Quantcast
Channel: Association France Palestine Solidarité
Viewing all articles
Browse latest Browse all 26548

Une partie avec de nouvelles règles du jeu

$
0
0

De façon un peu inat­tendue, ces der­nières semaines ont vu les ini­tia­tives diplo­ma­tiques se déplacer vers les Pales­ti­niens. Chaque jour, tous les yeux sont fixés sur les der­niers déve­lop­pe­ments pro­venant du Bureau de Mahmoud Abbas (Abu Mazen).

Les grands titres du matin relatent la nou­velle ini­tiative de Ramallah. Vers midi, on entend le chœur de réac­tions furieuses de Neta­nyahou et de ses ministres. Le soir arrivent les réac­tions plutôt confuses de Washington et Bruxelles. C'est une sur­prise, après une longue période pendant laquelle les Pales­ti­niens et leurs diri­geants furent contraints de s'engager sur des chemins diplo­ma­tiques définis pour eux par d'autres.

L'an dernier, Abu Mazen a entamé avec une évi­dente réti­cence des négo­cia­tions avec le gou­ver­nement Neta­nyahou. Les Pales­ti­niens avaient toutes les raisons de penser que Neta­nyahou lui-​​même ne voulait pas d'un accord qui implique le retrait des Ter­ri­toires Occupés. Quand bien même Neta­nyahou l'aurait voulu, il n'aurait pu obtenir cet accord de son cabinet, avec ses par­te­naires de la coa­lition d'extrême droite et les membres tout aussi extrêmes de son parti, le Likoud.

Conscient que Neta­nyahou ne veut qu'un sem­blant de dis­cus­sions et un « pro­cessus de paix » qui ne mènera nulle part, Abu Mazen a subi des pres­sions pour entamer des négo­cia­tions sous la menace que, sinon, les Pales­ti­niens seraient rejetés par le monde entier pour avoir refusé [la paix].

Abu Mazen fut prié de se retenir de recourir aux Nations unies et de prendre des mesures uni­la­té­rales sur la scène inter­na­tionale tandis que Neta­nyahou avait toute liberté de pour­suivre les actions uni­la­té­rales de colo­ni­sation sur le terrain.

Uri Ariel, ministre du Logement et expert sans pareil en construction de colonies, a profité au maximum de cette opportunité.

La seule douceur offerte aux Pales­ti­niens pour faire passer la pilule amère fut la libé­ration de 104 pri­son­niers - 104 des quelque 5000 qui se trouvent dans les prisons israé­liennes, 104 détenus depuis avant les Accords d' Oslo, qui ont passé20 ou 30 ans der­rière les bar­reaux. Neta­nyahou décida de répartir la libé­ration de ces pri­son­niers en quatre fournées, chacune d'elle accom­pagnée d'une cam­pagne de pro­pa­gande massive dans les médias israé­liens sur le mode « libé­ration des meur­triers » et d'une explosion de la construction des colonies pour y « faire contrepoids ».

Pendant quelques mois on a pu se bercer d'espoir et penser que ce pro­cessus pourrait malgré tout porter ses fruits. Non pas par un accord entre les négo­cia­teurs de Neta­nyahou et ceux d'Abu Mazen – il n'y a jamais eu la moindre chance que cela arrive. S'il y avait une chance, elle vien­drait de la médiation forcée des Etats-​​Unis –qui posaient sur la table un accord cadre que les parties ne pou­vaient se per­mettre de refuser ; il fallait affronter direc­tement Neta­nyahou avec les Euro­péens dans le rôle du « méchant flic », en pro­férant des menaces cré­dibles de mesures qui pour­raient être dom­ma­geables pour l'économie israélienne.

Il est tout à fait pos­sible que cela n'ait été que de faux espoirs et des illu­sions. Pos­sible que le Secré­taire d'Etat Kerry et le Pré­sident Obama n'aient jamais vraiment voulu une confron­tation directe avec Neta­nyahou et ceux qui le sou­tiennent dans le système poli­tique des Etats-​​Unis.

Pos­sible aussi que Catherine Ashton, Merkel, Hol­lande et Cameron n'aient jamais vraiment eu l'intention de jouer le rôle qui leur était dévolu –celui d'amis très fermes. A défaut il ne restait au « per­sistant » John Kerry que ce qui sem­blait bien être la ligne de moindre résis­tance –arriver à un accord avec Neta­nyahou et le pré­senter aux Pales­ti­niens, «à prendre ou à laisser ».

Selon des fuites des medias israé­liens, l'accord devait paraître attrayant pour Neta­nyahou sur quelques points clé : des for­mu­la­tions pré­cises sur la pré­sence à long terme d'Israël dans la vallée stra­té­gique du Jourdain et l'exigence que les Pales­ti­niens recon­naissent Israël en tant qu' « Etat juif » et au contraire des for­mu­la­tions volon­tai­rement vagues sur les fron­tières de 1967 et la capitale pales­ti­nienne à Jérusalem-​​Est. C'est pro­ba­blement ce que Kerry a voulu faire avaler à Abu Mazen lors de leur ren­contre ora­geuse à Paris – ce que le pré­sident pales­tinien a rejeté d'emblée puis rejetéà nouveau quand le Pré­sident Obama lui a pré­senté le plat réchaufféà la Maison Blanche.

