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Norma Marcos, Palestinienne et féministe de cœur

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Cette cinéaste, jour­na­liste et mili­tante à ses heures filme les femmes pales­ti­niennes et décrit leurs luttes.

Elle paraît frêle, mais ce n'est qu'une appa­rence. Cheveux auburn, taille moyenne, elle s'impose par son regard perçant et une assu­rance basée sur la cer­titude de pas avoir à s'excuser d'être une femme. Si Norma Marcos (le nom de famille vient de saint Marc) s'assume comme mili­tante, elle est avant tout une jour­na­liste qui regarde, observe et cri­tique aussi ses sem­blables. « Ni his­to­rienne ni socio­logue, je suis une Pales­ti­nienne vivant entre deux mondes, par­tagée entre ici et là-​​bas », se définit-​​elle. Depuis des années, elle raconte son univers, la Palestine et les Pales­ti­niennes, avec une caméra.

Un attachement à la terre familiale

Quoi de plus normal, pour celle qui est née à Bethléem dans une famille chré­tienne « ins­tallée depuis cinq siècles » sur cette terre dis­putée. « Cela n'a pas empêché les migra­tions dans ma famille », précise-​​t-​​elle. D'abord celle de son grand-​​père, parti faire fortune au Chili. « Quant à mon père, il n'a jamais voulu quitter notre terre. En 1967, pendant la guerre, lorsque l'armée israé­lienne occupait Bethléem, tout le monde voulait partir. Il y avait quatre familles ins­tallées dans notre grande maison. Mon père a pris la clé et dit  : per­sonne ne sortira. Il était très attachéà la Palestine. Mais il n'était pas poli­tique, c'était un homme qui résistait en silence. Il a tenu àélever ses enfants en Palestine, malgré la pré­sence et l'occupation israélienne. »

Un parcours social mobile

Norma ne res­semble pas à son père. Curieuse, aven­tu­reuse et indé­pen­dante, elle est partie voir ailleurs. En France, où elle fait des études à Aix-​​en-​​Provence et une thèse sur l'image d'Israël dans la presse égyp­tienne. Puis direction la capitale fran­çaise, où elle est admise au centre de for­mation des jour­na­listes (CFPJ) de la rue du Louvre. Flanquée de son diplôme, Norma envoie ses pre­miers articles à la presse fran­çaise. Ils sont refusés. Elle se tourne alors vers la presse arabe, avec plus de succès. En 1988, elle obtient une bourse accordée par l'agence de presse Reuters. Elle part à l'université de Stanford, en Cali­fornie. « L'un de mes pro­fes­seurs était Condo­leezza Rice », qui deviendra secré­taire d'État sous la pré­si­dence de George Bush. « Elle avait déjà une vision mani­chéenne du monde, se souvient-​​elle, ses cours don­naient lieu à des débats et des dis­cus­sions enflammés, surtout lorsque l'on parlait de la situation au Chili et du sort de son pré­sident, Sal­vador Allende. »

Après Stanford, Norma effectue un stage dans une radio à Washington et se marie avec un Amé­ricain. Mais, très attachée à Paris, elle décide son mari à s'installer en France et reprend son métier de jour­na­liste, tout en s'intéressant au docu­men­taire vidéo.

Premiers pas dans la réalisation documentaire

En 1994, elle réalise son premier film, L'Espoir voilé, qui dresse quatre por­traits de femmes pales­ti­niennes dans leur quo­tidien, à l'opposé de l'image tra­di­tion­nelle. Le docu­men­taire rem­porte un réel succès et est diffusé sur une dizaine de chaînes euro­péennes. Les récom­penses affluent. Elle est lau­réate de la fon­dation Umver­teilen, de la Villa Médicis, obtient le prix du meilleur scé­nario. Elle poursuit son travail avec En attendant Ben Gourion (2006), Frag­ments d'une Palestine perdue (2010), Wahdons (« Seuls ») en 2012.

De la caméra à la plume

La caméra n'est pas son seul mode d'expression. En 2013, elle se lance dans la rédaction d'un livre, qu'elle intitule Le ­Désespoir voilé (1), véri­table miroir inversé de son premier docu­men­taire. Tou­jours des por­traits de femmes pales­ti­niennes, repré­sentant chacune une période de l'histoire de la Palestine. Mais la tonalité est clai­rement pes­si­miste, à l'image de la situation des femmes aujourd'hui en Palestine. De la création de la pre­mière asso­ciation cari­tative de chré­tiennes issues de la bour­geoisie, en 1903, jusqu'au blocage du pro­cessus de paix entre l'État israélien et l'Autorité pales­ti­nienne aujourd'hui, elle retrace la poli­ti­sation du mou­vement sous l'influence du natio­na­lisme arabe. « Pourquoi la femme arabe est-​​elle tou­jours arriérée  ? se demande-​​t-​​elle. Le mou­vement fémi­niste arabe a été inter­rompu par la révo­lution ira­nienne, qui a tout fichu à terre. Puis il y a eu les échecs des pays arabes dans la crise israélo-​​palestinienne et l'occupation israé­lienne des Ter­ri­toires. Le voile est retombé sur le visage des femmes comme s'il était une identité pour se démarquer des Occi­den­tales, affirmer leur différence. »

Affirmer sa différence face à l'Occident

En 2009, Norma la mili­tante fait parler d'elle lorsqu'elle décide de retourner dans sa famille à Bethléem pour réa­liser deux docu­men­taires. À son arrivée à l'aéroport Ben Gourion, elle est arrêtée, bien que pos­sédant la natio­nalité fran­çaise depuis 1988. Les auto­rités israé­liennes exigent qu'elle fasse faire ses papiers pales­ti­niens  : étant née à Bethléem, elle est à leurs yeux pales­ti­nienne avant d'être fran­çaise. Elle pro­teste, estimant qu'en tant que Fran­çaise, elle n'a rien à demander à l'Autorité pales­ti­nienne et a le droit de voyager librement comme elle l'entend, y compris en Israël. Pour l'État hébreu, elle est pales­ti­nienne et doit donc tran­siter par la Jor­danie et non par l'aéroport Ben Gourion. Norma campe sur ses posi­tions. L'histoire se termine par son expulsion vers la France.

Les pro­blèmes avaient déjà com­mencé en 2005, lorsqu'on lui avait interdit d'atterrir en Israël et qu'elle se retrouva dans un centre de rétention de l'aéroport. Elle se sortit du guêpier grâce à l'intervention d'une amie israé­lienne. De nouveau, lorsqu'en urgence elle doit se rendre au chevet de sa mère malade, elle réussit à atterrir à Ben Gourion grâce à l'intervention du Quai d'Orsay qui obtient pour elle une auto­ri­sation excep­tion­nelle pour raison humanitaire.

Norma est-​​elle mili­tante pales­ti­nienne, fémi­niste, ou les deux  ? « Je n'aime pas trop les étiquettes. Elles me gênent. Je n'ai jamais appartenu à aucun mou­vement fémi­niste. Mais la situation de la femme arabe est telle qu'on ne peut qu'être fémi­niste, même incons­ciemment. Je suis une fémi­niste de cœur. »

Publié par La Croix


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