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Israël : qui finance les colonies ?

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Les implan­ta­tions juives sont au coeur de la cam­pagne pour les légis­la­tives, ce mardi. Elles béné­fi­cient d'une aide finan­cière accrue, de l'Etat d'Israël mais aussi d'une mul­titude d'organisations étran­gères, dont des chré­tiens évan­gé­liques amé­ri­cains et européens.

L'émergence du parti natio­na­liste reli­gieux du Foyer Juif de Naftali Bennett, proche des colons, qui pourrait rem­porter 15 sièges aux légis­la­tives de ce mardi, a conduit le gou­ver­nement de Benyamin Neta­nyahu a faire de la sur­en­chère en faveur des colonies. Celles-​​ci ne manquent pas de soutien, tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. Le reportage de notre correspondante.

L'émergence du parti natio­na­liste reli­gieux du Foyer Juif de Naftali Bennett, proche des colons, qui pourrait rem­porter 15 sièges aux légis­la­tives de ce mardi, a conduit le gou­ver­nement de Benyamin Neta­nyahu a faire de la sur­en­chère en faveur des colonies. Celles-​​ci ne manquent pas de soutien, tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. Le reportage de notre correspondante.

La petite colonie juive de Karnei Shomron, cernée d'une clôture bar­belée, est posée dans un paysage aride de roches et d'oliviers, en Cis­jor­danie. Ici, de jolies maisons à l'américaine, entourées de vertes pelouses, longent des allées bordées d'arbres. Sondra Baras, petite femme replète et dyna­mique, ori­gi­naire de Cle­veland, aux Etats-​​Unis, y a ins­tallé le siège de son ONG, Christian Friends of Israeli Com­mu­nities (Amis chré­tiens des com­mu­nautés d'Israël).

L'aide des chrétiens évangéliques

Ce matin, coiffée de la tra­di­tion­nelle cas­quette prisée par les femmes juives reli­gieuses et natio­na­listes, elle trie les chèques épar­pillés sur son bureau. "Le gou­ver­nement israélien ne peut pas couvrir tous nos besoins, explique-​​t-​​elle. Alors nous pro­posons à des chré­tiens évan­gé­liques de financer des projets sociaux ou huma­ni­taires en Judée-​​Samarie [terme utilisé par les colons pour désigner la Cis­jor­danie] : école, aire de jeux, bâtiment pour l'accueil d'enfants handicapés…"

Entre 2001 et 2010, le gou­ver­nement israélien aurait couvert en moyenne 60% des budgets d'investissement dans les colonies, pour 29% de ces budgets dans les villes situées ailleurs

Ces bien­fai­teurs seraient tou­jours plus nom­breux, aux Etats-​​Unis, mais aussi au Royaume-​​Uni, en Alle­magne et aux Pays-​​Bas. Et plus orga­nisés. "Depuis une dizaine d'années, beaucoup de voya­gistes spé­cia­lisés dans les pèle­ri­nages nous connaissent, précise Sondra Baras. Ils pro­posent aux tou­ristes de passer un ou deux jours en Judée-​​Samarie, afin de visiter les sites bibliques et de ren­contrer les com­mu­nautés juives qui y vivent. Après, si les visi­teurs sont convaincus, ils peuvent faire des dons." Ener­gique avocate de la colo­ni­sation, elle reven­dique "plu­sieurs mil­liers de dona­teurs", qui débour­se­raient chaque année "entre un et deux mil­lions de dollars". Une goutte d'eau, au regard du coût de l'implantation et de l'entretien des colonies de Cis­jor­danie. "La prin­cipale source de finan­cement des colonies, et de très loin, c'est l'Etat israélien, rap­pelle le socio­logue Shlomo Swirski, de l'institut d'analyse des poli­tiques publiques Adva. Tandis que l'armée assure la pro­tection des colons, Israël finance les infra­struc­tures des implan­ta­tions et les plans de construction. Et les budgets des muni­ci­pa­lités y béné­fi­cient de trans­ferts plus généreux." Selon Adva, entre 2001 et 2010, le gou­ver­nement israélien aurait couvert en moyenne 60 % des budgets d'investissement dans les colonies, pour 29 % de ces budgets dans les villes situées ailleurs.

"Dans les années 1980, quand on a déve­loppé la Judée-​​Samarie, en construisant de nou­velles implan­ta­tions, l'Etat a mul­tiplié les inves­tis­se­ments lourds, les exemp­tions de taxes et les sub­ven­tions, afin d'encourager les familles israé­liennes à s'y ins­taller, reconnaît Dani Dayan, pré­sident de Yesha, prin­cipale orga­ni­sation de colons. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui." Reste qu'en pleine cam­pagne élec­torale, avant le scrutin légis­latif du 22 janvier, le gou­ver­nement de Benyamin Neta­nyahou a encore donné un coup d'accélérateur à l'élargissement des colonies en Cis­jor­danie et à Jéru­salem. Et relancé le projet d'un nouveau quartier de colo­ni­sation dans la Ville sainte, en lieu et place de champs d'oliviers, à la lisière de Bethléem.

