L'actrice palestinienne Hiam Abbass passe derrière la caméra avec un film bien plus engagé qu'il n'y paraît au premier abord.
« Ce n'est pas un film politique ! » affirme à qui veut l'entendre Hiam Abbass, la grande actrice palestinienne qui réalise un premier long-métrage très attachant. Héritage, au sens strict, n'est en effet qu'une histoire familiale, un film choral. Il raconte, sur fond de bruits de guerre en Galilée, les déchirements d'une famille palestinienne. Alors que celle-ci s'apprête à célébrer un mariage, le grand-père et patriarche tombe dans le coma ; ce qui suscite des convoitises sur sa fortune. Mais, au même moment, une soeur de la future épouse, Hajar, magnifiquement interprétée par Hafsia Herzi, décide contre l'avis de tous de prendre sa liberté et de partir vivre au loin avec son amoureux britannique.
Un film apolitique ? Non, évidemment. Comment pourrait-il en être ainsi alors que Hiam Abbass raconte une véritable guerre familiale dans une ambiance explosive qui permet de faire apparaître les dilemmes auxquels sont confrontés les Palestiniens d'Israël quels que soient leur âge, leur profession, leur statut social, leur vie en ville ou à la campagne, leur position vis-à-vis de la tradition ? Impossible de ne pas ressentir la dimension immédiatement métaphorique de cette histoire, qui est celle d'une population en recherche d'identité, prise « en sandwich » - l'expression est celle de la réalisatrice - entre deux cultures. Mais Hiam Abbass craint de voir son film accueilli simplement comme une oeuvre de plus évoquant après tant d'autres le sort tragique des Palestiniens. D'où ce déni - surjoué bien sûr - du caractère éminemment politique d'Héritage.
Évidence
Un déni pour le moins paradoxal, d'ailleurs, de la part d'une femme au physique certes menu, mais au caractère on ne peut plus affirmé et aux convictions bien ancrées. Ainsi, lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense de la récente percée de la Palestine à l'ONU, Hiam Abbass affiche tout de suite son enthousiasme. Et quand on remarque qu'elle ne parle que de « Palestiniens d'Israël » et jamais d'« Arabes d'Israël », elle n'y va pas par quatre chemins pour s'insurger contre la seconde formule tant prisée par ceux qui nient la spécificité du peuple auquel elle appartient. D'autant qu'elle se souvient de l'époque où l'on ne pouvait pas prononcer à voix haute le mot « Palestinien » en Israël. Et le rêve pour l'avenir de cette récente cinquantenaire, la solution qu'elle appelle de ses voeux pour que sa terre retrouve à jamais la paix ? « Un seul État sur toute l'étendue de la Palestine », sans hésitation. Essentiellement connue comme actrice, en vedette dans beaucoup de « petits films » très remarqués (Satin rouge, Les Citronniers, La Fiancée syrienne, etc.) mais aussi courtisée par les plus grands metteurs en scène, d'Alejandro González Iñárritu (Babel) à Amos Gitaï (Free Zone) en passant par Steven Spielberg (Munich), excusez du peu, pourquoi a-t-elle éprouvé le besoin de passer derrière la caméra ? Elle ne sait que répondre car c'était devenu depuis un bon moment une évidence pour cette ancienne photographe. Elle a donc tourné deux courts-métrages au début des années 2000 puis, réécrivant un scénario qu'on lui avait proposé, a « porté» jusqu'à son terme le film qui sort le 12 décembre en salle.
Elle commence déjàà penser au suivant, qui devrait lui faire quitter le décor de son Moyen-Orient natal pour l'univers de l'Occident, où elle réside - à Paris - depuis une vingtaine d'années. Sans pour autant songer le moins du monde à abandonner sa carrière de comédienne, au théâtre ou sur le grand écran. Nul risque d'ailleurs qu'on oublie cette facette de son talent : elle sera à l'affiche de pas moins de quatre films - dont le prochain de la Marocaine Leïla Marrakchi - en 2013 ! [1]
[1] voir aussi iLoubnan le 24 novembre 2012 :
Les femmes arabes s'imposent dans l'industrie du cinéma
Au Moyen-Orient, l'industrie du film a toujours été florissante et dynamique ; Kathleen Quigley, directrice des relations publiques au sein de la Global Philadelphia Association, nous apprend que les réalisatrices arabes sont, elles, des pionnières visionnaires. L'édition 2012 du Festival du film Tribeca de Doha vient de démarrer. Cet événement annuel, organisé par le Doha Film Institute, est l'un des plus grands festivals du film du Moyen-Orient : certains des meilleurs films arabes et internationaux de ces douze derniers mois y sont projetés. Dans la catégorie « Films arabes », on retrouve deux documentaires réalisés par des femmes : Rafea : Solar Mamas de Jehane Noujeim et de Mona Eldaief et Embers de Tamara Stepanyan.