Il ne restait alors aux Amé­ri­cains que le choix entre recon­naître leur échec –et de cette manière remettre sur un plateau d'argent la vic­toire à Neta­nyahou dans le « jeu de qui porte la res­pon­sa­bilité» - ou essayer à tout prix de gagner encore du temps et de pro­longer les négo­cia­tions au-​​delà de la date butoir fixée au 29 avril.

Cela aurait peut-​​être pu marcher. Peut-​​être Abu Mazen aurait-​​il accepté de pro­longer les dis­cus­sions jusqu'à la fin de l'année, comme le sou­haitait Kerry –bien qu'il y ait eu dans la société pales­ti­nienne de plus en plus d'appels à mettre fin à cette mas­carade. Mais les par­te­naires de l'aile droite de Neta­nyahou ont coupé le noeud gordien par la pression intense qu'ils ont exercée sur le Premier ministre –le forçant à annuler la libé­ration de la qua­trième fournée de pri­son­niers, prévue pour le 29 mars. C'était la vio­lation fla­grante d'un enga­gement israélien explicite, qui éli­minait la seule douceur offerte aux Pales­ti­niens pour faire passer la pilule amère –et qui a libéré les Pales­ti­niens du siège suf­focant des négo­cia­tions qui ne mènent nulle part, leur apportant ainsi une bouffée sou­daine d'air pur et la liberté de prendre leurs propres initiatives.

On a vu d'abord la signature publique et affichée de la demande que la Palestine adhère à15 orga­ni­sa­tions et traités inter­na­tionaux. Puis la pro­po­sition de pro­longer les négo­cia­tions au-​​delà du 29 avril –à condition que ce soit des dis­cus­sions construc­tives visant à déter­miner les fron­tières de la Palestine en devenir, et que la construction de colonies soit tota­lement gelée pendant les pour­parlers. Ensuite vint la menace de dis­soudre l'Autorité Pales­ti­nienne (AP) et de « remettre les clés »à Israël. Enfin, l'accord de récon­ci­liation et la fin de la pro­fonde division entre Pales­ti­niens, séparant le Fatah du Hamas et la Cis­jor­danie de la bande de Gaza.

Le Bureau du Premier ministre à Jérusalem-​​Ouest et le Dépar­tement d'Etat à Washington, per­plexes et décon­certés par l'abondance des ini­tia­tives pales­ti­niennes qui atter­ris­saient sur leurs bureau, accu­sèrent les ser­vices de ren­sei­gnement qui n'avaient pas non plus anticipé les déci­sions palestiniennes.

« Est-​​ce que les Pales­ti­niens eux-​​mêmes savent ce qu'ils veulent ? Qu'ils décident s'ils veulent déman­teler l'AP ou s'unir avec le Hamas » se moquait Neta­nyahou. Mais en fait, toutes ces ini­tia­tives qui se suc­cé­daient rapi­dement, ne por­taient qu'un seul message –aux Israé­liens, aux Amé­ri­cains, aux Euro­péens, au monde entier. Les anciennes règles du jeu n'ont plus cours, qui exi­geaient des Pales­ti­niens qu'ils jouent le rôle secon­daire qu'on leur dictait, sur fond pro­custéen d'une occu­pation sans relâche. A partir de main­tenant, les Pales­ti­niens prennent leur destin en main et pré­sentent des ini­tia­tives aux­quelles les autres doivent répondre. Au peuple pales­tinien, le message qui émane du Bureau de Abbas est tout aussi important : il est pos­sible de prendre l'initiative et de faire avancer les intérêts pales­ti­niens –sans recourir à la vio­lence comme celle qui s'est trans­formée en bain de sang il y a 14 ans après l'échec de Camp David.

Est-​​ce que cela peut marcher ? Quelles autres sur­prises les Pales­ti­niens réservent-​​ils à Neta­nyahou, Kerry et Obama et aux autres acteurs de ce drame ?

Une pos­si­bilité au moins vient à l'esprit, qui pourrait se concré­tiser rapi­dement : la can­di­dature à la pré­si­dence de la Palestine de Marwan Bar­ghouthi – le pri­sonnier pales­tinien le plus célèbre, le diri­geant considéré comme celui qui a les meilleures chances de suc­céder à Abbas. Il se peut fort bien qu'il soit élu pré­sident du fond de sa cellule – et que le jour suivant, le per­sonnel de la Sécurité pales­ti­nienne notifie à ses homo­logues israé­liens : "Pour la coor­di­nation sécu­ri­taire entre nous, vous devez vous adresser à notre pré­sident dans votre prison."

http://adam-keller2.blogspot.co.il/...

Adam Keller, un des fon­da­teurs de Gush Shalom, membre de The other Israel et Yesh Gvul, est un militant israélien opposéà la colonisation.

Traduction, CL, Afps


Viewing all articles
Browse latest Browse all 26548

Trending Articles