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Haneen Zoabi La pasionaria arabe israélienne

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La femme de la semaine | 31 mai, com­mé­mo­ration de l'abordage du " Mavi-​​Marmara ", en 2010 Sa pré­sence dans la " flot­tille pour Gaza " en mai 2010 et ses inter­ven­tions dans des pays dits ennemis lui ont valu nombre d'attaques à la Knesset. Pour autant, la députée affirme son intention de réitérer des actes militants

L'avocate et députée arabe israé­lienne Haneen Zoabi dans son bureau, à Jéru­salem, en 2010.

Elle est une écharde dans le corps poli­tique d'Israël - cer­tains diraient même une tique -, indé­cro­chable, ancrée à la Knesset, le Par­lement. Ce n'est pourtant pas faute de tenter de l'en extirper, par des motions, des votes et des recours en justice, parfois même manu militari. Les Juifs disent d'elle que c'est une teigne et une ter­ro­riste, et les Arabes israé­liens, les Pales­ti­niens, la regardent avec un mélange d'admiration et de jalousie : Haneen Zoabi incarne un courage poli­tique et une pug­nacité rares.

Même pas peur : de rien et de per­sonne. Elle l'a montré en moult occa­sions, mais surtout le 31 mai 2010, à bord du Mavi-​​Marmara, ce paquebot turc de la " flot­tille pour Gaza ", abordé par les com­mandos israé­liens au cours d'un assaut san­glant. Fait d'armes ? Cica­trice en tout cas. Depuis, elle n'a cessé d'être vili­pendée, devenant la bête noire de la droite et de l'extrême droite, qui rêvent de la juger pour " trahison ".

Haneen Zoabi s'en est tirée avec la sus­pension de ses pri­vi­lèges par­le­men­taires et la confis­cation de son pas­seport diplo­ma­tique. Mais elle a puisé dans cet épisode une com­ba­tivité renou­velée, pour dénoncer l'" apar­theid " israélien, continuer les pro­vo­ca­tions, enfin… pour se battre en faveur de ses idées ! S'il le faut, elle recom­mencera à par­ti­ciper à d'autres équipées mili­tantes, confiante dans sa baraka.

La preuve ? Le 7 mai, le très radical député du Likoud, Danny Danon, annonce une pétition par­le­men­taire pour interdire à Haneen Zoabi de par­ti­ciper aux pro­chaines élec­tions. " Elle n'a rien à faire à la Knesset, sa place normale est en prison ", martèle-​​t-​​il. Manque de chance, le 8 mai, Benyamin Néta­nyahou, le premier ministre, annule les élec­tions anti­cipées ! Elle va donc pour­suivre ses dia­tribes, son mili­tan­tisme exa­cerbé, qui découle de son identité écar­telée : arabe, musulmane (mais non pra­ti­quante), " pales­ti­nienne " mais citoyenne de l'Etat juif, bien des contraires à gérer…

A 12 ans, elle insistait (on imagine…) auprès de sa mère : " Tu me dis que je suis pales­ti­nienne, mais où est la Palestine ? Tu me dis que je suis israé­lienne, mais est-​​ce que ce drapeau me repré­sente ? " Céli­ba­taire, Haneen Zoabi a 43 ans, et elle n'a pas toutes les réponses. C'est une petite femme brune et jolie, qui se pas­sionne très vite. Elle est née et vit à Nazareth. Pourquoi avoir étudié la psy­cho­logie, la phi­lo­sophie, puis le jour­na­lisme ? " Parce que je voulais influencer la société, je voulais des outils pour éveiller la conscience des gens, parce que je veux une société qui puisse lutter pour ses droits. "

Par chance, dans sa famille, on insiste sur les " valeurs " : l'accomplissement de soi, l'éducation, la fierté, l'égalité (entre hommes et femmes autant qu'entre Juifs et Pales­ti­niens), et surtout la justice. En 1996, elle com­mence à militer à Balad (parti arabe israélien), dont elle deviendra l'une des trois députés en 2009.

