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Bloody Sunday à Chadjaiya, 62 morts et plus de 400 blessés

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Les chars et l'aviation de l'armée israé­lienne se sont acharnés à pilonner ce quartier de Gaza City, où vivent des cen­taines de mil­liers de per­sonnes. Har­celés par les bom­bar­de­ments, des dizaines de mil­liers de Pales­ti­niens ont pris le chemin de l'exode.

De Gaza (territoires palestiniens), envoyé spécial.

Au car­refour dit de Chad­jaiya, entrée du quartier, des cen­taines de per­sonnes fuient.

Qui à pied, qui en voiture.

Les femmes et les enfants sont en pleurs.

La peur se lit sur leurs visages.

Peu d'entre eux ont des sacs tant ils ont dû partir dans la précipitation.

Une « nakba » (une catas­trophe) pour ces Pales­ti­niens qui ont vécu une nuit d'enfer.

Un enfer qui les poursuit. « Ils sont en train de nous détruire, de nous bom­barder, de nous expulser de nos maisons, lance un homme à la volée. Il y a des tas de morts et de blessés. »

Impossible de s'approcher plus avant.

Les canons des chars semblent tout proches.

Personne n'ose vraiment s'aventurer sur cette route du chaos.

Assise sur un parapet, une veille dame, foulard noir sur la tête, san­glote doucement.

« Nous comptons sur Dieu pour nous venger des Israé­liens », lâche-​​t-​​elle. « Sur la rue Al-​​Mansour, c'est un véri­table mas­sacre. Il y a des morts par terre, par terre, tous par terre », répète-​​t-​​elle, le visage inondé de larmes.

Un homme plus jeune laisse éclater sa colère, le visage plié par un rictus. « Qui veut voir le sang des enfants, le sang des vieilles femmes, de tous ces han­di­capés ? Ils étaient dans des fau­teuils rou­lants, ils ne pou­vaient pas marcher. Je demande au monde entier quelle est la couleur de ce sang ? »

Alors que la panique est générale, quatre roquettes lancées par la résis­tance pales­ti­nienne s'élèvent dans le ciel pour aller frapper l'armée israélienne.

Tout le monde se met à applaudir, à crier « Allah akbar », à exprimer sa joie, la seule pos­sible dans ces sombres moments où leur vie ne semble pas repré­senter grand-​​chose aux yeux du monde.

La terreur israélienne n'épargne personne.

Un ambu­lancier explique ainsi : « Nous sommes venus à une heure du matin pour aider les gens àévacuer. Mais lorsque nous sommes retournés, les Israé­liens nous ont tiré dessus. Une ambu­lance a été frappée de plein fouet, un ambu­lancier et le chef de notre secteur ont été durement touchés. »

L'un d'entre eux est décédé quelque temps plus tard, à l'hôpital Shifa.

« Nous avons alors essayé d'y aller à pied, mais des snipers nous ont tiré dessus. Où sont les droits de l'homme ? » demande-​​t-​​il avec colère.

Un de ses col­lègues précise que l'intervention de la Croix-​​Rouge leur a permis par la suite d'arriver jusqu'au cime­tière de Chad­jaiya « mais on ne pouvait pas aller plus loin, à cause des tirs.

Beaucoup de maisons se sont écroulées sur les habitants ».

Des témoi­gnages cor­ro­borés par une Pales­ti­nienne qui, elle aussi, a dû s'enfuir. « La nuit j'ai entendu des gens crier, appeler à l'aide. Les secours ne pou­vaient pas y accéder. Les chars se trou­vaient der­rière nous, ils tiraient à l'aveuglette. Il y a des femmes, des enfants, des han­di­capés à qui nous devons dire au revoir. »

« C'était une nuit de guerre avec beaucoup de corps dans les rues »

En début d'après-midi, hier, entendant l'annonce d'une trêve de deux heures décrétée par Israël, des cen­taines d'habitants ont tenté de faire le chemin inverse, voir l'état de leur maison et, surtout, ont cherchéà récu­pérer des vête­ments, des cou­ver­tures, un peu de nourriture.

Mais au bout de qua­rante minutes, les chars, bêtes sau­vages, sont entrés en action forçant la popu­lation à refluer de nouveau.

Dans la rue prin­cipale dans laquelle nous avançons, de nom­breuses façades sont éven­trées, des arbres coupés par les éclats d'obus jonchent le sol.

La route est cou­verte de mor­ceaux de béton, de tiges métal­liques. « C'était une nuit de guerre, se sou­vient Ahmed Djindiya, son petit dernier dans les bras. Il y avait beaucoup de morts dans les rues. J'en ai vu au moins une cin­quan­taine. »À ses côtés, son épouse crie : « Les enfants ont faim. »

Des enfants qui n'en sont plus vraiment malgré leur jeune âge.

La guerre leur apprend la face sinistre de la vie, celle de la destruction.

En nous quittant, l'un d'entre eux se retourne, montre le ciel – les avions israé­liens – et passe son pouce sur sa gorge.

Der­rière le cime­tière, les ambu­lances sont encore blo­quées lorsque nous nous y rendons.

Cette fois, avec l'aide des pompiers, ils ramassent les corps.

