La balle a atteint Atta Sabah, 12 ans, à l'estomac et est ressorti dans le dos, lui sectionnant la moelle épinière et provoquant la paralysie de la taille aux pieds.
Devant le grand nombre de manifestations se déroulant dans toute la Cisjordanie pendant les six premiers mois de 2013, l'application laxiste des règlements sur l'ouverture de feu de l'armée israélienne a conduit à une violence accrue contre les civils israéliens et a perpétué l'impunité.
Les règlements autorisent les soldats à utiliser des balles réelles “uniquement dans le cas d'un réel danger de mort”, selon selon un récent rapport de B'Tselem, une association israélienne des Droits de l'Homme.
Il est interdit aux forces israéliennes de tirer des balles de métal enrobé de caoutchouc sur des femmes et des enfants. Là où le tir de balles de métal enrobé de caoutchouc est autorisé , les procédures en vigueur dans la police et dans l'armée précisent qu'elles ne doivent être tirées que d'une distance de 50à60 m (165à195 pieds) et que sur les jambes des personnes. Les règlements interdisent de viser directement les manifestants avec des grenades lacrymogènes.
Malgré ces règlements, depuis janvier 2013, au moins 24 enfants ont été victimes de tirs et de blessures par balles réelles, par balles de métal enrobé de caoutchouc, ou par des grenades lacrymogènes, ayant fait deux morts, selon les témoignages recueillis par Defence for Children International Palestine (DCI-Palestine). Alors que les règlements des forces israéliennes n'autorisent l'usage de ces armes pour le contrôle de foules que dans des circonstances précises, un tiers seulement de ces cas concernait des enfants participant directement à des manifestations, où des heurts se sont se sont ensuite produits.
Dans la ligne de tir
En février 2013, une photo représentant un enfant palestinien dans le collimateur d'un sniper de l'armée israélienne s'est répandue sur Internet. Cette déshumanisation des enfants a continué et des centaines d'entre eux ont été pris pour cible et tués ou blessés dans des incursions militaires ou des opérations de dispersion de foules. Depuis l'éclatement de la seconde Intifada en 2000, les forces israéliennes sont responsables de la mort de 1031 enfants palestiniens à Gaza et de 366 enfants en Cisjordanie, selon la documentation de DCI-Palestine.
En mai 2013, Atta Sabah, 12 ans, du camp de réfugiés de Jalazoun près de Ramallah a été victime du tir d'un soldat israélien tandis qu'il essayait de récupérer son cartable auprès d'un autre soldat israélien proche. Un témoin oculaire rapporte que la situation était calme, qu'aucun affrontement n'avait lieu à ce moment et qu'il n'y avait aucun “danger de mort” qui aurait pu autoriser les forces israéliennes à faire usage de balles réelles.
Contredisant les témoins oculaires, lorsqu'il a été interrogé sur l'usage de balles réelles contre un enfant non armé, le porte-parole de l'unité de l'armée israélienne a déclaré que “l'après-midi du 21 mai 2013, une émeute violent et illégale a eu lieu dans la région, avec la participation de dizaines de Palestiniens qui jetaient des pierres et des cocktails Molotov en direction des soldats”.
“J'étais avec mon ami et nous nous lancions l'un à l'autre nos cartables et il a lancé le mien derrière lui. Puis quand je suis allé le chercher, je me suis rendu compte que les soldats l'avaient” dit Atta, tandis qu'il essaye de se redresser sur son fauteuil roulant. “Le soldat m'a dit, tu peux venir le reprendre demain, et donc je suis rentréà la maison”.
Des soldats sont habituellement postés entre l'école des garçons de Jalazoun et la colonie de Bet El, à l'endroit où le cartable d'Atta a été jeté le jour précédent. Près de 6000 colons israéliens habitent à Bet El, une colonie construite sur une terre qui est propriété essentiellement privée des Palestiniens. En raison de la proximité de l'école, des soldats ou une société privée de sécurité sont toujours présents près de l'école ou font des descentes dans le camp, en provoquant des tensions dans la zone.
“(Atta) a marché sur environ un ou deux mètres en direction du soldat” dit Mahmoud,15 ans, témoin oculaire du tir. “Soudain, il a voulu faire demi-tour et s'est sauvé. A ce moment-là, le second soldat a tiré une balle et j'ai vu Atta immédiatement tomber”.
La balle réelle a atteint Atta à l'estomac et est ressorti dans le dos, lui sectionnant la moelle épinière et provoquant la paralysie de la taille aux pieds. Elle lui a aussi provoqué des lésions au foie, aux poumons, au pancréas et à la rate.
