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Le traitement indigne des enfants palestiniens par l'armée israélienne

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Depuis plu­sieurs années, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) suit la situation des enfants pales­ti­niens en détention mili­taire israé­lienne. En mars 2013, l'UNICEF a rendu un rapport complet sur la manière dont les auto­rités israé­liennes se com­portent avec les jeunes Pales­ti­niens arrêtés en Cis­jor­danie. Le jugement est sans appel. Selon l'agence des Nations unies, l'armée utilise des pra­tiques « cruelles, inhu­maines et dégra­dantes » dans le trai­tement des enfants palestiniens.

Ces pra­tiques semblent être « géné­ra­lisées, sys­té­ma­tiques et ins­ti­tu­tion­na­lisées », sou­ligne le rapport qui confirme les obser­va­tions for­mulées par nombre d'ONG qui avaient enquêté sur le sujet. Quelques sta­tis­tiques per­mettent de brosser le contexte. L'armée israé­lienne a arrêté et fait juger, au cours de la der­nière décennie, environ 7.000 enfants pales­ti­niens âgés entre 12à17 ans, sur une popu­lation totale d'environ 2,5 mil­lions d'habitants en Cis­jor­danie. Il s'agit majo­ri­tai­rement de garçons âgés de 12à17 ans, arrêtés, inter­rogés par les forces armées israé­liennes, puis pour­suivis par le pro­cureur mili­taire, avant d'être jugés par un tri­bunal mili­taire. Chaque année, environ 600-​​700 enfants pales­ti­niens, cer­tains âgés d'à peine 12 ans, sont arrêtés, détenus et pour­suivis dans le système de détention mili­taire israélien. Il y a en per­ma­nence autour de 200 enfants détenus par l'armée israélienne.

Les preuves de la violation des droits fondamentaux

La lecture des rap­ports de l'UNICEF et des ONG com­pé­tentes (par exemple, Public Com­mittee Against Torture in Israel ou Defence for Children Inter­na­tional) permet de se faire une meilleure idée de la nature et de l'étendue des vio­la­tions des droits fon­da­mentaux de ces enfants. La majorité des arres­ta­tions des enfants pales­ti­niens se produit la nuit, entre minuit et 5 heures du matin. Les arres­ta­tions sont effec­tuées par des soldats lour­dement armés, qui pénètrent de force dans des maisons plongées dans l'obscurité, dont les habi­tants sont géné­ra­lement endormis. La porte d'entrée et le mobilier du foyer sont parfois dégradés par les soldats lors de l'opération. Une fois loca­lisés dans la maison, les enfants sont arrêtés devant les membres de leur famille, leurs parents, frères et sœurs. Ces enfants ne repré­sentent en général aucun danger pour l'armée israélienne.

Cette der­nière pourrait faire le choix de les arrêter durant la journée, par des équipes légè­rement armés. Elle fait le choix inverse en vue d'instiller un climat de crainte et d'insécurité dans les familles pales­ti­niennes. Toutes les ONG sou­lignent le stress et les sérieuses consé­quences psy­cho­lo­giques que ce type d'arrestations noc­turnes génère chez les enfants. Les rap­ports relèvent en outre que les arres­ta­tions, qu'elles aient lieu de nuit ou de jour, s'accompagnent souvent de mauvais trai­te­ments : force uti­lisée souvent non néces­saire ou uti­lisée de manière dis­pro­por­tionnée ; enfants tirés de leur lit vio­lement ; bandage des yeux ; mains liés dans le dos par des attaches en plas­tique ; bru­talité dans la manière dont les enfants sont souvent « jetés » dans des véhi­cules mili­taires où ils sont main­tenus à plat ventre sur le sol durant le trajet.

