
Hind Meddeb retrace le parcours du réalisateur Rani Massalha, de la City au cinéma. Son premier film, "Girafada", est actuellement en salles.
Rani Massalha : "Ce film était comme une évidence"
Rani Massalha est néà Paris d'un père palestinien et d'une mère égyptienne. Après avoir fait des études à Sciences Po et à l'Université de Boston, il décroche un premier job dans la finance à la City à Londres. En 2002, à la lecture d'un article dans le journal, son destin va basculer. "J'étais à la City et je lis dans le journal : 'Nouvelle victime du conflit israélo-palestinien : une girafe est morte dans le zoo de Qalqilya'. Ma première réaction a été de vouloir aider le zoo à faire venir une nouvelle girafe. Mes efforts ont été vains. Sur le ton de la blague, j'ai dit au vétérinaire du zoo que la seule solution serait de kidnapper une girafe dans un zoo israélien."
"Raconter le conflit israélo-palestinien à travers le point de vue d'un enfant"
L'idée du film Girafada est née. Dans le dernier zoo de Palestine, un couple de girafes vit paisiblement jusqu'au jour où le mâle est mortellement blessé suite à un raid israélien. La girafe survivante sombre dans une dépression et refuse de se nourrir. Le vétérinaire du zoo et son fils se lancent alors dans une aventure a priori impossible : faire venir une girafe mâle d'un zoo israélien.
"Je me suis servi de ce fait divers pour en faire un conte cinématographique, raconter le conflit israélo-palestinien à travers le point de vue d'un enfant. Il faut imaginer la vie d'un enfant palestinien qui grandit à Qalqilya. Son quotidien, ce sont les checkpoints, les colons qui arrachent les oliviers de ses parents. Il n'a jamais vu la mer alors que la Méditerranée est à13 kilomètres. Le film raconte l'histoire de la relation entre un enfant et une girafe, entre un père et son enfant qui essaye de lui redonner espoir. "
"Si à25 ans on ne prend pas de risque, on n'en prendra jamais"
Mais à l'époque, Rani n'est pas encore cinéaste. Du jour au lendemain, il va décider de de quitter la finance et de changer de vie : "Je n'ai pas fait d'école de cinéma. J'ai pris un abonnement au vidéo club et je visionnais plusieurs fois les films sans le son, pour comprendre comment ils étaient fabriqués. Puis j'ai été assistant de Rachid Bouchareb sur le film Hors la loi, ça a été très vite. J'ai décidé de changer de vie parce que j'avais 25 ans et que si à25 ans on ne prend pas de risque, on n'en prendra jamais ! Et puis, j'y croyais, il y avait une force en moi, ce film était comme une évidence."
Rani Massalha a été marqué par l'engagement politique de son père qui a passé toute sa vie en exil : "Mon père a quitté la Palestine quand il avait 25 ans. Il a eu une bourse pour venir étudier en Suisse. Il était membre de l'OLP, qui à l'époque était considéré comme une organisation terroriste. Quand j'étais à l'école, j'étais considéré comme le fils du terroriste.
Ce n'est qu'à l'adolescence que Rani découvre enfin le pays de son père.
"Un aboutissement dans ma quête pour comprendre mes origines"
"Jusqu'en 1993, nous n'avions pas le droit de rentrer en Palestine. Après les accords d'Oslo, les réfugiés Palestiniens ont obtenu le droit de rendre visite à leurs familles. J'avais 15 ans la première fois que j'ai rencontré ma famille palestinienne." En réalisant Girafada, son premier long métrage, Rani Massalha renoue avec ses origines : "Finalement, ce film m'a permis de passer du temps en Palestine, de comprendre d'où je venais. Ce film est un aboutissement dans ma quête pour comprendre mes origines." Rani Massalha a dédié le film à son père, disparu peu avant le début du tournage. Girafada est dans vos salles de cinéma depuis le mercredi 23 avril.