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Barack Obama à l'épreuve de la défiance en Israël

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Le pré­sident des Etats-​​Unis, qui ne parlera pas devant la Knesset, entre­tient des rela­tions dif­fi­ciles avec M. Nétanyahou.

Sébastien Scheiner/​AP L'offensive de charme amé­ri­caine vis-​​à-​​vis des Israé­liens et de leur premier ministre, Benyamin Néta­nyahou, s'est accrue, trois jours avant l'arrivée du pré­sident Barack Obama à Jéru­salem, mer­credi 20 mars.

Tout est fait pour déminer le terrain diplo­ma­tique, et cela consiste à lisser l'image du chef de la Maison Blanche, afin de combler le déficit de popu­larité dont il pâtit auprès de la popu­lation israé­lienne. Les attentes sur la sub­stance et les résultats de ce voyage étant limitées, en par­ti­culier s'agissant d'une relance du pro­cessus de paix israélo-​​palestinien, l'attention se porte sur les sym­boles et la théâ­tra­li­sation du séjour de M. Obama.

De ce point de vue, il n'est pas sûr que la Maison Blanche ait fait le bon choix en décidant que le pré­sident amé­ricain ne s'exprimera pas devant la Knesset, le Par­lement israélien, pré­férant s'adresser " direc­tement "à la popu­lation, en l'occurrence un demi-​​millier de jeunes réunis au Centre de confé­rences de Jéru­salem. Tous les com­men­taires ne sont pas aussi viru­lents que celui d'Israel Harel dans le quo­tidien Haaretz, qui voit dans le " boy­cottage d'Obama "" une insulte envers Israël et sa repré­sen­tation élue ", mais cette décision est inter­prétée comme un geste de défiance vis-​​à-​​vis de l'establishment politique.

" C'est indé­nia­blement une erreur, estime Eytan Gilboa, expert des rela­tions israélo-​​américaines à l'université Bar Ilan de Tel-​​Aviv, la Knesset repré­sente l'opinion publique d'Israël et sa démo­cratie. " C'est une décision incom­pré­hen­sible, ren­chérit un haut diplomate israélien, qui relève que Bill Clinton et George W. Bush, qui s'étaient aussi adressés aux Israé­liens, n'avaient pas pour autant infligé un camouflet à leurs élus. " Les Amé­ri­cains se sont-​​ils méfiés des mani­fes­ta­tions intem­pes­tives de députés extré­mistes ? Ont-​​ils craint qu'une ban­derole "Libérez Pollard !" soit brandie sous les yeux d'Obama ? ", ajoute-​​t-​​il.

C'est parce que l'intense cam­pagne en faveur de la libé­ration de Jonathan Pollard - ce citoyen israélo-​​américain condamnéà la prison à per­pé­tuité aux Etats-​​Unis, en 1987, pour espionnage au profit d'Israël - menaçait d'assombrir sa visite que M. Obama a coupé court, jeudi 14 mars, lors d'une interview à la télé­vision israé­lienne : il n'a pas l'intention de libérer " dans l'immédiat " l'espion israélien.

Les res­pon­sables israé­liens ne sont pas surpris par une position conforme à celle de ses pré­dé­ces­seurs, mais ils regrettent que M. Obama n'ait pas saisi une telle occasion de démontrer sa volonté de reprendre des rela­tions plus har­mo­nieuses avec M. Nétanyahou.

Israël, sou­ligne l'historien Zeev Sternhell, " est pro­ba­blement le seul pays occi­dental dont la popu­lation suit d'aussi près son gou­ver­nement et son élite poli­tique dans une attitude négative envers M. Obama ". Un récent sondage du quo­tidien Maariv en donne cependant une pho­to­graphie contrastée : alors que 10 % des Israé­liens ont une " attitude favo­rable "à l'égard du chef de la Maison Blanche, 32 % ont une opinion négative " mais res­pec­tueuse ", 17 % le détestent et 19 % ont une opinion défa­vo­rable sans tou­tefois éprouver de res­sen­timent. Pour autant, 38 % des per­sonnes inter­rogées estiment que M. Obama est hostile à leur pays, 33 % étant d'un avis contraire.