Coûteuse Cisjordanie, coûteuses colonies

Tout au long de l'été2011, la classe moyenne et les jeunes Israé­liens sont des­cendus dans la rue pour pro­tester contre la vie chère. Parmi eux, cer­tains ont pointé du doigt le fardeau financier que repré­sentent l'occupation en Cis­jor­danie et les colonies. "Pour autant, il est très dif­ficile de connaître leur coût réel, car ces dépenses ne font pas l'objet d'une ligne par­ti­cu­lière dans le budget, note Hagit Ofran, direc­trice de l'observatoire des implan­ta­tions de l'ONG la Paix main­tenant. Selon nos sources, Israël a déclaréà son par­te­naire amé­ricain trans­férer environ 250 mil­lions de dollars (190 mil­lions d'euros) par an aux colonies. Mais ce chiffre me paraît sous-​​estimé." Selon l'organisation, les inves­tis­se­ments bruts dans les bâti­ments publics des colonies de Cis­jor­danie en 2009 ont repré­senté15 % du total des inves­tis­se­ments publics dans le secteur de la construction, alors que les colons de Cis­jor­danie repré­sentent 4 % de la popu­lation israé­lienne. Plus anec­do­tique mais révé­lateur, la Paix main­tenant révèle que le prix payé par la com­pagnie d'électricité israé­lienne IEC pour racheter aux par­ti­cu­liers le kilo­watt­heure dégagé par les pan­neaux solaires n'a pas la même valeur : 1,61 shekel (0,30 euro) en Israël, pour 2,04 shekels (0,40 euro) dans les colonies.

"Je veux que chaque juif dans le monde possède un morceau de terre à Jérusalem"

Petite kippa cro­chetée, les tsitsit (franges) des juifs pieux dépassant de son blouson, Arieh King, la qua­ran­taine, est un homme clef de la colo­ni­sation de Jérusalem-​​Est, la partie arabe de la Ville sainte, annexée par Israël en 1967. Il n'a qu'un but : ren­forcer la pré­sence juive dans ce secteur de la ville. "Je suis un courtier sio­niste, résume-​​t-​​il. Je veux que chaque juif dans le monde possède un morceau de terre à Jérusalem."

Avec son orga­ni­sation, Israel Land Fund (Fonds de la terre d'Israël), il achète des ter­rains aux endroits "stra­té­giques, près de la Vieille Ville ou sur le mont des Oli­viers", pour le compte d'acquéreurs juifs, mili­tants d'une Jéru­salem à jamais indi­vi­sible. "Il faut savoir que si un Arabe de Jéru­salem veut céder sa terre à un juif, il risque de se faire tuer immé­dia­tement, sou­ligne Arieh King. D'où l'intérêt de mon orga­ni­sation : nous recher­chons des Pales­ti­niens qui veulent vendre, et nous uti­lisons la plupart du temps des hommes de paille, arabes, venus d'Europe ou des Etats-​​Unis, qui acceptent d'acheter pour nous, contre une com­mission de 5à7 %."

En 2011, Israel Land Fund a acquis et revendu plus de 40 pro­priétés, à Jérusalem-​​Est, mais aussi en Cis­jor­danie et dans les quar­tiers arabes des villes du nord d'Israël, à Acre (Saint-Jean-d'Acre) ou en Galilée. Le groupe tra­vaille avec plus d'une cen­taine d'investisseurs israé­liens et étrangers, majo­ri­tai­rement amé­ri­cains, mais reste très discret quant à leur identité. A peine Arieh King reconnaît-​​il du bout des lèvres être "en relation avec Irving Mos­kowitz", un Amé­ricain de confession juive à la tête d'une fortune colossale construite dans le business des cli­niques et des casinos. Le mil­liar­daire, âgé de 85 ans, entend "judaïser" l'est de la Ville sainte, à majorité arabe, en y achetant des maisons (la plus célèbre étant l'hôtel She­pherd, ex-​​propriété emblé­ma­tique du grand mufti de Jéru­salem Hadj Amin al-​​Husseini, qui se com­promit dans une alliance avec les nazis pendant la Seconde Guerre mon­diale). Mos­kowitz dis­tribue par ailleurs chaque année des mil­lions de dollars, par l'intermédiaire de sa fon­dation et celle de son épouse, à de nom­breuses orga­ni­sa­tions israé­liennes pro-​​colonies.

A en croire le New York Times, des dons repré­sentant plus de 200 mil­lions de dollars (150 mil­lions d'euros déduits des impôts) ont été versés outre-​​Atlantique, entre 2000 et 2010, pour les colonies juives en Cis­jor­danie et à Jérusalem-​​Est. Ces fonds ont permis de financer la construction d'écoles et de syna­gogues, mais aussi l'acquisition de loge­ments, de chiens de garde, de gilets pare-​​balles ou de véhi­cules pour sécu­riser les colonies… alors même que l'administration amé­ri­caine dénonce sévè­rement la colo­ni­sation, consi­dérée comme un obs­tacle à la relance du pro­cessus de paix israélo-​​palestinien.

Publié par L'Express


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