Au cours des sept années passées, 46 Palestiniens ont été tués par des tirs à balles réelles sur des lanceurs de pierres. Depuis 2000, au moins 18 Palestiniens ont été tués par des balles en métal enrobé de caoutchouc, parmi lesquels 12 mineurs, en se fondant sur les rapports de B'Tselem.
Pris entre deux feux “Les choses ont commencéà bouger très vite, juste comme dans les films” déclare Ahmad, 16 ans, “je venais de faire demi-tour et voulait me sauver en retournant au camp (de réfugiés), quand j'ai senti quelque chose me toucher au côté gauche de la tête et me faire tomber par terre”.
Ahmad est un des trois enfants qui ont été gravement blessés à Jalazoun par les balles de métal enrobé de caoutchouc au cours des mois d'avril et de mai 2013.
Mustafa, 17 ans, a été atteint au visage par une balle de métal enrobé de caoutchouc ; qui s'est alors logée dans la cavité nasale. Majd, 16 ans, a été atteint plusieurs fois à la poitrine et à l'abdomen par des tirs à courte portée lui fracturant les côtes.
Quand ils ont été atteints par les tirs, les ados étaient simplement à proximité d'affrontements entre de jeunes Palestiniens et des soldats israéliens. Ils font partie du nombre croissant de spectateurs visés et atteints par des tirs lors d'opérations de dispersion de foules. L'idée fausse selon laquelle les balles enrobées de caoutchouc ne sont pas une arme meurtrière, associée à l'imprécision de l'usage comme arme de balles en caoutchouc, a entraîné un nombre croissant de blessures pour des gens sur lesquels il n'y avait aucune raison de tirer.
Hamzi, 12 ans, entrait chez lui, pour éviter des échauffourées qui avaient éclatéà proximité de chez lui. En violation des règlements militaires israéliens il a été atteint directement au bras gauche par une balle en métal enrobé de caoutchouc tirée par un soldat israélien à une distance d'environ trois mètres (10 pieds) après que celui-ci ait aperçu Hamzi qui entrait dans la cage d'escalier de son immeuble. Hamzi a été atteint une seconde fois à l'estomac par une balle ayant ricoché alors qu'il montait les escaliers en courant.
“J'ai gravi quelques marches et me suis arrêté et j'ai vu le canon d'un fusil apparaître par la porte” dit Hamzi. “Je me suis rendu compte que l'un des soldats me suivait”.
Après avoir tiré sur Hamzi, le soldat a lancé une grenade lacrymogène dans la cage d'escalier. Hamzi a dûêtre opéré au bras gauche pour endiguer son hémorragie au coude.
Contrôle de foule. En réponse à une video montrant des soldats israéliens se retirant devant des jeunes jetant des pierres, le Premier Ministre Adjoint, Eli Yishai, a déclaré : “à mon avis, (les forces israéliennes) doivent faire un usage maximum de leurs armes s'ils ont l'impression que leurs vies sont en danger, et ils doivent savoir qu'ils bénéficieront du plus grand soutien et de la plus grande compréhension de tous les organismes concernés, si c'est ce qu'ils ont à faire”.
En mai 2013, le nombre moyen de civils blessés par balles réelles ou par des balles enrobées de caoutchouc a plus que triplé en comparaison à la même période l'an dernier, selon l'Office des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (ONUCAH/OCHA). Depuis janvier 2013, il y a eu 213 victimes civiles, contre 63 pour la même période de l'année dernière.
La majorité de ces familles n'ont pas déposé de plainte auprès des autorités israéliennes au sujet des blessures produites par l'usage d'armes létales ou non, puisqu'elles estiment qu'il n'y aura pas d'accusation criminelle engagée contre des soldats.
Depuis 2000, Yesh Din, rapporte que seulement cinq pour cent des plaintes soumises à la Division des Enquêtes Criminelles de la Police Militaire (DECPM) ont conduit à une mise en accusation. Du reste, les victimes d'un crime commis par un soldat répugnent à parler sans détours “par peur qu'ils puissent venir faire du mal, soit au sujet des soldats qui découvrent qu'elles ont ont déposé une plainte, soit en refusant différents permis”.
Quant à Atta, il a grandi dans une dans une atmosphère oùà la fois les soldats israéliens et les colons juifs agissent en complète impunité. Quand on lui pose des questions sur le sort du soldat qui lui a tiré dessus, il répond sans hésitation : “je ne m'attends pas à ce qu'il lui arrive quoi que ce soit”.
(traduit de l'anglais par Y. Jardin, membre du GT sur les prisonniers)
Publié par Defence for Children International