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Les envahisseurs indigènes d'Israël

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Le « Haut Comité de Liaison des Arabes en Israël » appelle aujourd'hui à une grève générale pour réclamer l'abolition du plan Prawer-​​Begin qui a pour objectif de judaïser le Naqab/​Neguev. Ce projet, qui a déjàété adopté en pre­mière lecture, vise à déplacer des dizaines de mil­liers de Bédouins pales­ti­niens d'Israël et à détruire leurs vil­lages, consi­dérés par le gou­ver­nement israélien comme illégaux alors même qu'ils existent bien avant la création de l'État d'Israël. Le but de ce plan est de dépos­séder la popu­lation pales­ti­nienne de 800.000 dunums de ces terres ances­trales, soit 4 fois plus que la dépos­session de 1976 en Galilée, celle qui a donné nais­sance à la « journée de la Terre ». Ci-​​dessous N. Gordon et N. Per­ugini ana­lysent l'incroyable rhé­to­rique uti­lisée pour jus­tifier le net­toyage ethnique.

Israël jus­tifie le démé­na­gement imminent de mil­liers de Bédouins pales­ti­niens en les qua­li­fiant “d'envahisseurs“

Manifestation ce matin à Bir Sabâ (Beersheba)

Le 24 juin, le “Plan Prawer pour la règle­men­tation de l'installation des Bédouins-​​palestiniens dans le Néguev“ a été voté en pre­mière lecture au par­lement israélien. S'il est mis en œuvre, le Plan consti­tuera “la plus impor­tante mesure de dépla­cement forcé de citoyens arabes d'Israël depuis les années 1950 et il entraînera l'expulsion estimée de qua­rante mille Bédouins-​​palestiniens de leurs habi­ta­tions actuelles.

La finalité du Plan est de judaïser le Néguev israélien. Pour cela, cependant, soixante-​​dix mille Bédouins (sur un total de 200000) qui vivent actuel­lement dans des vil­lages classés comme “non reconnus“ par le gou­ver­nement israélien doivent être déplacés. Le gou­ver­nement leur interdit déjà de se connecter au réseau élec­trique et aux sys­tèmes d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées.

Des règle­ments sur la construction sont aussi durement appliqués, et rien qu'en 2011 environ un millier d'habitations Bédouines et d'abris pour animaux –aux­quels le gou­ver­nement fait habi­tuel­lement réfé­rence comme à de simples “structures“ – ont été démolies. Il n'y a pas de routes gou­dronnées et les pan­neaux indi­ca­teurs signalant ces vil­lages sur la route prin­cipale sont retirés par les auto­rités gou­ver­ne­men­tales. Ces vil­lages n'apparaissent pas sur les cartes, puisque selon la géo­graphie offi­cielle, les lieux habités par ces citoyens israé­liens de seconde zone n'existent pas.

Pendant des années le gou­ver­nement a pré­tendu que, comme ces gens vivent dans de petits vil­lages épar­pillés sur de vastes étendues, il ne peut pas leur fournir les ser­vices de base, et qu'il faut donc les concentrer dans quelques agglomérations.

En réalité, c'est dans le rapport “Il y a une solution“, publié en 2010 par l'organisation de colons Regavim (le Trust pour la pro­tection de la terre nationale), qui a tra­vaillé en relation avec plu­sieurs agences gou­ver­ne­men­tales, que la logique qui sous-​​tend ce plan est le mieux exprimée. Le rapport main­tient que les habi­tants bédouins du Néguev “volent“ au peuple juif “la Terre d'Israël …. tou­jours en douceur, sans le rugis­sement d'une bataille ni la clameur d'une guerre“.

“Sur ce champ de bataille“ continue l'organisation, les béton­neuses ont rem­placé les tanks, les charrues rem­placent les canons, et des civils à l'air innocent rem­placent les soldats en uni­forme … Acre après acre, village après village, en achetant, en squattant, en exploitant une terre qui n'est pas à eux, parfois par la ruse, parfois par la vio­lence, avec d'énormes sommes d'argent, et fer­mement sou­tenus par des orga­ni­sa­tions anti­sio­nistes en Israël ou à l'étranger, ils font perdre à Israël son contrôle sur les terres du peuple juif.