Pour de nom­breux spé­cia­listes, c'est le dis­cours pro­noncé par Barack Obama au Caire, en juin 2009, qui a nourri les pré­ven­tions israé­liennes, les­quelles ont été ensuite ren­forcées par son oppo­sition à M. Néta­nyahou sur la question de la colo­ni­sation dans les ter­ri­toires pales­ti­niens occupés. " Les Israé­liens ont eu le sen­timent que son souhait d'ouvrir de nou­velles rela­tions avec le monde musulman était une marque de défiance vis-​​à-​​vis d'Israël ", résume Eytan Gilboa.

Les opi­nions néga­tives envers M. Obama sont la conjonction de deux fac­teurs, observe Daniel Shek, ancien ambas­sadeur d'Israël en France : " Ceux que M. Néta­nyahou a convaincus pendant quatre ans que la question pales­ti­nienne et le pro­cessus de paix étaient un non-​​sujet ; et ceux pour qui c'est, au contraire, le sujet numéro un, mais qui estiment que M. Obama n'a pas fait assez d'efforts pour le faire progresser. "

Daniel Shek se range parmi les seconds : " Un dis­cours plus incisif - de M. Obama - sur la question pales­ti­nienne ne serait pas une punition pour Israël. Il faut aider Israé­liens et Pales­ti­niens à sortir de la torpeur où ils sont plongés depuis quatre ans ", insiste-​​t-​​il.

C'est sur ce point que réside la prin­cipale inconnue de la visite du chef de la Maison Blanche. Va-​​t-​​il réaf­firmer ses posi­tions sur l'arrêt de la colo­ni­sation et les fron­tières de 1967 comme base de la solution de deux Etats, quitte à s'attirer un nouveau refus cin­glant de M. Néta­nyahou et au risque de faire dérailler une visite que chacun sou­haite consen­suelle ? " S'il ne le fait pas, estime Zeev Sternhell, alors ce voyage ne sert à rien ! "

Beaucoup d'observateurs font le constat que la com­po­sition du nouveau gou­ver­nement de M. Néta­nyahou ne présage pas une ouverture sur le dossier pales­tinien. Au reste, le lobby des colons n'est pas inquiet : " M. Obama, nous explique Dany Dayan, ancien pré­sident de Yescha, le conseil du mou­vement des colons, a fait de graves erreurs envers Israël et Benyamin Néta­nyahou, mais il a appris : il sait que c'est l'intransigeance des Pales­ti­niens qui bloque le pro­cessus de paix, et que les colonies ne sont pas un obstacle. "

Reste que les rela­tions per­son­nelles entre le premier ministre israélien et le pré­sident amé­ricain sont notoi­rement dif­fi­ciles, même si Barack Obama a sou­ligné que ses diver­gences avec M. Néta­nyahou ne sont que " politiques ".

Le courant entre les deux hommes, reconnaît un res­pon­sable israélien, " ne passe pas, et n'est jamais passé, y compris lors de leur pre­mière ren­contre, en 2008 - M. Obama était can­didat à la Maison Blanche - . Cela tient aussi à la per­son­nalité de M. Obama, que les Israé­liens jugent un peu froid et hautain. Il n'est pas comme Bill Clinton, spon­ta­nément cha­leureux et mul­ti­pliant les accolades ! "

C'est parce qu'il est conscient de cette carence d'affinités per­son­nelles que M. Obama, dans son interview à la télé­vision israé­lienne, a uséà dix reprises du dimi­nutif de " Bibi " pour qua­lifier celui qui sera son hôte dans quelques jours. " Une offensive de charme, com­mente M. Shek, c'est bien, mais c'est insuf­fisant comme ordre du jour pour une visite d'un pré­sident des Etats-​​Unis. J'espère qu'il y aura du fond ! "

Publié par Le Monde


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