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Colonisation : "Le bras d'honneur d'Israël à la communauté internationale"

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À peine admis à l'Assemblée générale de l'ONU, le nouvel État pales­tinien est-​​il déjà tor­pillé ? La décision d'Israël de construire 3000 loge­ments sup­plé­men­taires en ter­ri­toire pales­tinien - en Cis­jor­danie, ainsi qu'à Jérusalem-​​Est - rend encore plus hypo­thé­tique la via­bilité sur le terrain d'un futur État pales­tinien, la Cis­jor­danie se retrouvant de fait coupée en deux. Repré­sen­tante de l'Autorité pales­ti­nienne auprès de l'Union euro­péenne, Leïla Shahid explique au Point​.fr pourquoi l'indignation de la com­mu­nauté inter­na­tionale est purement rhé­to­rique et réclame des sanc­tions contre l'État hébreu.

Le Point​.fr : Comment avez-​​vous réagi à l'annonce de nou­velles construc­tions en ter­ri­toire palestinien ?

Leïla Shahid : Le but de la construction de la zone E1 (1) est d'encercler Jérusalem-​​Est, et donc de couper la ville de la Cis­jor­danie. Tout d'abord, E1 est déjà en partie construite. Les 3000 nou­velles unités ne vont que couper Jéru­salem de la route de Jéricho, qui mène à Amman (Jor­danie). Or, cet axe est le poumon de notre État.

Pour la première fois, la communauté internationale a réagi fermement.

Détrompez-​​vous. Il n'y a rien de nouveau. Ce qu'ont déclaré les États-​​Unis, la France ou la Grande-​​Bretagne relève de la position clas­sique de ces pays, chaque fois qu'Israël annonce de nou­veaux projets de colo­ni­sation. Cela, nous l'entendons depuis main­tenant 30 ans. Je remarque au passage que la France n'a même pas pris la peine de convoquer son ambas­sadeur à Tel-​​Aviv, ce qui aurait été beaucoup plus fort. Tout cela n'est que rhé­to­rique, et Israël le com­prend bien. Avec Benyamin Neta­nyahou, les paroles ne servent à rien. La preuve, lors de sa der­nière visite en Palestine, Hillary Clinton a demandé au Premier ministre israélien de ne pas prendre de mesures de rétorsion.

La presse israélienne parle d'ailleurs de gifle infligée à Barack Obama.

C'est plus qu'une gifle. C'est un bras d'honneur d'Israël à toute la com­mu­nauté inter­na­tionale, à tous ceux qui ont voté en faveur d'un État pales­tinien à l'ONU. Comment pourrait-​​on expliquer sinon que cette décision a été prise seulement 24 heures après la pro­cla­mation de cet État ? Cela ne fait que prouver l'arrogance et le mépris d'Israël à l'encontre de la com­mu­nauté inter­na­tionale. Rien ne changera tant que celle-​​ci ne décidera pas de sanctions.

Quelles seraient-​​elles ?

Si les États qui ont voté en faveur de l'admission de la Palestine à l'ONU sont réel­lement sérieux, ils pren­draient des mesures de rétorsion écono­miques et poli­tiques. Une seule per­sonne l'a fait jusqu'ici, c'était Claude Cheysson (ancien ministre des Rela­tions exté­rieures de François Mit­terrand, NDLR). Il y a 30 ans, Israël a décidé de fermer les uni­ver­sités pales­ti­niennes. En consé­quence, Claude Cheysson a sus­pendu les accords de coopé­ration éducative et scien­ti­fique entre la France et Israël. On sait aujourd'hui que l'État hébreu profite d'un important pro­gramme européen de finan­cement pour sa recherche. L'histoire a montré qu'une sus­pension de ces accords, ou ne serait-​​ce que d'une de ses clauses, fait bouger le gou­ver­nement israélien.

Pourquoi la communauté internationale ne bouge-​​t-​​elle pas aujourd'hui ?

Claude Cheysson avait la volonté politique. Elle n'existe plus aujourd'hui.

Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que rien ne changera tant qu'Obama ne l'aura pas décidé.

Ce n'est pas vrai. Benyamin Neta­nyahou vient de subir une grande débâcle à l'Assemblée générale de l'ONU, malgré le soutien d'Obama (les États-​​Unis ont voté contre le chan­gement de statut de la Palestine, NDLR). Le monde est en train de changer. Les États-​​Unis ne sont plus l'unique hyper-​​puissance. Les Amé­ri­cains sont obligés de prendre en consi­dé­ration la mul­ti­po­larité du monde d'aujourd'hui. À l'ONU, en dépit de toutes les pres­sions exercées sur Mahmoud Abbas, celui-​​ci est parvenu à décrocher une vic­toire morale pour la Palestine.