Ces rap­ports sou­lignent éga­lement que les mauvais trai­te­ments se pour­suivent au cours du transfert et durant les inter­ro­ga­toires. La détention avant com­pa­rution devant un tri­bunal, qui a lieu dans des centres d'interrogatoire israé­liens, dure géné­ra­lement entre 24 et 48 heures, durée qui peut être renou­velée un fois pour les besoins de l'enquête. Durant cette période, les enfants pales­ti­niens sont souvent vic­times d'humiliations (en ce compris des fouilles leur imposant la nudité), de vio­lences ver­bales, de pri­va­tions de sommeil, d'eau et de nour­riture, d'accès aux toi­lettes mais aussi parfois de vio­lences physiques.

La plupart des mauvais trai­te­ments sont commis par des soldats, des poli­ciers ou des agents de sécurité (lors des arres­ta­tions) et des enquê­teurs (lors des inter­ro­ga­toires). Dans les 20% de cas où il est estimé que l'enfant âgé d'au moins 14 ans repré­sente une menace pour la sécurité, la période de détention avant com­pa­rution devant un tri­bunal peut durer jusqu'à10 jours, voire même 15 jours.

Au cours de cette période, l'enfant est parfois placé en iso­lement cel­lu­laire et continue àêtre régu­liè­rement interrogé. Cer­tains sont menottés aux pieds (et parfois aussi aux mains), y compris lors de leur arrivée au tri­bunal. Durant les inter­ro­ga­toires, l'enfant n'a pas accès à un avocat ou à un membre de sa famille. Dans 90 % des cas, les enfants sont inter­rogés seuls et rarement informés de leurs droits, en par­ti­culier leur droit à un avocat et de leur droit au silence. Les tech­niques d'interrogatoire sont coer­ci­tives men­ta­lement et phy­si­quement. Elles contiennent un mélange d'intimidations, de menaces et de vio­lences phy­siques (posi­tions forcées), dont l'intention est d'obtenir une recon­nais­sance des faits allégués et des dénon­cia­tions. Il en résulte un nombre important d'aveux forcés. Dans la majorité des affaires, les enfants sont inter­rogés en hébreu sans tra­ducteur, et signent des décla­ra­tions en hébreu, langue qu'ils ne com­prennent pas. Ces décla­ra­tions sont pourtant consi­dérées comme valables.

Une justice d'exception

Les enfants pales­ti­niens sont ensuite jugés par des tri­bunaux mili­taires, dont la mission est de contribuer à faire res­pecter l'ordre et la loi dans les ter­ri­toires occupés. Cette orien­tation quasi-​​automatique des mineurs - quel que soit la nature des faits reprochés, y compris ceux contre les colons israé­liens - vers la justice mili­taire est cri­ti­quable : il devrait y avoir au moins une dis­tinction entre les faits commis contre des mili­taires et les autres. Israël est le seul Etat au monde à engager sys­té­ma­ti­quement des pour­suites judi­ciaires contre des enfants dans des tri­bunaux mili­taires, qui font pré­valoir leur mission répressive sur l'intérêt de l'enfant et sa réin­sertion sociale. Ces tri­bunaux ne pré­sentent pas non plus les garanties per­mettant d'assurer un procès équi­table : pas d'indépendance et d'impartialité du tri­bunal, accès incomplet au dossier par les parties, impos­si­bilité d'entendre des témoins et d'examiner les preuves, recours fré­quent à détention pré­ventive. Les procès laissent peu de chances à ces enfants. Leurs aveux étant consi­dérés comme des preuves, nom­breux sont ceux qui pré­fèrent avouer pour être libérés et les aveux ne sont pas remis en cause par les juges. Les infrac­tions repro­chées consistent le plus fré­quemment en des « jets de pierres » pour les­quels ils risquent des peines très lourdes : pour des mineurs entre 12 et 14 ans jusqu'à6 mois de prison, entre 14à16 ans jusqu'à10 ans d'emprisonnement, et même 20 ans, s'ils ont ciblé des véhi­cules en mou­vement. A partir de 16 ans, ils encourent les mêmes peines que les adultes. Ces peines sont dis­pro­por­tionnées et en contra­diction avec le droit inter­na­tional qui prévoit que les peines encourues par les enfants doivent être réduites par rapport à celles appli­cable pour les adultes. Dans l'espoir d'éviter ces peines très lourdes, 90% des enfants pales­ti­niens plaident cou­pables. Ils sont en tout état de cause très rarement relaxés : le taux de condam­nation atteint les 99%.

