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Lettre ouverte d'un Pales­tinien au Pré­sident de la Répu­blique fran­çaise suite à l'hommage national rendu à Sté­phane Hessel

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Le Pré­sident Hol­lande évoquant Sté­phane Hessel lors de l'hommage national qui lui a été rendu aujourd'hui : « Il pouvait aussi, porté par une cause légitime comme celle du peuple pales­tinien, sus­citer, par ses propos, l'incompréhension de ses propres amis. J'en fus. La sin­cérité n'est pas tou­jours la vérité. Il le savait. Mais nul ne pouvait lui dis­puter le courage ».

Monsieur le Président,

Des mil­lions de per­sonnes ont suivi l'hommage rendu par la France à l'un de ses citoyens, qui a réussi par ses actes et ses paroles à raviver des valeurs uni­ver­selles en manque d'incarnation, et à donner corps aux aspi­ra­tions d'une jeu­nesse en quête de repères. Vous avez compris qu'au coeur du combat de Sté­phane Hessel, il y avait la liberté, et sans doute la dignité humaine. Ce combat, il l'a mené comme résistant, comme diplomate, comme militant, comme écrivain. Il n'a jamais déposé les armes et a continuéà défendre jusqu'à son souffle ultime cet absolu, faisant face aux fata­listes, aux résignés, aux frileux.

Parmi ses combats mul­tiples, un lui a tenu par­ti­cu­liè­rement à coeur ces der­nières années, la Palestine. Peut être avait-​​il compris qu'à toute époque, un combat sym­bolise plus que tout autre cette lutte per­ma­nente contre l'injustice ? Le résistant de la libé­ration pouvait-​​il être autre chose que le pour­fendeur de l'occupation ? Sté­phane Hessel a défendu la Palestine, au nom du droit, de la justice, de la liberté, du devoir de soli­darité. Il l'a tou­jours fait en se conformant aux valeurs uni­ver­selles qui lui ont servi de boussole, et non seulement d'étendard. Il l'a fait au nom de la paix qui ne peut être fondée que sur la fin de l'injustice et non sa per­pé­tuation. Pourquoi, alors, Mon­sieur le Pré­sident, ce besoin de vous dis­tancer d'un homme dans un combat hono­rable comme celui-​​ci ?

Mon­sieur le Pré­sident, Sté­phane Hessel refusa en per­ma­nence d'être le témoin de l'histoire, fut-​​il pri­vi­légié, pour assumer avec déter­mi­nation le rôle d'acteur. Il a refusé de se laisser inti­mider par les sur­en­chères, les men­songes, les pres­sions. Ce qui fait de lui un grand homme n'est pas seulement ce qu'il a accompli mais le chemin qu'il a pavé pour nous, afin que nous puis­sions à notre tour défendre ce même idéal qu'il a voulu nous léguer. Car l'oeuvre majeure de Sté­phane Hessel, celle qui est aussi au coeur de son ouvrage, est ce devoir de trans­mission. « Indignez vous ! » nous a-​​t-​​il lancé, nous rap­pelant que le salut venait d'abord de la capacitéà défier l'injustice. L'esclavage fut aboli, l'apartheid s'effondra, le colo­nia­lisme céda. Tant reste pourtant à faire pour fonder la justice poli­tique et sociale que cette géné­ration appelle de ses voeux, et pour laquelle elle s'est sou­levée aux quatre coins du monde.

En rendant hommage à Sté­phane Hessel, la France aurait dû se parer sans nuances de cet idéal. La France est loin d'avoir été tou­jours exem­plaire, mais en dépit de ses ter­gi­ver­sa­tions, elle sut contribuer à la défi­nition de cet idéal huma­niste dont Sté­phane Hessel est devenu l'une des figures les plus emblé­ma­tiques. Oui, la France s'est parfois reniée. La France colo­niale, la France de Vichy, la France de l'extrême droite. Mais chaque fois qu'elle s'est hissée à la hauteur de l'histoire, elle s'est montrée capable d'être un grand pays, en dépit d'une géo­graphie étroite. C'est la France de la Répu­blique qui défie des siècles de monarchie absolue. C'est la France qui fait, à la sortie de la seconde guerre mon­diale, le choix de l'Europe, barrant la voie aux natio­na­lismes exa­cerbés. C'est la France qui fonde sa démo­cratie sociale au moment où le pays en ruine aurait pu être aban­donné aux égoïsmes. C'est la France qui dit non à la guerre contre l'Irak alors que ses intérêts à court terme auraient pu troubler son jugement.

Sur la question pales­ti­nienne, le peuple français n'a jamais été aussi clair, il sou­tient la liberté, la justice, le droit contre ces maux ter­ribles que sont l'occupation, l'oppression et l'indifférence. La France a souvent été sur cette question à l'avant garde, osant adopter des posi­tions cou­ra­geuses qui nous ont permis d'avancer vers la recon­nais­sance des droits du peuple pales­tinien. En ce sens, Sté­phane Hessel a incarné une cer­taine vision de la France et d'un huma­nisme qui trouvent leurs racines dans les leçons tirées des ténèbres, et dans l'idéal qui fonda les lumières. Le premier Ambas­sadeur de France, l'un des rédac­teurs de la Décla­ration uni­ver­selle des droits de l'Homme, ce citoyen engagé du monde a tou­jours été fidèle aux prin­cipes qui ont fondé la Répu­blique : la liberté, l'égalité, la fraternité.

Mon­sieur le Pré­sident, vous aviez l'occasion de vous démarquer de ceux qui, en France et ailleurs, ont décidé de défendre l'indéfendable : l'occupation d'une terre et l'oppression d'un peuple. Vous avez choisi de vous démarquer de celui qui se rangea, comme tou­jours, du coté de la liberté et de la justice, au nom des valeurs uni­ver­selles, et d'un principe qui se trouve au coeur de la révo­lution fran­çaise : « les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Aucune formule ne saurait mieux expliquer l'essence de notre lutte. Si la cause pales­ti­nienne est légitime, et elle l'est comme vous le recon­naissez, alors votre incom­pré­hension ne l'est pas.

Publié sur Word­Press


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