Mais cette vic­toire, qui ne change rien sur le terrain, n'est-elle pas uni­quement symbolique ?

C'est une vic­toire morale, pas sym­bo­lique. Il est important de rap­peler au monde que les Pales­ti­niens sont un peuple protégé par des droits inalié­nables. Un peuple qui a droit à l'autodétermination, ce qu'Israël semble avoir oublié.

Pourtant, Israël assure qu'aller uni­la­té­ra­lement à l'ONU, c'est violer les accords d'Oslo de 1993.

Ce point n'a pas étéévoqué dans ces accords, tout sim­plement parce que nous n'avons jamais imaginé que nous devrions négocier ce droit à un État. D'autre part, vous me parlez d'initiative uni­la­térale, mais comment qua­lifier dans ce cas ce qu'a fait Israël en 1948 (2) ? Le droit à un État ne se négocie jamais bilatéralement.

Israël redoute que vous pro­fitiez de ce nouveau statut pour tra­duire ses res­pon­sables devant la justice internationale.

Mon pré­sident (Mahmoud Abbas, NDLR) en décidera à la lumière des événe­ments. Mais nous ne res­terons pas les bras croisés pendant qu'Israël continue à confisquer des ter­ri­toires de notre État. Main­tenant, sachez que si la com­mu­nauté inter­na­tionale prend des déci­sions sérieuses et rend Israël res­pon­sable de ses actes en prenant des sanc­tions, nous n'aurons plus besoin d'aller aux tri­bunaux. Le pro­blème, c'est qu'elle ne met pas en oeuvre les plus de 400 réso­lu­tions qu'elle a votées par le biais du Conseil de sécurité de l'ONU et l'Assemblée générale. On a le sen­timent qu'après la guerre de Gaza, qui a mar­gi­nalisé Mahmoud Abbas, celui-​​ci a effectué un dernier baroud d'honneur à l'ONU.

La guerre de Gaza a montré aux yeux de l'opinion publique pales­ti­nienne que la lutte paci­fique avait échoué. En effet, les longues roquettes du Hamas envoyées pendant huit semaines ont obligé Neta­nyahou à accepter un com­promis, ce qu'il a refusé en 40 ans de négo­cia­tions avec nous. C'est d'ailleurs pour cela qu'en dernier recours Mahmoud Abbas est alléà l'ONU, lieu le plus mul­ti­la­téral qui soit. Ce n'est pas un baroud d'honneur, mais un ensei­gnement des leçons tirées.

Accueilli en héros dimanche à Ramallah, Mahmoud Abbas s'est engagéà par­venir à la récon­ci­liation avec le Hamas. N'est-ce pas un voeu pieux ?

La récon­ci­liation est un voeu immense de la popu­lation. Alors que mon pré­sident pro­nonçait son dis­cours dimanche, tous les Pales­ti­niens scan­daient : "Le peuple veut mettre fin à la division". On a également vu que M. Mechaal (res­pon­sable du bureau poli­tique du Hamas, NDLR) a soutenu notre ini­tiative, ce qui est une main tendue à la com­mu­nauté inter­na­tionale. Hamas ou Fatah, la finalité de notre combat est la même. Il est temps de mettre de côté les ambi­tions per­son­nelles de part et d'autre. Mahmoud Abbas veut y arriver. Khaled Mechaal aussi.

La guerre de Gaza n'a-t-elle pas enterré la lutte pacifique ?

Vous savez, les Pales­ti­niens ont tel­lement envie d'une solution poli­tique. Dans la rue, la grande majorité d'entre eux croyaient vraiment que l'admission de la Palestine à l'ONU allait entraîner de rapides consé­quences diplo­ma­tiques. Mais la vraie question est la sui­vante : les États qui ont voté pour nous le veulent-​​ils vraiment ? La guerre de Gaza a rendu le choix d'autant plus clair pour tout le monde. Soit on choisit les mis­siles et la lutte mili­taire, soit on préfère la diplo­matie. Mais dans ce dernier cas nous devons être sou­tenus par des déci­sions sérieuses, comme des sanc­tions contre les vio­la­tions israé­liennes. Nous, Pales­ti­niens, ne pouvons pas mettre en place les réso­lu­tions que la com­mu­nauté inter­na­tionale a elle-​​même votées. La balle est dans son camp.

(1) Les contruc­tions prévues concernent notamment la zone E1, par­ti­cu­liè­rement contro­versée car située entre Jéru­salem et la colonie de Maalé Adoumim. Ainsi, elle cou­perait purement et sim­plement la Cis­jor­danie en deux.

(2) Le 14 mai 1948, la décla­ration d'indépendance d'Israël est pro­noncée par David Ben Gourion, qui devient le premier Premier ministre de l'État hébreu.


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