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Interview de Ghislain Poissonnier

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Ghislain Pois­sonnier a été délégué du Comité inter­na­tional de la Croix-​​Rouge (CICR) en Cis­jor­danie, dans la région d'Hébron, entre juin 2008 et juillet 2009. Il a publié un ouvrage, tiré de cette expé­rience, intitulé « Les chemins d'Hébron – Un an avec le CICR en Cis­jor­danie » (L'Harmattan, 2010 - voir notre article).

L'AFPS l'interroge sur son expé­rience huma­ni­taire en Cis­jor­danie et les prin­ci­pales vio­la­tions du droit inter­na­tional huma­ni­taire qui y sont commises.

- Quelles sont les missions du CICR en Israël et en Palestine ?

Le CICR est une orga­ni­sation huma­ni­taire privée de droit suisse, basée à Genève, qui a été fondée par Henry Dunant en 1863 à la suite de la bataille de Sol­ferino au cours de laquelle tant de com­bat­tants blessés avaient péri faute de soins. C'est une orga­ni­sation huma­ni­taire d'un genre très par­ti­culier, parce qu'elle dispose d'un mandat inter­na­tional prévu par les quatre Conven­tions de Genève du 12 août 1949, rati­fiées par l'ensemble des Etats de la com­mu­nauté inter­na­tionale. Ces quatre Conven­tions pro­tègent les blessés de guerre, les nau­fragés de mer, les pri­son­niers de guerre et la popu­lation civile. Le mandat donné au CICR consiste à agir en vue de la pro­tection de la popu­lation civile dans les zones affectées par les conflits armés et de la pro­tection des per­sonnes détenues en relation avec ces conflits. Les Conven­tions de Genève donnent au CICR le droit d'intervenir en temps de conflit armé inter­na­tional comme organe neutre et impartial pour la mise en œuvre et le respect par les bel­li­gé­rants du contenu des Conven­tions et le droit de pro­poser ses ser­vices en cas de conflit armé interne. Sur le plan juri­dique, le conflit israélo-​​palestinien est un conflit armé inter­na­tional. La pré­sence du CICR est donc de plein droit tant en Israël qu'en Palestine. En outre, la Cis­jor­danie étant un ter­ri­toire occupé par Israël depuis 1967, les dis­po­si­tions de la IVème Convention de Genève rela­tives à l'occupation (qui confèrent des droits et obli­ga­tions à la puis­sance occu­pante) s'y appliquent dans leur intégralité.

Le CICR tra­vaille au respect de ces dis­po­si­tions qui ont essen­tiel­lement pour but de per­mettre à la popu­lation civile de mener une vie la plus proche pos­sible de la normale. Concrè­tement, le CICR apporte pro­tection et assis­tance aux vic­times pales­ti­niennes et israé­liennes du conflit. Ses délégués y visitent l'ensemble des per­sonnes qui sont détenues en relation avec le conflit dans les prisons pales­ti­niennes et israé­liennes, assurent le fonc­tion­nement d'une Agence cen­trale de recherche des per­sonnes dis­parues ou séparées de leurs proches par la guerre, orga­nisent des actions de secours aux blessés et aux malades, dis­tri­buent de l'assistance (tentes, cou­ver­tures, vivres etc.) aux civils et aux déplacés, financent des micros-​​projets écono­miques des­tinés aux vic­times de la colonisation.

Israël et la Palestine consti­tuent un des contextes prio­ri­taires du CICR. Y est donc conduite une des plus grosses « opé­ra­tions » huma­ni­taires, avec celles qui sont menées en Irak, au Soudan, en Afgha­nistan et en Répu­blique démo­cra­tique du Congo. 60 mil­lions de dollars y sont dépensés chaque année, notamment sous forme d'assistance (aide aux paysans, nour­riture, soutien médical etc.). Près d'une cen­taine de délégués tra­vaillent en Israël et dans les ter­ri­toires pales­ti­niens occupés. Ils béné­fi­cient du soutien d'environ 350 employés locaux, israé­liens ou pales­ti­niens. Le CICR tra­vaille en col­la­bo­ration étroite avec les sociétés natio­nales de secours, à savoir le Croissant rouge pales­tinien et le bou­clier de David. En Cis­jor­danie, le CICR dispose de trois sous-​​délégations (Ramallah, Naplouse et Hébron) et de plu­sieurs bureaux (Beth­lehem, Jénine, Jérusalem-​​Est, Qal­qiliya, Jéricho, Salfit, Tul­karem, Tubas).

