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A Gaza, les cinémas ont fermé, les films sont dans la rue

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Le réalisateur palestinien Ibrahim Yaghi. | D. R.

Dans la bande de Gaza, en Palestine, il y a ceux qui sont nés avant les années 1980. Et ceux qui sont nés après. Les pre­miers ont connu les charmes des salles obs­cures. Les seconds ne sont jamais allés au cinéma. C'est simple, il n'y en a plus. Le pro­blème est réglé. Enfin, pas pour tout le monde. Cer­tains en sont ter­ri­blement frustrés. Ça peut rendre nerveux et donner des idées folles. C'est visi­blement ce qui est arrivé au réa­li­sateur de Gaza, 36 mm (clin d'oeil aux films en 35 mil­li­mètres). Khalil El Muzayen est suf­fi­samment âgé pour avoir goûté aux plaisirs de la ciné­philie. Enfant, il faisait des petits boulots pour se payer le ticket d'entrée au cinéma.

Khalil El Muzayen apparaît dans son docu­men­taire, aux côtés des jeunes jumeaux qui sont en manque, eux aussi. Ils ont de drôles d'idées. Par exemple, ils éditent des fausses affiches de films, aux titres pro­vo­ca­teurs : Pluie d'été, Plomb durci, du nom des attaques mili­taires d'Israël contre la Palestine. Ils fabriquent un pro­jecteur de fortune, avec une roue de bicy­clette si l'on a bien compris…

Nous n'avons pas vu voir Gaza 36 mm, le film n'étant pas encore tout à fait achevé. En cher­chant un peu sur Internet, on trouve un "trailer" sur vimeo, 1 minute et 48 secondes d'images qui intriguent. Les rares pro­fes­sionnels qui ont visionné les "quarante-​​sept minutes déjà montées" se sont dits étonnés, per­suadés qu'il y avait là "un fort potentiel". L'un d'eux estime qu'il serait "parfait" en ouverture du fes­tival de Cannes ou de Berlin.

Le pro­ducteur du film, Ibrahim Yaghi, 32 ans, sourit. Jusqu'au dimanche 4 novembre, il est à Mont­pellier, au fes­tival Cinemed (du 26 octobre au 3 novembre), pour défendre son projet. Lui-​​même a grandi à Gaza, dans le camp pales­tinien Deir El Balah. "Un immense lieu de tournage", grince-​​t-​​il. "Les medias prennent des images en per­ma­nence. C'est comme si toute notre vie était mise en scène".

Des islamistes "cinéphobes"

En même temps, Gaza est devenu un no man's land sur le plan du sep­tième art. "Les salles de cinéma ont disparu depuis la fin des années 1970. Des grou­pus­cules isla­mistes les ont détruites. Non pas que les films por­taient atteinte aux bonnes moeurs. Le cinéma était une sortie en famille, ou en amoureux. Les films venaient de partout. Il y avait une dizaine de cinémas sur toute la bande de Gaza. Main­tenant, c'est fini : les exploi­tants ont perdu leur travail, il n'y a pas de dis­tri­buteur. L'ancien patron de la salle Jala, par exemple, est devenu épicier. Il vend des oignons… Dans le film, le réa­li­sateur montre un ancien cinéma qui est devenu une décharge".

Ibrahim Yaghi a fondé sa société de pro­duction, Lama Films, mais il a aussi été camé­raman, directeur de la photo, a tra­vaillé dans "une agence de news"… Le réa­li­sateur de Gaza 36 mm est un ami. Ibrahim Yaghi a fait équipe avec Khalil El Muzayen sur un pré­cédent projet : le web-​​documentaire Gaza Sderot : la vie malgré tout, prix Europa à Berlin en 2008, diffusé à l'époque sur arte​.tv et tou­jours dis­po­nible sur le site.

Pendant deux mois, d'octobre à décembre 2008, deux équipes de tournage, l'une à Gaza (Palestine), l'autre à Sderot (Israël), ont suivi le quo­tidien de per­son­nages vivant de part et d'autre de la fron­tière israélo-​​palestinienne (étudiant, musicien, coiffeur, ambu­lancier…). Cela a donné qua­rante épisodes de deux minutes chacun. Quand on lui demande comment il trouve de l'argent pour faire ses films, Ibrahim Yaghi répond sim­plement : "A Gaza, il n'y a évidemment pas de soutien au cinéma : quand on a une idée, on y va."

Publié par Le Monde


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