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Ques­tions à Jacques-​​Marie Bourget, auteur de :"Sabra & Chatila, au cœur du massacre"

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Pourquoi ce livre ?

J'ai tou­jours vécu ma vie en ins­tantané. Ce qui signifie qu'on peut mourir dans la minute ou, petit bout par petit bout, atteindre une impression d'éternité. Je n'ai donc jamais eu le sens du temps qui passe. Dès les jours qui ont suivi le mas­sacre j'ai eu la volonté de faire un livre. Mais j'étais tou­jours dans cette spirale où une actualité chasse l'autre. Ce n'est pas très glo­rieux, sûrement une forme d'excuse pour masquer la dif­fi­culté de passer à l'acte. Fina­lement le sujet était trop lourd pour l'exprimer faci­lement. Disons que ce livre était un peu un tes­tament repoussé qu'il fallait bien finir par écrire. Plus pro­saï­quement aussi, aucun éditeur ne s'est mani­festé pour éditer cet ouvrage avant ma ren­contre avec Erick Bonnier.

Dans quel contexte ce massacre a-​​t-​​il été commis ?

Au début du mois de sep­tembre 1982, après un siège de près de 3 mois durant lequel ils n'ont pu venir à bout de la résis­tance des pales­ti­niens, aidés des pro­gres­sistes libanais, les israé­liens ont exigé de la « Com­mu­nauté inter­na­tionale » (c'est-à-dire de l'Occident), qu'elle évacue les com­bat­tants d'Arafat de Bey­routh. Ce sinistre travail a été fait, prin­ci­pa­lement par la France, mais il était entendu que les camps de réfugiés « seraient pro­tégés ». Le 14 sep­tembre, l'assassinat de Béchir Gemayel le nouveau pré­sident de la Répu­blique liba­naise, vient donner une mau­vaise raison à Ariel Sharon, le ministre de la Défense israélien, « d'en finir avec l'OLP». Il affirme en effet, contre la vérité, que « plus de deux mille ter­ro­ristes » sont encore cachés à Sabra et Chatila. Avec comme argument venger la mort de Gemayel, alors que les pales­ti­niens n'ont rien à voir dans cet épisode, Sharon ordonne aux tueurs des Forces Liba­naises, la pha­lange chré­tienne, de « net­toyer les camps ».

Quels ont été les rôles res­pectifs des pha­lan­gistes et de l'armée israélienne ?

Le partage est clair. Ariel Sharon et son état-​​major donne l'ordre aux pha­lan­gistes d'entrer dans les camps. L'armée israé­lienne en occupe le pourtour afin que nul ne puisse s'en échapper. La nuit elle tire aussi des obus éclai­rants afin de faci­liter la pro­gression des assassins aux quels elle a donné des armes et des uni­formes. Les offi­ciers israé­liens, postés sur les ter­rasses d'immeubles de six étages assistent au spec­tacle comme dans un stade. Avec mon camarade le pho­to­graphe Marc Simon, nous avons retrouvé un plan d'invasion du camp établi par les mili­taires hébreux. Avant d'envoyer les assassins, Rafaël Eytan, le patron de l'armée avait précisé« nous devons consi­dérer les mili­ciens des Forces Liba­naises comme nos soldats ».

C'est donc l'impunité pour les dirigeants israéliens ?

Oui. En dépit du fait que, le 18 décembre 1982, le mas­sacre ait été qua­lifié de « génocide » par l'Assemblée générale de l'ONU, crime impres­crip­tible, per­sonne n'a jamais eu le courage de convoquer les cou­pables devant un tribunal.

Vous indiquez que l'armée fran­çaise a couvert, après le mas­sacre, une autre rafle de palestiniens…

C'est exact. Le 22 sep­tembre, alors qu'ils venaient de prendre en main la pro­tection des camps, les mili­taires français ont laissé agir des groupes de, pha­lan­gistes revenus sur le lieu de leurs crimes pour faire des « pri­son­niers ». En réalité les hommes étaient embarqués dans des camions puis ils étaient exé­cutés quelque part dans le secteur chrétien. On n'a jamais retrouvé les fosses com­munes mais on pense qu'après les 2500à3000 morts de la pre­mière phase du mas­sacre, 500 vic­times sont venues s'ajouter aux autres. A l'époque j'avais tenté d'alerter l'Élysée, en la per­sonne de Régis Debray qui était le conseiller de François Mit­terrand, en vain. C'est aussi pour consigner cet épisode honteux que j'ai écrit ce livre.

Ouvrage : "Sabra & Chatila, au cœur du mas­sacre ". Pho­to­gra­phies de Marc Simon. Préface de Alain Louyot Edi­tions Erick Bonnier, col­lection Encre d'Orient, 20 euros.


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