Quantcast
Channel: Association France Palestine Solidarité
Viewing all articles
Browse latest Browse all 26548

Les maux moyen-​​orientaux d'Obama

$
0
0

"Dès son entrée en fonc­tions, Obama s'est fixé quatre objectifs au Moyen-​​Orient" : Irak ; Afgha­nistan, pro­cessus de paix, Iran.

"Le pro­blème est qu'Obama a net­tement ten­dance à sur­es­timer le pouvoir d'influence des États-​​Unis sur des acteurs plus faibles."

À peine après avoir accueilli les troupes amé­ri­caines de retour d'Irak, le pré­sident des États-​​Unis Barack Obama, ses éloges faits de la sta­bilité et de la démo­cratie ira­kienne, que la gravité de la crise poli­tique de l'Irak a res­surgi sous la forme d'une vague de vio­lences sans pré­cédent déferlant sur Bagdad et dans le reste du pays. Cette crise est-​​elle une exception regret­table, ou bien un symptôme de l'échec de la diplo­matie d'Obama au Moyen-​​Orient, de l'Égypte à l'Afghanistan ?

Dès son entrée en fonc­tions, Obama s'est fixé quatre objectifs au Moyen-​​Orient : la sta­bi­li­sation de l'Irak avant l'évacuation ; le retrait des troupes d'Afghanistan, mais en position de force reposant sur un minimum de conver­gence avec le régime poli­tique du Pakistan ; le déblocage majeur du pro­cessus de paix au Moyen-​​Orient en forçant le Premier ministre israélien Ben­jamin Neta­nyahu à geler l'implantation des colonies ; et l'ouverture d'un dia­logue avec l'Iran sur ses plans nucléaires. Force est de constater que sur ces quatre grandes ques­tions, le bilan d'Obama est plutôt maigre.

Pour ce qui est de l'Irak, depuis la pré­si­dence de George W. Bush, les États-​​Unis ont cherché à exercer une influence qui fasse contre­poids au pouvoir chiite, pour que le pays puisse créer un système poli­tique plus inclusif, notamment en passant une nou­velle légis­lation enca­drant le partage des rentes des expor­ta­tions pétro­lières au sein des com­mu­nautés chiites, sun­nites et kurdes. Hélas, c'est jus­tement le contraire qui est arrivé. Le Kur­distan s'est engagé sur la voie d'une plus grande auto­nomie, tandis que les sun­nites sont de plus en plus mar­gi­na­lisés par un gou­ver­nement central sec­taire et auto­ri­taire dominé par les chiites. Tout cela a des consé­quences sur l'équilibre des pou­voirs de toute la région, les rela­tions de l'Irak devenant plus étroites avec l'Iran afin de se pré­munir de la Turquie, qui est vue comme pro­tec­trice des sunnites.

Le gouffre énorme qui sépare l'Irak des États-​​Unis est apparu lors de la récente visite à Washington du Premier ministre irakien, Nouri al-​​Maliki, qui a men­tionné que la Turquie l'inquiétait plus que l'Iran. Ce qui vou­drait dire que les Amé­ri­cains n'ont plus de véri­table influence poli­tique sur les affaires internes de l'Irak. Plus inquiétant encore, les États-​​Unis se sont engagés dans une voie d'évitement en ne jouant pas la der­nière carte dans les trac­ta­tions avec al-​​Maliki : la vente d'armes. Il est désormais indé­niable que l'occupation de l'Irak s'avère une immense défaite stra­té­gique pour les États-​​Unis, car elle n'a fina­lement servi qu'à raf­fermir la position de l'Iran. Malgré tout cela, Obama n'a pas de vision à moyen terme pour s'attaquer à la gravité de la situation ; un déni de la réalité qui, un jour ou l'autre, coûtera cher aux États-​​Unis.

Une ou deux choses risquent d'arriver : un endi­guement plus serré de l'Iran par un embargo des expor­ta­tions pétro­lières devrait pro­duire des résultats positifs et affaiblir l'Iran, ou ne rien donner du tout, menant ainsi inexo­ra­blement les États-​​Unis vers une nou­velle guerre au Moyen-​​Orient. Il n'est pas impro­bable que les milieux de la poli­tique étrangère voient dans l'aggravation de la crise ira­kienne la pierre d'assise sur laquelle s'appuie la jus­ti­fi­cation d'une inter­vention mili­taire en Iran. Mais Obama n'est dupe de per­sonne. Il a jaugé le niveau d'hostilité du Congrès amé­ricain envers l'Iran et le désir de confronter par les armes la Répu­blique isla­mique. Il estime tou­tefois être en mesure d'éviter les solu­tions extrêmes ; en diplo­matie, tout est pos­sible et le pire scé­nario n'est jamais inéluctable.

