Quinze jours après l'enlèvement de trois jeunes Israéliens en Cisjordanie, les services de sécurité et l'armée ont dévoilé l'identité de deux suspects : Marwan Qawasmeh et Amer Abou Eisheh, deux Palestiniens originaires de Hébron et activement recherchés. Ils seraient liés au Hamas et auraient été arrêtés plusieurs fois dans le passé. Mais leurs familles affichent leur incrédulité.
Reportage à Hébron
Longue barbe grise et visage fatigué, Omar Abu Eisheh nous reçoit chez lui à Hébron. Son fils, Amer, est l'un des deux suspects dans l'enlèvement des jeunes Israéliens. Amer a disparu depuis quinze jours. Son père dit ne pas avoir de nouvelles et craint pour sa vie. « Je pense qu'il a été pris par les Israéliens et qu'ils vont le tuer le moment venu pour montrer qu'ils ont eu les kidnappeurs ! » Mais Omar Abu Eisheh assure que son fils n'a pas le profil d'un ravisseur. Forgeron, marié avec trois enfants, il n'appartiendrait à aucun parti politique et serait en outre légèrement handicapé mental.
Omar Abu Eisheh pense que l'enlèvement des trois jeunes Israéliens est une « histoire fabriquée par Israël » pour se débarrasser des structures du Hamas en Cisjordanie. Son fils Amer et sa famille ont-ils des liens avec le mouvement islamiste ? « Non, affirme le vieil homme, même si on est religieux et qu'on pleure les martyrs ». Un « martyr », il y en a déjà un dans la famille Abou Eisheh : Saïd, frère d'Amer, tué en 2005 par l'armée israélienne, et dont le portrait trône dans le salon.
Depuis des années, les membres de la famille sont régulièrement arrêtés. Après la divulgation du nom d'Amer Abou Eisheh comme suspect dans l'enlèvement des Israéliens, deux de ses cousins ont été interpellés, la nuit dernière, chez eux, toujours à Hébron. « Des soldats masqués sont arrivés très nombreux, ils les ont arrêtés. Les enfants étaient terrifiés », témoigne une femme de la famille.
« Ils menaient une vie normale »
Dans la famille Qawasmeh, du nom de l'autre suspect recherché, Marwan Qawasmeh, la filiation avec le Hamas est plus évidente. Abdullah Qawasmeh, tué en 2003 par les Israéliens, était chef des Brigades Ezzedine El Qassam, la branche armée du Hamas, à Hébron. La famille habite une grande maison non loin des Abou Eisheh à Hébron, mais le portail reste fermé. Une femme nous indique derrière la porte qu'elle ne souhaite pas parler à la presse.
RFI avait rencontré cette famille le 16 juin, au lendemain de l'arrestation de cinq de ses membres. Les femmes du clan avaient montré les portes forcées, les vitres brisées, témoignant de la violence employée par les Israéliens lors de ce raid. Mais une des plus jeunes femmes, Doha, avait soutenu qu'aucune des personnes arrêtées n'avait quoi que ce soit à se reprocher. Tous menaient « une vie normale », selon elle.
Après l'enlèvement des trois adolescents israéliens il y a quinze jours, le Premier ministre Benyamin Netanyahu a aussitôt accusé le Hamas. Le mouvement islamiste palestinien a démenti. Jusqu'à ce jour, aucune revendication n'a été formulée. Mais au cours des deux dernières semaines, l'armée et la police israéliennes ont arrêté près de 400 Palestiniens, des personnes qui avaient pour la plupart été arrêtées par le passé. Les autorités israéliennes en ont profité pour démanteler les structures du Hamas en Cisjordanie. Au moins cinq Palestiniens ont été tués.