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Palestine : Store et désaccords

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Depuis des années, le chef de la diplo­matie nor­vé­gienne s'investit dans la création d'un État pales­tinien. Il explique pourquoi cette der­nière semble pourtant s'éloigner de plus en plus. Et qua­lifie la situation actuelle d'extrêmement dangereuse.

Jonas Gahs Store (au centre), lors d'une visite à Gaza, en février 2009.

Aucun homme d'État occi­dental n'a autant oeuvré pour pro­mouvoir la création d'un État pales­tinien que Jonas Gahr Store, 52 ans, le cha­ris­ma­tique ministre nor­végien des Affaires étran­gères, un tra­vailliste qui jouit d'une popu­larité sans égale dans son pays. Pourtant, tous les efforts qu'il a déployés ces der­nières années se sont révélés vains, ruinés par l'intransigeance des Israé­liens, la division des Pales­ti­niens et la capi­tu­lation d'Obama face aux pres­sions de Tel-​​Aviv.

Après les accords d'Oslo de 1993, la Norvège s'est sentie dépo­si­taire du succès du pro­cessus de paix, estimant que son rôle était de tout faire pour qu'un État pales­tinien voie le jour. Mais cela sup­posait l'accord de l'État hébreu et le soutien des Amé­ri­cains. Elle n'a obtenu ni l'un ni l'autre.

Pour les Nor­vé­giens, le pro­cessus de paix com­porte deux volets paral­lèles mais dis­tincts. L'un, piloté par Washington, concerne le statut final (fron­tières, sécurité, réfugiés et Jéru­salem). L'autre, sous la hou­lette des Nor­vé­giens, consiste à mobi­liser des fonds pour aider les Pales­ti­niens à bâtir les ins­ti­tu­tions de leur futur État, à travers le Comité de liaison ad hoc (AHLC), comité des dona­teurs créé après les accords de 1993 et présidé par Store.

Construction

La stra­tégie du chef de la diplo­matie nor­vé­gienne était de battre en brèche l'argument des Israé­liens selon lequel ils n'avaient pas de par­te­naire côté pales­tinien pour établir la paix, en les mettant devant le « fait accompli » d'un État pales­tinien virtuel. Au cours d'un entretien, en juin, lors du dernier forum d'Oslo, Store m'expliquait ainsi sa position : « Nous espé­rions que les deux volets du pro­cessus de paix se rejoin­draient et avons tra­vaillé avec le Premier ministre de l'Autorité pales­ti­nienne, Salam Fayyad, pour l'aider dans la construction des ins­ti­tu­tions. Les Pales­ti­niens sont passés tout près de la création de leur État lorsqu'ils ont postulé au statut de membre des Nations unies, en sep­tembre 2011 - qui leur a fina­lement été refusé. L'Europe aurait dû parler d'une seule voix. Ce que fait Israël est contraire aux lois inter­na­tio­nales et à ses propres intérêts. La solution à deux États est en train de s'évanouir et nous sommes aujourd'hui dans une situation extrê­mement dan­ge­reuse. Les Pales­ti­niens vivent une double tra­gédie, celle de l'occupation et celle de la division. »

J'interrogeai ensuite le ministre des Affaires étran­gères sur sa vision de la montée des cou­rants isla­mistes à travers le monde arabe. « Ce serait le comble de l'hypocrisie si nous saluions la mise en place d'élections démo­cra­tiques et qu'ensuite nous fus­ti­gions leurs résultats. Il faut les accepter et, si besoin est, s'en servir pour mettre toute majorité démo­cra­ti­quement élue qui ne res­pec­terait pas les normes inter­na­tio­nales rela­tives aux droits de l'homme en face de ses res­pon­sa­bi­lités. Des pays comme l'Égypte, qui ont grand besoin d'investisseurs, doivent s'efforcer d'être le plus trans­parent pos­sible. Qui investira dans un pays où per­sonne ne rend de comptes ? »

Factions

Store a tou­jours été enclin à traiter avec tous les acteurs, sans néces­sai­rement adhérer à leur point de vue - raison pour laquelle il a col­laboré très tôt avec les Frères musulmans en Égypte -, la coopé­ration étant l'une des pierres angu­laires de la poli­tique étrangère du gou­ver­nement nor­végien de centre gauche arrivé au pouvoir en 2005 et réélu en 2009. « Nous, en Norvège, nous sommes prêts à dis­cuter avec tous les groupes pales­ti­niens, y compris le Hamas, même si nous ne recon­naissons pas pour autant sa charte, que nous trouvons pro­fon­dément trou­blante, rappelle-​​t-​​il. Nous sommes en faveur d'une récon­ci­liation nationale. En 2007, nous avions décidé de sou­tenir le gou­ver­nement d'union nationale, mais l'Union euro­péenne a fait l'erreur de ne pas nous suivre. »

Oslo plaide pour l'unité poli­tique pales­ti­nienne, tout en sachant que Tel-​​Aviv refu­serait de traiter avec un gou­ver­nement accordant une place au Hamas. Le cas échéant, il n'hésiterait pas à sus­pendre les pré­lè­ve­ments col­lectés au nom de l'Autorité pales­ti­nienne (AP), et les États-​​Unis, eux, cou­pe­raient leurs aides. Alors, plutôt que d'encourager le Hamas à rejoindre un gou­ver­nement d'union nationale, la poli­tique de la Norvège a été de mobi­liser les sou­tiens finan­ciers en faveur de l'AP, laissant ainsi à l'Égypte la tâche de récon­cilier les dif­fé­rentes fac­tions palestiniennes.

Il traite avec tous les acteurs, Hamas compris, sans pour autant adhérer à leur point de vue.

Parmi les ins­ti­tu­tions que la Norvège a contribué à créer dans le cadre de l'AHLC, cer­taines sont consa­crées à la sécurité et à la pré­vention des attaques contre Israël. Ce qui est d'ailleurs devenu une source d'embarras pour le pré­sident Abbas, qui s'est vu reprocher d'avoir facilité le travail d'Israël sans jamais récolter aucun geste poli­tique en retour quant à l'avancée du pro­cessus de création de l'État.

Déceptions

La Norvège a par ailleurs maintes fois rappelé à Israël que s'il refusait d'avancer dans le pro­cessus poli­tique, il s'exposerait à la las­situde des dona­teurs et devrait bientôt prendre lui-​​même en charge le pro­blème cis­jor­danien. Mais l'État hébreu a flairé le bluff et pour­suivi son impla­cable colo­ni­sation des ter­ri­toires pales­ti­niens, tout en comptant sur les fonds étrangers pour continuer à financer l'AP.

Le Quartet pour le Proche-​​Orient (États-​​Unis, ONU, Russie, Union euro­péenne) et son meneur amé­ricain n'ont pas réussi à obtenir le consen­tement de Tel-​​Aviv pour la création d'un État pales­tinien, et la capi­tu­lation d'Obama est une énorme déception autant pour les Pales­ti­niens que pour la Norvège, qui avait misé gros sur l'aboutissement du pro­cessus. Le Comité de liaison ad hoc avait atteint son pic d'activité au moment où les Pales­ti­niens ont déposé leur demande de recon­nais­sance auprès de l'ONU… réduite à néant par les États-​​Unis.

L'inéluctable conclusion est que ce comité n'a plus de rôle à jouer paral­lè­lement au volet poli­tique du pro­cessus de paix. Ce qui confirme l'analyse du ministre nor­végien des Affaires étran­gères quant à l'extrême dan­ge­rosité de la situation.

Publié par Jeune Afrique


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