Le pro­blème est qu'Obama a net­tement ten­dance à sur­es­timer le pouvoir d'influence des États-​​Unis sur des acteurs plus faibles. Ce qui vaut pour l'Irak vaut aussi pour l'Afghanistan : Obama peut se targuer d'avoir éliminé Oussama Ben Laden, un succès indé­niable, mais qui ne s'attaque pas vraiment à la racine du mal. En 10 ans d'occupation mili­taire, qui a entraîné le déploiement de plus de 100 000 soldats à un coût de 550 mil­liards de dollars, les États-​​Unis n'ont pas encore réussi à créer une alter­native cré­dible au pouvoir taliban. Pis encore, l'alliance poli­tique avec le Pakistan s'est effritée.

Les rela­tions entre les États-​​Unis et le Pakistan ont, il est vrai, régressé au niveau d'avant le 11 sep­tembre 2001, une époque ancrée dans une méfiance mutuelle. Les diri­geants pakis­tanais portent évidemment une lourde res­pon­sa­bilité dans cette donne. Mais si les Amé­ri­cains ont été inca­pables de faire par­ti­ciper le Pakistan à la réso­lution du conflit afghan, cet échec ne reflète que le refus des États-​​Unis de donner aux Pakis­tanais ce qu'ils dési­raient : un ren­ver­sement des rap­ports de force entre l'Inde et le Pakistan. En consé­quence, le Pakistan a cessé de coopérer avec les États-​​Unis, ses diri­geants ne voyant plus grand-​​chose à tirer de la lutte contre les talibans. Le risque étant qu'en plein début du retrait des troupes amé­ri­caines d'Afghanistan, un pro­cessus qui vient jus­tement d'être avancé à l'an pro­chain, au lieu de 2014, les États-​​Unis cher­cheront à nouveau à imposer des sanc­tions au Pakistan, un État instable doté d'un arsenal nucléaire, qui pourrait réagir en res­serrant les liens avec la Chine et en favo­risant le déploiement du ter­ro­risme islamiste.

Obama a également tenté d'user de l'influence des États-​​Unis pour résoudre le conflit israélo-​​palestinien dans le cadre de sa stra­tégie globale au Moyen-​​Orient. Il pensait ini­tia­lement qu'en exerçant des pres­sions sur Neta­nyahu pour qu'il fasse cesser les implan­ta­tions de colonies, il par­vien­drait à faire renaître le pro­cessus de paix. Or, il a été rapi­dement et habi­lement déjoué par son allié, qui connaît l'importance de la question israé­lienne dans la poli­tique inté­rieure amé­ri­caine. En mettant Obama en porte-​​à-​​faux au Congrès amé­ricain, Neta­nyahu l'a forcé à battre en retraite. En 2009, Obama envi­sa­geait un règlement du conflit par le tru­chement d'un enga­gement résolu de la com­mu­nauté inter­na­tionale. En 2011, il affirmait que seule la volonté des deux parties en cause pouvait assurer un dénouement. Appa­remment, là aussi, les États-​​Unis ne peuvent pas grand-​​chose pour résoudre ce conflit.

Les déboires en série d'Obama au Moyen-​​Orient ne reposent sur aucune cause fon­da­mentale, mais cer­tains fac­teurs valent la peine d'être consi­dérés : la pro­li­fé­ration des conflits asy­mé­triques, dans les­quels l'utilisation tra­di­tion­nelle de la force est gran­dement inef­ficace, des liens de plus en plus flous entre des alliés dif­fi­ciles et des adver­saires intrai­tables, sans compter les dif­fé­rends poli­tiques majeurs entre un pré­sident amé­ricain cen­triste et un Congrès dominé plus que jamais par des idées extrêmes. Mais c'est pourtant Obama qui, en grande partie, est res­pon­sable du gâchis. Contrai­rement à ce que l'on pourrait penser, il n'entretient pas une vision vraiment stra­té­gique du monde, une lacune dont témoigne sa capi­tu­lation sou­daine lorsque ses pro­po­si­tions font l'objet d'opposition.

Obama a souvent un plan A, mais rarement un plan B. Or, lorsqu'il s'agit de mener une poli­tique étrangère qui aboutit, le plan A ne suffit jamais.

Zaki Laïdi est pro­fesseur en rela­tions inter­na­tio­nales à l'Institut d'études poli­tiques de Paris (Sciences Po.).

publié par l'Orient le Jour le 11 février 2012

http://www.lorientlejour.com/catego... © Project Syn­dicate, 2012. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 26548

Trending Articles