Elle trouve vite ses marques. Et reven­dique aujourd'hui un demi-​​succès : " Nous avons sou­ligné la contra­diction entre sio­nisme et démo­cratie : un Etat, c'est fait pour tous ses citoyens ; or, en Israël, l'Etat est d'abord pour les Juifs. Un Etat qui se veut "juif" ne peut pas être démo­cra­tique ", assure-​​t-​​elle en faisant réfé­rence aux 20,6 % de la popu­lation arabe israé­lienne d'Israël.

Son dis­cours est-​​il proche de celui du Hamas ? Moins qu'on ne le croit : " Si je veux la démo­cratie, c'est pour que, Juifs et Arabes, nous puis­sions vivre ensemble. Or, comme citoyenne israé­lienne, je n'ai pas le droit d'exprimer mon identité de Pales­ti­nienne. " Quant à l'Etat pales­tinien, c'est autre chose. En tout cas, ce n'est pas, pour elle, l'enjeu essentiel. " Je ne crois pas à une pureté eth­nique au nom de laquelle les Juifs doivent vivre dans un Etat séparé des Pales­ti­niens, qui eux-​​mêmes doivent avoir un Etat sans Juifs. "

Haneen Zoabi reprend son souffle, et se lance de plus belle : " Je n'ai pas immigré : je ne suis pas une Algé­rienne en France ! C'est Israël qui a émigré vers moi : ils ont expulsé 85 % de mon peuple en 1947-​​1948. " A l'époque, insiste la pasio­naria de Nazareth, " ma patrie, la Palestine, a été violée, mais, concède-​​t-​​elle, aujourd'hui, nous devons traiter les Juifs israé­liens, même s'ils sont là à la suite d'un viol, comme nos égaux ".

A la Knesset, le dis­cours de Haneen Zoabi est rejeté en bloc, ce qui ne l'empêche pas de continuer à croire aux " outils de la démo­cratie ". Des députés d'extrême droite sont allés mani­fester devant son domicile pour demander son expulsion du Par­lement, d'autres ont exigé qu'elle soit déchue de sa citoyenneté israélienne.

Les motifs de cette hargne ? L'activisme sans limites de Haneen Zoabi : elle se rend en Libye, pays " ennemi " s'il en est ; en Afrique du Sud, pour y dénoncer " le racisme d'Israël ", à Hébron, pour pro­tester contre la pré­sence d'une poignée de colons juifs en pleine ville arabe. Elle demande que les émeutes d'octobre 2000 (début de la seconde Intifada) soient ensei­gnées dans les écoles, elle refuse de rester dans l'Hémicycle lorsque la Hatikva (l'hymne israélien) se fait entendre, et traite Benyamin Néta­nyahou et les chefs des partis israé­liens de " bande de fascistes "…

Mais elle balaie les accu­sa­tions de déloyauté envers l'Etat : " Si la loyauté signifie effacer mon honneur, ma per­son­nalité, mes droits et mon identité, alors je ne suis pas loyale. Si l'Etat confisque nos terres, détruit nos maisons, nous interdit d'étudier notre his­toire dans nos écoles, c'est qu'il n'est pas loyal envers ses citoyens. Si la seule manière de ne pas être consi­dérée comme anti­sémite, c'est de dire "d'accord, vous êtes chez vous, nous n'étions pas là avant 1948, vous êtes venus sur une terre qui était vide…", je ne serai jamais loyale envers le sionisme. "

Lorsque plu­sieurs députés tentent de l'éjecter par la force de la tribune de la Knesset, elle résiste, y compris face à un huissier. La paix, souligne-​​t-​​elle, doit être la fin d'un pro­cessus, " mais d'abord il y a la justice ". Haneen Zoabi reçoit des menaces de mort, les ignore, se félicite presque que " 100 députés " (sur 120) demandent son expulsion, et conclut avec défi : " On ne me fera pas taire ! " On n'en doute pas…

Publié par Le Monde


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