C'est la seule compagnie aérienne qui ne peut atterrir sur son propre territoire ni même le survoler. Pourtant, le vol inaugural de Palestinian Airlines, le 9 mai, apparaît comme un pied de nez palestinien à Israël, symbole de la marche vers la souveraineté. Les débuts sont donc modestes : deux vols par semaine entre l'aéroport d'El-Arish, en Egypte, près de la frontière avec Gaza, et celui d'Amman, en Jordanie, mais il n'empêche : absente du ciel depuis sept ans, la compagnie aérienne palestinienne fait son retour.
Pour les Gazaouis, c'est un véritable appel d'air, même si les deux Fokker 50 utilisés doivent compter 1 heure 35 de vol pour parvenir à leur destination, puisqu'ils font le grand tour, en passant au sud d'Eilat. Pas question, bien sûr, d'utiliser l'espace aérien d'Israël.
En 2001, peu après le déclenchement de la seconde Intifada, l'armée israélienne avait détruit le tarmac de l'unique aéroport palestinien de Rafah, au sud de la bande de Gaza. La compagnie palestinienne, fondée en 1995, avait dû se replier sur El-Arish, à 60 kilomètres à l'ouest de Rafah. Mais jusqu'à la fin de la présence israélienne dans Gaza, en 2005, le réservoir de passagers gazaouis s'était tari et Palestinian Airlines avait fermé ses portes.
C'est le souffle du printemps arabe qui a permis l'envol de Palestinian Airlines. Après la chute du président Hosni Moubarak, les autorités égyptiennes ont ouvert largement celles du point de passage de Rafah, entre Gaza et l'Egypte, et les Gazaouis, toujours victimes du blocus (bien qu'allégé) imposé par Israël, se sont précipités vers la liberté. Bref, la clientèle potentielle de Palestinian Airlines était de retour. Mais cette liberté est conditionnelle (les hommes de moins de 40 ans doivent obtenir une autorisation des services de sécurité égyptiens) et fragile.
Nuages à l'horizon
Les Palestiniens de Gaza observent avec autant d'inquiétude que les Egyptiens l'évolution de la situation politique au Caire. Car si Ahmed Chafik, l'ancien premier ministre d'Hosni Moubarak, devait emporter l'élection présidentielle, il n'est pas sûr qu'il maintienne les bonnes relations qui se sont nouées avec le gouvernement du Hamas à Gaza. A contrario, si Mohammed Morsi, chef de file des Frères musulmans, devait s'imposer, Israël (qui a accepté l'ouverture du check-point de Rafah) sera tenté de serrer le garrot du territoire.
L'Etat juif sera d'autant plus incité à brandir le bâton si la réconciliation entre le Fatah, le parti dominant de l'Autorité palestinienne, et le Hamas, engendre un gouvernement d'union. Ce n'est pas le seul nuage à l'horizon : avant que Palestinian Airlines atteigne une altitude de croisière, la compagnie " nationale " du futur Etat palestinien va voler à perte. Or il manque quelque 600 millions de dollars (481 millions d'euros) à l'Autorité palestinienne pour boucler l'année 2012. Ce qui fait beaucoup de turbulences : les passagers de Palestinian Airlines ne doivent pas s'attendre à un long vol tranquille…
Publié par Le Monde