- Pourquoi et dans quelles condi­tions avez-​​vous été volon­taire pour prendre part à la mission huma­ni­taire en Cis­jor­danie qui vous a été confiée ?

Entre 1999 et 2004, j'ai occupé dif­fé­rentes fonc­tions de magistrat judi­ciaire dans le Nord-​​Pas-​​de-​​Calais. Il y a une dimension sociale très forte et de proximité avec les autres qui m'a beaucoup plu, notamment dans les fonc­tions de juge d'instance. De 2004 à 2008, j'ai tra­vaillé pour le ministère de la défense en qualité de magistrat détaché dans le service de la justice mili­taire. A cette occasion, j'ai eu la chance de me fami­lia­riser avec des ques­tions de droit inter­na­tional. En 2008, j'été été recruté par le Comité inter­na­tional de la Croix-​​Rouge (CICR) et placé en situation de dis­po­ni­bilité. Après ces quelques 10 ans comme magistrat, je res­sentais le besoin profond de voyager tout en me rendant utile et si pos­sible en uti­lisant mes connais­sances juri­diques. Je voulais surtout « sortir » de mon bureau et aller à la ren­contre des civils qui souffrent de la guerre, les aider sans avoir avec eux des rap­ports de pouvoir ou d'autorité. En 2008 et 2009, le CICR m'a envoyé en Cis­jor­danie, dans la région d'Hébron, pour y effectuer une mission d'un an comme délégué de terrain. Je n'ai pas choisi d'aller en Cis­jor­danie : pour la pre­mière mission, c'est tou­jours le CICR qui choisit le lieu d'affectation du délégué, sans rien « négocier » avec lui.

A Hébron et dans tout le sud de la Cis­jor­danie, mon travail consistait, d'une part, à visiter les prisons pales­ti­niennes en vue d'améliorer les condi­tions de détention des pri­son­niers et, d'autre part, à docu­menter les cas de vio­la­tions du droit inter­na­tional huma­ni­taire en vue de pousser les auto­rités israé­liennes à res­pecter les règles pro­té­geant la popu­lation civile. Afin de docu­menter ces cas, j'étais tous les jours en dépla­cement sur le terrain pour ren­contrer les civils, les familles, les paysans et bergers, les femmes et les enfants, mais aussi les chefs de vil­lages, les fonc­tion­naires, les com­mer­çants etc. J'ai été ainsi au contact per­manent de la popu­lation civile pales­ti­nienne et des mili­taires israé­liens. Car, toutes les semaines, je ren­con­trais les mili­taires israé­liens pour dis­cuter avec eux de la situation huma­ni­taire et tenter d'obtenir un meilleur respect des règles qui pro­tègent la popu­lation civile. Un délégué du CICR n'a aucun moyen de pression à sa dis­po­sition. Il n'est pas policier, enquêteur ou juge. Ce n'est qu'un tra­vailleur huma­ni­taire qui doit convaincre. Comme tous mes col­lègues, je devais, en m'appuyant sur les dis­po­si­tions per­ti­nentes des Conven­tions de Genève, attirer l'attention d'officiers israé­liens sur des situa­tions indi­vi­duelles ou col­lec­tives carac­té­risant une vio­lation du droit inter­na­tional huma­ni­taire et essayer de les convaincre d'y remédier.

- Le CICR avait-​​il toutes les possibilités d'observer et d'investiguer ?