En effet, partout au Moyen-Orient, les femmes s'imposent dans l'industrie cinématographique. Dans cette partie du monde, les femmes et le cinéma ont un rapport de plus en plus enrichissant, un rapport qui s'enracine dans les traditions bien établies de la production cinématographique de la région. Un des exemples les plus parlants de cet essor est le travail de la Libanaise Nadine Labaki – qui figure sans doute parmi les réalisatrices et actrices les plus célèbres du Moyen-Orient. Son premier film,Caramel, qu'elle a écrit et dirigé fut lancé au Festival de Cannes en 2007. C'est une histoire complexe et tout en nuances, avec une prémisse familière : un groupe de femmes éclectique se retrouve régulièrement dans un salon de beauté. Le film aborde des problèmes délicats qui touchent la société libanaise et explore de manière thématique la religion et le post-colonialisme.
Le deuxième film écrit et réalisé par Nadine Labaki - dans lequel elle tient aussi un rôle - a été projeté pour la première fois à Cannes en 2011. Par rapport au premier, ce nouveau film de la réalisatrice, intitulé Et maintenant on va où ? est une étude encore plus approfondie des identités religieuses au Liban. Dans un village où les hommes s'acharnent sur leurs différences religieuses et s'affrontent en tant que musulmans et chrétiens, les femmes des deux bords se liguent, de manière subtile, pour persuader ces derniers d'arrêter la violence.
Tout comme Caramel, ce deuxième long-métrage a pour sujet la vie de Libanaises ordinaires touchées par les réalités complexes du Liban, dues aux nombreuses décennies de bouleversements politiques subis par ce pays. Tout en étant dotés d'une grande conscience des obstacles qui empêchent la paix intérieure au Liban, les films de Nadine Labaki sont néanmoins optimistes.
Connue internationalement pour son film de 1994, Les Silences du Palais , situé en Tunisie, à la fin de l'ère coloniale, Moufida Tlatli est la première femme arabe à avoir réalisé un long-métrage dans le monde arabophone. Suite au départ du président Zine El Abidine Ben Ali en 2011, Moufida Tlatli est devenue ministre de la culture au sein du gouvernement provisoire. Le fait que cette célèbre réalisatrice a été nommée à un poste gouvernemental après une révolution tumultueuse en dit long sur elle.
Parmi les pionnières du cinéma arabe, il faut citer également Annemarie Jacir. Son film Le sel de la mer est le premier long-métrage réalisé par une Palestinienne. Ce film parle d'une jeune Américaine d'origine palestinienne, prénommée Soraya, qui se rend à Jaffa pour réclamer des biens ayant appartenu à son défunt grand-père. Cependant, elle apprend très vite que tout ce qui appartenait à celui-ci a été confisqué il y a longtemps par l'Etat israélien. La réalisatrice a terminé son deuxième film en Jordanie l'an dernier. Celui-ci s'intitule : When I saw you (Quand je t'ai vu) et parle d'une famille de réfugiés palestinienne, qui se retrouve séparée au lendemain de la guerre de 1967. Annemarie Jacir échafaude des histoires qui résonnent comme des exemples personnalisés d'échange culturel. Sa particularité est de se focaliser sur le fait que les êtres humains sont partout les mêmes, peu importe leur sexe, leur nationalité ou leur origine. Dans Le sel de la mer, le personnage de la jeune Israélienne qui vit désormais dans la maison ancestrale de la protagoniste principale, Soraya, ne peut s'empêcher d'éprouver de la compassion pour cette dernière.
Les célèbres Nadine Labaki , Moufida Tlatli et Annemarie Jacir ne représentent qu'une toute petite partie des réalisatrices arabes. Au Moyen-Orient, la production et la distribution cinématographiques ont toujours revêtu une grande importance ; l'industrie du film est d'autant plus active depuis 2010 et la vague de révolutions qui s'en est ensuivi. Quant aux Occidentaux, tous ces films, sont d'une grande valeur pour eux : ce sont de véritables fenêtres sur la société arabe contemporaine.
Dans l'ensemble du monde arabe, le septième art bénéficie de l'aide de l'Etat ; on peut donc s'attendre à une plus grande implication des femmes arabes dans la production cinématographique, avec une participation à part entière dans la création de films abordant les thèmes de l'égalité des sexes, de la religion et de l'infiltration de la politique, alambiquée, dans la vie quotidienne des gens.
Par Kathleen Quigley, directrice des relations publiques pour la Global Philadelphia Association.
15 décembre 2012http://www.jeuneafrique.com/Article...
ajout de note : CL, Afps