200 enfants âgés de 12à17 ans se trouvent dans des centres de détention mili­taires israé­liens pour atteintes pré­sumées à la sécurité ou pour purger une peine de prison. 75 mineurs sont détenus dans des prisons situées en Israël en 2012, ce qui constitue une vio­lation de l'article 76 de la qua­trième Convention de Genève pro­hibant la détention d'un res­sor­tissant de la puis­sance occupée en ter­ri­toire de la puis­sance occu­pante. Les rap­ports de l'UNICEF et des ONG relèvent aussi des abus subis par les enfants pales­ti­niens dans les prisons israé­liennes, même si ceux-​​ci sont moins nom­breux que dans les centres d'interrogatoires. Un quart des mineurs déclare y avoir subi des vio­lences phy­siques telles que des coups de pied, des gifles, des mauvais traitements.

Des « terroristes potentiels »

Les raisons du trai­tement réservé aux enfants pales­ti­niens sont dif­fi­ci­lement com­pré­hen­sibles. Un tel sort semble résulter de l'idée très répandue dans l'armée israé­lienne que les enfants pales­ti­niens arrêtés doivent être traités presque comme des adultes, car ils seraient des « ter­ro­ristes poten­tiels ». L'UNICEF note d'ailleurs qu'il y a un décalage important entre les textes internes à l'armée - recon­naissant des droits aux enfants et inter­disant cer­tains com­por­te­ments, confor­mément à la juris­pru­dence de la Cour suprême israé­lienne - et les pra­tiques souvent indignes sur le terrain. L'incompréhension est d'autant plus forte que les enfants israé­liens ne sont pas traités de cette façon : leur arres­tation est confiée à la police et les cas de mauvais trai­te­ments recensés sont très rares ; ils ont tou­jours le droit soit à la pré­sence d'un avocat, soit à la pré­sence d'un parent lors de l'interrogatoire ; ils ne peuvent pas être empri­sonnés avant l'âge de 14 ans ; ils ne peuvent être détenus plus de 48 heures sans être pré­sentéà un juge. Aucun mineur israélien n'entre en contact avec le système de tri­bunaux mili­taires, y compris les enfants vivant dans les colonies en Cis­jor­danie. Ils ont le droit à un vrai procès équi­table. On remar­quera en outre que les colons israé­liens mineurs sont très rarement arrêtés (et jamais pour­suivis) pour des infrac­tions com­mises non pas contre des mili­taires armés ou des véhi­cules blindés mais contre des civils pales­ti­niens désarmés qui se rendent à leur travail ou aux champs.

L'absence de volonté des auto­rités israé­liennes de régler le pro­blème se mani­feste dans l'impunité dont les mili­taires et les poli­ciers béné­fi­cient. Des plaintes sont régu­liè­rement déposées auprès des auto­rités israé­liennes concernant les mauvais trai­te­ments des enfants pales­ti­niens. Elles sont déposées soit par la famille du mineur, soit par des ONG pales­ti­niennes ou israé­liennes. Elles abou­tissent rarement à une enquête sérieuse et jamais à des pour­suites pénales contre les mili­taires ou les poli­ciers concernés.

Ces pra­tiques violent le droit inter­na­tional résultant des conven­tions rati­fiées par Israël, que ce soit le pacte des droits civils et poli­tiques de 1966, la convention inter­disant la torture et les trai­te­ments cruels et dégra­dants de 1984 ou la convention des droits de l'enfant de 1989 (notamment de son article 37). Elles affectent durement la vie de mil­liers d'enfants pales­ti­niens. Sans que cela ne suscite de réaction vigou­reuse de la com­mu­nauté inter­na­tionale et de ses États membres.


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