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Stéphane Hessel parmi les siens au cimetière du Montparnasse

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Jeudi 7 mars, les émou­vantes obsèques popu­laires, à la fois fami­liales et ami­cales, de Sté­phane Hessel au cime­tière du Mont­par­nasse ont été mar­quées par deux dis­cours, l'un de Michel Rocard, l'autre d'Edgar Morin, que Mediapart vous permet de découvrir. Deux dis­cours en empathie qui font contraste avec le dis­cours tout en retenue, voire en réserve, de François Hol­lande lors de l'hommage officiel qui avait précédé aux Invalides.

Voir Edgar Morin en colère est une rareté. C'est pourtant bien ce qui s'est passé au début de son bel hommage à l'ami disparu, avec lequel il avait publié, en 2011, Le chemin de l'espérance (Fayard), pro­lon­gation, appro­fon­dis­sement et déve­lop­pement du propos d'Indignez-vous ! (Indigène), paru un an aupa­ravant. Une colère bou­le­versée et bou­le­ver­sante, sans artifice ni calcul. C'est à1 mn 10 sec de la vidéo sur l'article source et c'est à propos de la Palestine.

Un peu plus tôt dans la matinée, Edgar Morin avait entendu aux Inva­lides le dis­cours plutôt convenu de François Hol­lande où figurait cependant ce passage en forme de res­triction et de dis­tance, posture plutôt inha­bi­tuelle quand il s'agit de dire adieu à une per­son­nalité dont l'on a tenu à louer la haute figure et le juste iti­né­raire. François Hol­lande, donc (le dis­cours intégral est ici) : « Il pouvait aussi, porté par une cause légitime comme celle du peuple pales­tinien, sus­citer, par ses propos, l'incompréhension de ses propres amis. J'en fus. La sin­cérité n'est pas tou­jours la vérité. Il le savait. Mais nul ne pouvait lui dis­puter le courage. » Réponse cin­glante d'Edgar Morin : « Les mal­heureux qui ne com­prennent pas que sa position de vérité pour la Palestine est due à son huma­nisme, à sa com­passion, à sa bonté, ceux-​​là errent complètement. »

La vérité, c'est qu'en illus­trant ainsi, dans des cir­cons­tances qui auraient plutôt incitéà l'élévation, le confor­misme et la fri­losité de sa pré­si­dence, François Hol­lande a aussi montré sa mécon­nais­sance, sinon son inculture. Sté­phane Hessel ne fut jamais homme de décla­ra­tions à l'emporte-pièces ou de propos excessifs, qui ne soient pas mûris et rai­sonnés. Son enga­gement sur et pour la Palestine est l'aboutissement logique du chemin de toute sa vie : une bataille pour le droit, et donc l'égalité des droits, pour la justice, et donc la justice pour tous. La vérité que n'a pas voulu voir le pré­sident, alors même que sa parole engage la Répu­blique, c'est que la seule passion qui animait Hessel, loin de tout angé­lisme ou de toute sen­si­blerie, était jus­tement celle de la vérité. D'une vérité sin­cè­rement vraie. Vérité du droit, vérité de la justice.

L'an passé, un an avant sa dis­pa­rition, Sté­phane Hessel s'expliquait pré­ci­sément et posément sur cette « exi­gence de justice » qui est au cœur de la question israëlo-​​palestinienne. C'était dans une conver­sation avec Elias Sanbar, ambas­sadeur de la Palestine à l'Unesco, Le rescapé et l'exilé, dia­logue paru aux éditions Don Qui­chotte. Confronté au ques­tion­nement amical de Sanbar, il y retrace son che­mi­nement, et sa cohé­rence, depuis son arrivée à New York en février 1946 pour la mise sur pied de l'Organisation des Nations Unies. Il y rap­pelle que l'idée de base ins­crite dans la Décla­ration uni­ver­selle des droits de l'homme (1948) était la sui­vante : « Les empires sont pré­ris­sables, les empires doivent se dis­soudre en peuples, et chacun de ces peuples a droit à un Etat. La notion de passer de peuple à Etat est une notion qui est ins­crite dans la Chartes de Nations unies. »