Regavim sou­tient en outre que jusqu'ici, Israël a “ offert des ‘carottes' aux Bédouins – mais ne leur a jamais montré le ‘bâton', et elle prétend qu'au moyen de leurs “acti­vités cri­mi­nelles “ ces Bédouins sont en train de colo­niser la terre et donc de menacer de “mettre fin au futur juif de la région sud“.

Citant la fameuse décla­ration du premier ministre Ben –Gurion “Le Néguev est le test de la nation en Israël“, Regavim propose une solution en quatre étapes pour contrer cette menace, qui com­porte juguler les “construc­tions bédouines illé­gales“, pré­parer la popu­lation à son départ, évacuer toutes les “popu­la­tions illé­gales“, et fina­lement les trans­férer dans des implan­ta­tions légales.

Enfin, le gou­ver­nement doit pré­parer “le jour d'après“ et ne pas accepter “des raisons de revenir à leur état ori­ginal“. “État ori­ginal“ se rap­porte à la situation actuelle, qui du point de vue de Regavim est carac­té­risée par l'invasion de l'espace juif par des “popu­la­tions pales­ti­niennes illé­gales“. Selon ce nar­ratif, l'espace est par défi­nition juif, et donc toute pré­sence non juive est une forme de conta­mi­nation – et l'enjeu du test de Ben-​​Gurion.

Ceci est pré­ci­sément le rai­son­nement der­rière le “bâton“ de Prawer et la façon dont les Bédouins ont été décrits et traités dans la sphère publique depuis des années. En réponse à une pétition soumise à la Cour Suprême contre l'évacuation de vil­lages de Bédouins à côté de la ville d'Arad, le maire adjoint d'Arad a dit à des jour­na­listes que les affir­ma­tions de ces “enva­his­seurs inso­lents“ sont “déloyales“.

De nom­breux articles ont utilisé le terme d'envahisseur pour décrire les acti­vités des Bédouins dans le sud d'Israël, tandis qu'un site web popu­laire note que les Bédouins ont com­mencéà envahir la région centre du pays. Même dans une opinion publiée dans Haaretz, journal qui avait soutenu la décision de la Cour Suprême condamnant la pra­tique offi­cielle de l'épandage de poison sur les “champs cultivés illé­ga­lement par les Bédouins“, l'auteur réfère à la popu­lation bédouine par le terme envahisseur.

La trans­for­mation de l'indigène en “enva­hisseur“ ou en “colon palestinien“ – pour emprunter l'expression uti­lisée récemment par le vice-​​ministre de la défense Danny Danon – est cru­ciale pour com­prendre non seulement le Plan Prawer, mais la logique fon­da­mentale de l'état d'Israël. Dans un contexte où les Pales­ti­niens ont sys­té­ma­ti­quement été aliénés et éliminés de l'histoire et de la géo­graphie, la consti­tution des autoch­tones pales­ti­niens comme sujet illégal ou enva­hisseur étranger est la condition pour pouvoir “judaïser“ la terre.

L'étau dans lequel ceci se joue est fondé sur l'engagement eth­no­gra­phique d'Israël de dépos­séder les non Juifs, cyni­quement élevé au rang d'acte d'auto-défense, et fina­lement, de justice.

Neve Gordon est actuel­lement membre de l'Institute for Advanced Studies à Prin­ceton et il est l'auteur de L'occupation d'Israël. On peut le joindre sur son site web, http://www.israelsoccupation.info/

Nicola Per­ugini est un anthro­po­logue qui enseigne au Al Quds Bard Honors College à Jéru­salem. Il est actuel­lement membre de l'Institute for Advanced Studies à Princeton

Traduction RP

Signer la pétition "Arrêtez le plan Prawer"


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