Le CICR est non seulement présent sur place en vertu des Conven­tions de Genève mais il a aussi conclu tant avec l'Etat d'Israël qu'avec l'Autorité Pales­ti­nienne des accords l'autorisant à y conduire ses acti­vités huma­ni­taires. Par ailleurs, les opi­nions publiques israé­lienne et pales­ti­nienne sont favo­rables à l'action du CICR, qui béné­ficie d'une excel­lente répu­tation. Enfin, le conflit israélo-​​palestinien est un conflit très docu­menté et public, suivi de près tant par les ONG (israé­liennes, pales­ti­niennes, inter­na­tio­nales) que par les orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales (ONU, UNRWA), les ambas­sades et les médias locaux et inter­na­tionaux. L'ensemble de ces éléments fait que les délégués du CICR, sous réserve du respect d'un certain nombre de règles (d'information des auto­rités et de sécurité), ont toute latitude pour « observer et inves­tiguer » lorsque des vio­la­tions du droit inter­na­tional huma­ni­taire sont allé­guées. Il s'agit tout d'abord réunir un ensemble d'informations fiables et de témoi­gnages sur des faits en vue d'en obtenir une vision la plus proche pos­sible de la réalité. Pour « docu­menter » des évène­ments, les délégués du CICR ne dis­posent pas de moyens d'enquête ou d'investigation cri­mi­nelle. Ils inter­viewent les blessés, les familles, les mani­fes­tants, les témoins s'il y en a, puis de faire une syn­thèse de ces témoi­gnages et de recons­tituer une version aussi proche que pos­sible de la vérité. Ils ne recueillent pas d'indices et n'analysent pas les preuves maté­rielles avec des moyens scien­ti­fiques. Des éléments maté­riels peuvent tou­tefois être uti­lisés : photos, films, docu­ments, cer­ti­ficats médicaux, impacts de balles, douilles etc. Les délégués consultent également les rap­ports de l'ONU et des ONG et des infor­ma­tions peuvent parfois être échangées avec leurs repré­sen­tants. En cas de doute ou d'impossibilité de recons­tituer les faits, aucune « allé­gation » n'est transmise aux auto­rités. C'est seulement si les délégués estiment qu'une version cré­dible des faits peut être établie et que celle-​​ci semble constituer une vio­lation du droit inter­na­tional huma­ni­taire ou du droit inter­na­tional des droits de l'homme, qu'une « allé­gation » est pré­sentée aux auto­rités mili­taires ou poli­tiques com­pé­tentes, ora­lement ou par écrit, en vue d'en dis­cuter et de conduire les­dites auto­rités à prendre les mesures néces­saires pour que les vio­la­tions constatées ne se repro­duisent pas. En Israël et en Palestine (comme ailleurs), le CICR s'efforce de pro­mouvoir et vérifier le respect et la mise en œuvre du droit inter­na­tional huma­ni­taire par les dif­fé­rents por­teurs d'armes. Sur la base des éléments d'informations qu'ils récoltent sur le terrain, ses délégués nouent un dia­logue confi­dentiel « constructif et cri­tique » avec toutes les parties concernées. Indé­pendant, neutre et impartial, le CICR discute avec tous les por­teurs d'armes, que ceux-​​ci appar­tiennent à des armées gou­ver­ne­men­tales ou des groupes armés non étatiques. C'est exac­tement ce qui se fait avec les auto­rités poli­tiques et mili­taires israé­liennes et palestiniennes.

- Qu'avez-vous pu constater ?

En Cis­jor­danie, la situation est rela­ti­vement calme sur le plan mili­taire depuis la fin de la seconde Intifada. Les groupes pales­ti­niens armés y sont peu actifs. Le Hamas, comme d'autres groupes, y conduit cer­tai­nement des acti­vités clan­des­tines mais celles-​​ci sont contrées très effi­ca­cement à la fois par l'armée israé­lienne et par les ser­vices de sécurité de l'Autorité pales­ti­nienne. Tou­tefois, sur place, la popu­lation civile souffre au quo­tidien du conflit, de l'occupation, des mesures de sécurité de l'armée israé­lienne : atteintes à la vie et à l'intégrité phy­sique, au droit de pro­priété, au droit au travail et à l'enseignement, au droit de recevoir des soins médicaux, à la liberté de mou­vement, à la liberté de culte, à l'accès aux res­sources natu­relles, au droit à la sûreté etc. Ce n'est pas que de la rhé­to­rique. Environ 1.000 allé­ga­tions de vio­la­tions du droit inter­na­tional huma­ni­taire ou du droit inter­na­tional des droits de l'homme en Cis­jor­danie et dans la bande de Gaza sont col­lectées chaque année et dis­cutées avec les auto­rités israéliennes.