C'est ce passage – cette nor­malité en somme – que doivent encore forcer les Pales­ti­niens, tou­jours confrontés à un mur d'hostilité ou d'indifférence. Dans Le rescapé et l'exilé, Sté­phane Hessel résume sa position avec une telle clarté qu'on ne voit pas, excepté le préjugé ou la médi­sance, ce qui permet d'y sus­pecter, comme le laisse entendre François Hol­lande, un men­songe à l'abri de la sin­cérité. A moins, et peut-​​être est-​​ce là l'impensé de l'attitude pré­si­den­tielle, que les habi­tudes impé­riales aient tou­jours cours, admettant une inégalité fon­cière des droits selon que l'on est puissant ou faible…

« Il est inac­cep­table, expli­quait Sté­phane Hessel, que des Etats, qui se disent des Etats de droit, défi­nissent le droit selon leur bon vouloir. Des Amé­ri­cains ou des Euro­péens, et ils ne sont pas les seuls dans ce cas, nous disent : “Nous res­pectons le droit inter­na­tional, mais il n'est pas appli­cable partout. Il y a des situa­tions où nous nous trouvons obligés de défendre nos intérêts vitaux, et c'est impos­sible si l'on ne trans­gresse pas les règles établies.” A mon avis, dès que l'on com­mence à sortir du cadre légal, sous n'importe quel pré­texte, on risque de pro­voquer de très graves désordres et, parfois, à l'échelle mon­diale. La paix entre les peuples dépend d'une stricte appli­cation du droit inter­na­tional, qu'il s'agisse d'Israël dans ses rela­tions avec les Pales­ti­niens, de l'Irak de Saddam Hussein ou des talibans en Afghanistan. »

Cette véri­table foi dans le droit et dans la justice trace l'itinéraire sin­gulier de Sté­phane Hessel au sein d'une gauche gou­ver­nante dont les hommes poli­tiques se sont trop souvent accom­modés, une fois au pouvoir, des illé­ga­lités et des injus­tices d'Etat. A une exception notable près, et ce n'est évidemment pas un hasard si Sté­phane Hessel fut engagéà ses côtés, au point de fonder, dans son sillage, le Club Jean Moulin : Pierre Mendès France. Lequel Pierre Mendès France fut lui aussi fer­mement engagé aux côtés des peuples pales­tinien et israélien pour une paix juste et durable, et donc contre l'injustice fla­grante faite à la Palestine. De cette part de lumière de ce qui fut appellé, dans le paysage poli­tique français, la « deuxième gauche », la vie de Sté­phane Hessel témoigne.

C'est pourquoi ses proches avaient aussi demandéà son ami Michel Rocard d'être l'autre orateur, avec Edgar Morin, de cet hommage fra­ternel. Lequel Rocard a évoqué avec jus­tesse la cohé­rence de l'engagement pales­tinien de Hessel, le sou­li­gnant d'un salut amical à Leïla Shahid, ambas­sa­drice de la Palestine auprès de l'Union euro­péenne dont la pré­sence contrastait avec l'absence d'officiels français qui, pour la plupart, n'avaient pas fait le chemin des Inva­lides au Montparnasse [1].

Aupa­ravant, les enfants de Sté­phane Hessel (Anne, Antoine, Michel) et ses petits-​​enfants avaient partagé avec lui sa véri­table passion, qui le récon­ci­liait avec la beauté du monde tant mal­menée par les hommes : la poésie. Evo­quant avec humour et ten­dresse ce père qui leur avait transmis ce goût de la poésie apprise par cœur, comme un talisman et une pro­messe, ils lui ont donc offert des poèmes, comme il l'auraient fait lors d'un repas familial. Ecoutez les :

Sa famille rend hommage à Stéphane Hessel [2]

« La poésie est, à mes yeux, une forme supé­rieure du poli­tique », dit Elias Sanbar à la fin de son dia­logue avec Sté­phane Hessel. Le tra­ducteur de l'immense Mahmoud Darwich et l'auteur de Ô ma mémoire, sous-​​titré La poésie, ma nécessité, com­mu­nient alors autour de ces voyants que sont les poètes, habiles à trouer nos nuits de leurs éclairs. Echange que conclut ainsi Sté­phane Hessel, Sté­phane notre ami d'inquiétude et d'espérance : « Je vou­drais vous donner à méditer un vers, un seul, qui aidera les jeunes géné­ra­tions à entre­prendre, poé­ti­quement ou poli­ti­quement, la construction d'une société radi­ca­lement nou­velle par rapport à celle dont nous déplorons l'existence de nos jours. Il est extrait de La jolie rousse de Guillaume Apol­li­naire : “Nous voulons explorer la bonté, contrée énorme où tout se tait.”»


[1] voir sur l'article source

[2] id

publié par médiapart


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