retenu en otage pendant cinq ans le soldat franco-​​israélien Gilad Shalit, le Premier ministre israélien tient le pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne, Mahmoud Abbas, pour "res­pon­sable de toute attaque émanant d'un ter­ri­toire sous contrôle palestinien".

Opération "Gardiens de nos frères"

Faux, répond l'intéressé, qui rap­pelle que les ter­ri­toires pales­ti­niens occupés par les colonies juives (zone C) restent entiè­rement sous le contrôle de l'armée israé­lienne. Poussé néan­moins à prendre position, Mahmoud Abbas finit par condamner publi­quement - et en arabe - l'enlèvement, quitte à fâcher les diri­geants du Hamas qui ont accepté le 2 juin de céder leur pouvoir à Gaza à un gou­ver­nement pales­tinien d'union nationale. "Celui qui a enlevé les trois jeunes Israé­liens cherche à nous détruire et on va lui demander des comptes", a lancé le pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne devant l'Organisation de la coopé­ration isla­mique, à Djeddah, sans pour autant accuser direc­tement le Hamas. Surtout, Mahmoud Abbas s'est engagéà une coopé­ration totale de ses ser­vices de sécurité avec Tsahal pour les retrouver.

Dès la nou­velle de la dis­pa­rition des jeunes gens, l'armée israé­lienne a lancé en Cis­jor­danie une vaste opé­ration bap­tisée "Gar­diens de nos frères". Déterminéà retrouver les trois ado­les­cents, mais aussi à déman­teler les capa­cités du Hamas en Cis­jor­danie, Tsahal a arrêté en onze jours plus de 360 sus­pects, dont quelque 250 membres du Hamas, mais aussi des res­pon­sables du Djihad isla­mique et du Fatah. Le ter­ri­toire pales­tinien a été fouillé de fond en comble. Plus d'un millier de bâti­ments ont été per­qui­si­tionnés par l'armée israé­lienne, qui a fait état de "confron­ta­tions spo­ra­diques" avec des Pales­ti­niens. C'est peu dire.

Au moins quatre civils tués

Au total, au moins quatre civils pales­ti­niens ont perdu la vie. Dans le sud du ter­ri­toire, près de Hébron, un ado­lescent de 14 ans a été tué par balle à la poi­trine ven­dredi. Dans le camp de réfugiés de Qalandia, près de Jéru­salem, un autre Pales­tinien, âgé de 20 ans, se trouve entre la vie et la mort après avoir été griè­vement blesséà la tête lors de vio­lents affron­te­ments avec des soldats israé­liens. Dans la nuit de samedi à dimanche, un homme de 60 ans est décédé d'une crise car­diaque alors que l'armée fouillait son domicile à Naplouse.

Tôt dimanche, c'est un Pales­tinien de 27 ans, souf­frant de troubles mentaux, qui a été abattu parce qu'il s'était approché, selon Tsahal, "de manière mena­çante" de ses soldats. Enfin, à Ramallah, un Pales­tinien de 30 ans a été abattu par balle. "J'ai dit que l'enlèvement était un crime, mais est-​​ce que cela jus­tifie le meurtre d'adolescents pales­ti­niens de sang-​​froid ?" s'est offusqué dimanche Mahmoud Abbas, exhortant, dans une interview au quo­tidien israélien Haaretz, Benyamin Neta­nyahou à dénoncer ces crimes.

Israël invoque la légitime défense

"Nous n'avons aucune intention de porter atteinte à qui­conque, mais nos forces recourent à l'autodéfense néces­saire et, de temps à autre, il y a des vic­times du côté pales­tinien résultant de l'action de légitime défense de nos soldats", a répliqué dimanche le Premier ministre israélien. Depuis le début de l'année, au moins seize Pales­ti­niens ont été abattus par les forces israé­liennes en Cis­jor­danie. Dénonçant une "punition col­lective" infligée aux Pales­ti­niens, les prin­ci­pales ONG israé­liennes de défense des droits de l'homme ont envoyé dimanche une lettre commune au ministre de la Défense Moshé Ya'alon pour condamner "des vio­la­tions inutiles des droits fon­da­mentaux des Palestiniens".

Une indi­gnation par­tagée par le repré­sentant pales­tinien à l'ONU, Riyad Mansour, qui a réclamé ven­dredi l'intervention de la com­mu­nauté inter­na­tionale pour pro­téger la popu­lation civile pales­ti­nienne. Mais comme à l'accoutumée, le secré­taire général de l'ONU s'est contenté de sou­ligner "sa pré­oc­cu­pation à propos du regain de vio­lence, des arres­ta­tions de masse et des res­tric­tions à la liberté de mou­vement en Cis­jor­danie", lors d'un entretien télé­pho­nique avec Benyamin Neta­nyahou. Ban Ki-​​moon a par ailleurs estimé"impé­ratif, à la fois pour des raisons poli­tiques et de sécurité, de ne pas céder aux pro­vo­ca­tions" afin de ne "pas faire monter la tension".

Faire échouer la réconciliation Hamas-​​Fatah

Tota­lement impuis­sante face aux agis­se­ments de Tsahal, la rue pales­ti­nienne gronde contre Mahmoud Abbas et ses forces de sécurité, qu'elle juge cou­pables de "col­la­bo­ration avec l'ennemi". Pris en tenailles, le pré­sident pales­tinien explique pour sa défense qu'une coor­di­nation sécu­ri­taire avec l'État hébreu "protège" les Pales­ti­niens, réaf­firmant sa volonté d'affronter Israël sur "l'arène inter­na­tionale". Pro­blème, depuis l'accession de la Palestine au rang d'État non membre de l'Assemblée générale de l'ONU, la colo­ni­sation israé­lienne en Cis­jor­danie a décuplé. En 2013, le nombre de construc­tions dans les colonies de Cis­jor­danie a aug­menté de 123 % par rapport à2012, malgré leur illé­galité aux yeux du droit international.

Et le mou­vement s'est même accéléré en repré­sailles à la récon­ci­liation entre les frères ennemis du Hamas et du Fatah, qui a abouti à la for­mation d'un gou­ver­nement pales­tinien d'union nationale. Ironie du sort, Benyamin Neta­nyahou repro­chait jusqu'ici à Mahmoud Abbas de ne repré­senter qu'une partie de la popu­lation pales­ti­nienne en ne diri­geant que la Cis­jor­danie. Ainsi, cer­tains ana­lystes israé­liens voient dans l'opération mili­taire en cours le plus important déploiement de Tsahal en Cis­jor­danie depuis la seconde Intifada, une occasion unique pour le Premier ministre israélien de faire échouer la récon­ci­liation interpalestinienne.

Loin de saluer la condam­nation de l'enlèvement par Mahmoud Abbas, comme l'ont fait les États-​​Unis et même le pré­sident israélien sortant Shimon Pérès, Benyamin Neta­nyahou en a au contraire profité pour signifier que ses décla­ra­tions l'obligeraient "non seulement à ramener" les trois jeunes Israé­liens, mais aussi à"dis­soudre le gou­ver­nement d'unité avec le Hamas, qui les a enlevés, et appelle à la des­truction d'Israël". Or, ce même gou­ver­nement, soutenu par le Hamas, mais constitué uni­quement de tech­no­crates indé­pen­dants, a été reconnu par les États-​​Unis et l'Europe, infli­geant un sévère camouflet diplo­ma­tique à l'État hébreu.

Publié par Le Point


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