Ce sont autant de vies endom­magées ou brisées que je décris dans mon ouvrage « Les chemins d'Hébron » : une maison détruite par un bull­dozer israélien parce qu'elle a été construite en zone C ; un enfant qui reste paralysé à vie parce qu'il a reçu une balle dans le dos tiré par un mili­taire israélien qui n'a pas apprécié qu'on lui lance une pierre ; une famille dont la maison a été endom­magée lors d'une fouille noc­turne effectuée par Tsahal etc. Que l'armée israé­lienne conduise en Cis­jor­danie des opé­ra­tions armées, en faisant au besoin de l'usage de la force létale si cela s'avère néces­saire, n'a rien de condam­nable au regard du droit inter­na­tional. Ce qui, en revanche, pose pro­blème, c'est le non-​​respect de la popu­lation civile pales­ti­nienne qui ne par­ticipe pas aux hos­ti­lités : démo­li­tions de maisons, des­truc­tions d'oliviers, expro­pria­tions des paysans, pillages et vols par les mili­taires, répression musclée des mani­fes­ta­tions, meurtres ciblés de mani­fes­tants, humi­lia­tions aux check points, tabas­sages de pri­son­niers, fer­me­tures de routes, fouilles abu­sives, har­cè­lement des bédouins, vio­lence restée impunie des colons etc. C'est hélas la triste réalité quo­ti­dienne de l'occupation. Ces faits sont connus et publics, parce qu'ils sont docu­mentés par l'ONU et de nom­breuses ONG pales­ti­niennes, israé­liennes et internationales.

- Quelle est votre vision de la colonisation et de ses conséquences ?

Il faut rap­peler que l'article 49§6 de la IVème Convention de Genève interdit toute forme de transfert de la popu­lation de la puis­sance occu­pante dans le ter­ri­toire occupé. Le CICR a ainsi condamné à plu­sieurs reprises publi­quement la poli­tique de colo­ni­sation israé­lienne en Cis­jor­danie, en ce qu'elle est tota­lement contraire au droit inter­na­tional. C'est également la position constante du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale des Nations Unies, de l'Union euro­péenne, des Etats-​​Unis, de la Ligue arabe etc. La Cour inter­na­tionale de justice l'a également dit et de manière solen­nelle et claire dans un avis du 9 juillet 2004.

Pourtant, la colo­ni­sation dans la région d'Hébron et ailleurs en Cis­jor­danie s'est inten­sifiée depuis la seconde Intifada et rien ne semble pouvoir enrayer sa dyna­mique. Le nombre de colons continue de croître de 4 à 6% par an. Plus de 500.000 colons y vivent aujourd'hui. Il faut bien com­prendre que la colo­ni­sation, que ce soit la création de nou­velles colonies ou l'extension de celles qui existent déjà (plus de 120), est tout sim­plement une forme d'expropriation des Pales­ti­niens de leur propre pays. En toute illé­galité, on réqui­si­tionne leurs terres, leurs maisons, leurs res­sources pour y construire de nou­veaux loge­ments des­tinés aux Israé­liens. Ceux qui sont expro­priés sont poussés vers des zones sur­peu­plées ou arides. De ce fait, ceux qui le peuvent font le choix de partir à l'étranger chercher une vie meilleure. Ceux qui restent sont appauvris et sans pers­pective d'avenir. Je décris dans mon ouvrage la réalité très concrète de la colo­ni­sation : un bédouin qui est harcelé quo­ti­dien­nement par un colon armé qui veut s'emparer de sa terre ; un paysan qui voit ses terres être saisies pour l'extension d'une colonie ; des bergers aux­quelles on interdit de se venir puiser l'eau dans leurs citernes parce qu'elles sont situées près d'une colonie ; des com­mer­çants obligés de cesser toute activité etc. La colo­ni­sation a pour aussi consé­quence de rendre la vie des tous les Pales­ti­niens très dif­ficile, voir impos­sible, car elle s'accompagne d'un réseau d'infrastructures et de routes réservées aux colons qui rend tout dépla­cement pour un Pales­tinien long et coûteux. D'une cer­taine façon, l'occupation ne se jus­tifie plus aujourd'hui que par la colo­ni­sation. Les mili­taires israé­liens déployés en Cis­jor­danie ont main­tenant pour prin­cipale mission de pro­téger les colons et de per­mettre la pour­suite de la colo­ni­sation, en empê­chant les Pales­ti­niens de s'y opposer.

- Qu'en avez-​​vous tiré comme enseignements ?