Dix-​​huit per­sonnes auraient été ense­velies sous les décombres d'une maison, nous dit-​​on. Alors que tout le monde reflue sous la pression israé­lienne qui recom­mence, nous aper­cevons des résis­tants pales­ti­niens, cer­tains cachant leurs armes sous des cou­ver­tures, d'autres, vêtus de treillis noirs, mar­chant en silence, le regard dur.

Le pilonnage du quartier a fait au moins 62 morts et plus de 400 blessés.

Les Israéliens, harcelés par la résistance, commencent à subir des pertes.

Treize soldats israé­liens de la brigade Golani ont été tués ces der­nières vingt-​​quatre heures dans la bande de Gaza lors d'accrochages, portant à18 le nombre de morts au sein de l'armée.

C'est sans doute pourquoi Neta­nyahou affirme main­tenant que l'opération pourrait être « assez rapide », même si, en la matière, il est menteur comme un arra­cheur de dents.

De son côté, Abou Obaïda, porte-​​parole des bri­gades Ezzedine al-​​Qassam, a fait savoir que « nous avons recons­titué les stocks d'engins qu'Israël a détruits depuis le début de son agression ».

« Mon oncle gît là-​​bas, sans sépulture »

Plus de 65000 per­sonnes ont trouvé un abri dans les écoles de l'UNRWA, l'organisme des Nations unies pour les réfugiés palestiniens.

Nous nous rendons à Jabaliya, localité toute proche de Gaza. « Trois mille per­sonnes sont déjà là, indique Tayssir Abou Laben, un employé de l'ONU.

L'école est pleine.

On ne refuse per­sonne mais ils doivent s'installer dans la cour, par terre. Que faire d'autre ? » Sofiane Juda arrive d'Al-­Attatra, la der­nière localité pales­ti­nienne au nord de la bande de Gaza, par­ti­cu­liè­rement exposée.

Il raconte : « Hier, vers cinq heures du matin, les chars israé­liens sont entrés à Al-​​Attatra. Ils ont tiré sur les maisons, sur les gens et même sur les vaches. Ils ont lancé des gaz qui nous empê­chaient de res­pirer. Il a fallu qu'on parte pré­ci­pi­tamment, sans rien pouvoir emporter. Mon oncle a été tué et on n'a pas pu emmener son corps. Il gît là-​​bas, sans sépulture. »

Sandrella Saleh vient de Beit Hanoun.

Elle parle aussi de ces gaz suffocants.

Très cer­tai­nement des gaz lacry­mo­gènes par­ti­cu­liè­rement puis­sants, comme ceux uti­lisés par les Bri­tan­niques en Irlande, lancés par un MK-​​19, évi­demment de fabri­cation américaine.

« Une grenade est entrée dans notre maison », déplore la jeune femme en faisant la queue pour s'inscrire auprès de l'UNRWA.

« Mes enfants sont par­ti­cu­liè­rement affectés, ils sont très nerveux et déve­loppent des tics depuis cette nuit, se plaint-​​elle. Moi-​​même, je suis enceinte de quatre mois, je ne sais pas ce qui va se passer. »

Son mari est restéà Beit Hanoun. « Il dit qu'il préfère mourir sur place. »

« Des balles ont traversé la maison »

Hannan El-​​Assari arrive, elle, de Sou­daniya, un quartier tout proche de Gaza qui s'étend jusqu'à la mer.

« Hier, des bateaux et des héli­co­ptères ont tiré sur nous, des balles ont tra­versé la maison », se souvient-​​elle encore trem­blante, ses enfants regroupés autour d'elle.

« Pas très loin, la résis­tance a com­mencéà répliquer en tirant sur les Israé­liens qui ten­taient d'avancer en lançant des fusées éclai­rantes. Les combats se sont arrêtés vers 2 h 30. On avait tel­lement peur. Ma fille de qua­torze ans s'est fait pipi dessus. Deux autres de mes filles sont main­tenant à l'hôpital tant elles étaient choquées. »

Elle demande au jour­na­liste de trans­mettre son appel. « Je demande aux pays du monde de pro­téger nos enfants. Quand je regarde mes filles, je me demande qui va mourir la pre­mière. Nous ne sommes que des civils. »

Hier soir, dans les rues de Gaza, des cen­taines de familles cher­chaient encore un endroit où passer la nuit.

Cer­taines se sont dirigées vers l'hôpital Shifa, s'installant comme elles le pou­vaient, déroulant un tapis pour y asseoir les enfants et redonner un sem­blant de vie.

Mais d'autres n'ont rien. « Depuis six heures du matin nous courons dans les rues, nous dit un groupe de femmes ren­contré dans le centre-​​ville à plu­sieurs kilo­mètres de Chad­jaiya. Toute la nuit ils ont tiré sur nos maisons. On a tout quitté. On ne sait pas où aller, les écoles et les hôpitaux sont pleins. »

Le pré­sident de l'Autorité pales­ti­nienne, Mahmoud Abbas, a parlé de « nouveau mas­sacre commis par le gou­ver­nement israélien à Chad­jaiya » et a décrété un deuil national de trois jours.

Ce que vient de com­mettre Israël s'apparente à un crime de guerre, voire un crime contre l'humanité.

Publié par L'Humanité.fr


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