Comme disent les Anglo-Saxons, il existe un "a… word" dans le dossier israélo-palestinien : "a" comme apartheid. L'usage de ce terme qui renvoie à un précédent historiquement et géographiquement identifié, suffit généralement à déclencher la controverse. Un sondage de l'institut Dialog pour le Yisraela Goldblum Fund a eu l'idée d'en faire le thème principal d'une étude consacrée aux relations israélo-arabes (Arabes israéliens et Palestiniens), du point de vue des Israéliens de confession juive sur la base d'un échantillon assez réduit de 503 personnes. Les résultats publiés par le Haaretz sous la plume de Gideon Levy (ce qui agacera plus d'un lecteur de ce blog) sont assez éclairants.
Tout d'abord, et c'est le plus marquant, une majorité relative des personnes interrogées (39%) considère qu'une forme d'apartheid de fait existe déjà en Israël, sans que l'on sache, compte tenu de l'intitulé évasif, à quel Israël la question renvoie (avec ou sans les territoires conquis militairement en 1967.)
Cette majorité devient même absolue (58%) si on ajoute ceux qui estiment que cette forme d'apartheid est généralisée, ce qui est un strict reflet de la réalité si on prend en compte les difficultés de circulation en Cisjordanie rencontrées par les Palestiniens sur des routes qu'empruntent sans encombres les Israéliens qui résident dans les colonies.
Encore plus nette est d'ailleurs la majorité favorable à un système de routes séparées pour Israéliens et Palestiniens en Cisjordanie : 50% le juge "nécessaire" et 24% "bon", ce qui porte à 74% le total de personnes interrogées qui y sont favorables. Une majorité relative (47% contre 40 qui sont d'un avis opposé) accueille favorablement l'idée de "transfert" d'Arabes israéliens dans les territoires administrés par l'Autorité palestinienne (il n'est pas précisé s'il s'agit d'un transfert physique ou d'un rattachement de localités arabes israéliennes à la Cisjordanie) et une majorité absolue (69% s'oppose à un droit de vote pour les Palestiniens dans ce qui serait un Etat unique (Israël et Cisjordanie).
Depuis une décennie, des responsables israéliens mettent en garde contre les conséquences d'un enracinement en Cisjordanie qui condamnerait la solution des deux Etats. Cette perspective, disent-il, impliquerait que les Israéliens choisissent entre l'Etat unique et l'apartheid. Il semble que ce choix soit déjà fait sans que l'on sache ce qui relève du choix idéologique (l'étroitesse de l'échantillon alimente les doutes sur les sous-catégories de population, ultra-orthodoxes, "russes"… évoquées dans l'article) et ce qui renvoie au fatalisme, faute de négociations possibles à proche ou moyenne échéance.
Publié par Le Monde.fr