Il y a énor­mément d'ONG en Cis­jor­danie. Celles-​​ci sont d'horizon très divers (laïques ou confes­sion­nelles, natio­nales ou inter­na­tio­nales et) et font tant de l'urgence que du déve­lop­pement. L'ONU est également très pré­sente, son bureau OCHA assurant la coor­di­nation de l'action des ONG. L'UNRWA, qui est une agence onu­sienne, effectue un travail consi­dé­rable dans les camps de réfugiés. En Cis­jor­danie, peuplée de près de 2,4 mil­lions de Pales­ti­niens, 19 camps de réfugiés regroupent encore environ 180.000 per­sonnes. L'aide qui est apportée aux réfugiés demeure abso­lument indis­pen­sable, car ils vivent encore dans des camps sur­peuplés et peu équipés. Mais même hors des camps, les besoins restent très impor­tants. Par exemple, une enquête du CICR a montré que 80% des Pales­ti­niens rési­dants dans la zone d'Hébron sous contrôle directe de l'armée israé­lienne vivent main­tenant sous le seuil de pau­vreté, c'est-à-dire avec moins de 100 dollars par mois. Ce sont des vic­times écono­miques directes de la colo­ni­sation et des mesures dites de sécurité de l'armée israé­lienne qui empêchent de com­mercer, de se déplacer, de construire etc. C'est la raison pour laquelle le CICR délivre tous les mois à Hébron, dans le cadre d'un pro­gramme d'assistance, des colis de nour­riture à environ 8.000 per­sonnes. Bien d'autres situa­tions néces­sitent une action rapide et d'envergure. Glo­ba­lement, les tra­vailleurs huma­ni­taires sont bien acceptés par les deux camps. C'est d'ailleurs tout à l'honneur des auto­rités tant israé­liennes que pales­ti­niennes que de per­mettre aux ONG de mener leurs actions huma­ni­taires au service de la popu­lation civile pales­ti­nienne qui souffre des consé­quences du conflit et de l'occupation. Juste retour des choses, on ne peut qu'être frappé par la qualité de l'engagement de ces tra­vailleurs huma­ni­taires au service du bien-​​être de la popu­lation civile pales­ti­nienne. Il faut que les ONG et les orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales sur place conti­nuent leur travail au profit des popu­la­tions civiles. Cela ne fait aucun doute. Leur action au profit des civils est très utile. Ce sont elles aussi qui « docu­mentent » toutes les vio­la­tions des règles du droit des conflits armés.

Ces vio­la­tions sont le plus souvent publiques et connues de tous. Mais paral­lè­lement, sur place, les auteurs des vio­la­tions du droit inter­na­tional béné­fi­cient d'une forme d'impunité. C'est là que tout reste à faire. Cela nécessite sans doute une pression constante de l'opinion publique israé­lienne et pales­ti­nienne, des ONG locales et inter­na­tio­nales, pour que les parties pre­nantes s'engagent à effectuer de vraies enquêtes et à exercer des pour­suites judi­ciaires et dis­ci­pli­naires contre les auteurs de ces vio­la­tions. Mais cela passe aussi néces­sai­rement par une pression de la com­mu­nauté inter­na­tionale qui, lorsque ces pour­suites ne sont pas engagées, doit imposer tant à Israël qu'à la Palestine des enquêtes inter­na­tio­nales et la saisine d'une juri­diction pénale inter­na­tionale. Sans cette contrainte, il y a fort à craindre que rien ne changera. S'agissant de la colo­ni­sation israé­lienne en Cis­jor­danie, nous sommes dans une situation iden­tique. Le monde entier considère que la colo­ni­sation est illégale. Ses consé­quences écono­miques, sociales, démo­gra­phiques, cultu­relles et huma­ni­taires pour les Pales­ti­niens sont connues et docu­mentées. Mais aucune pression sérieuse et cohé­rente des États n'est exercée pour qu'il y soit mis fin. Toutes les options doivent pouvoir être uti­lisées, des pres­sions diplo­ma­tiques réelles jusqu'aux sanc­tions en passant par la saisine d'une juri­diction pénale inter­na­tionale. Il serait logique que Conseil de sécurité sai­sisse sur ce point la Cour pénale inter­na­tionale puisque le Statut de Rome puisque son article 8, 2.b.viii prévoit en effet que « le transfert, direct ou indirect, par une puis­sance occu­pante d'une partie de sa popu­lation civile, dans le ter­ri­toire qu'elle occupe, ou la dépor­tation ou le transfert à l'intérieur ou hors du ter­ri­toire occupé de la totalité ou d'une partie de la popu­lation de ce ter­ri­toire » constitue un des crimes de guerre punis­sables dans le cadre d'un conflit armé international.

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Interview G. Poissonnier

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